Open Source et marchés publics : un tribunal suisse tranche en faveur de Microsoft

Pas de preuve d’une quelconque concurrence. C'est ce qu’a tranché un tribunal fédéral suisse dans un affaire qui opposait un groupe d’entreprises suisses Open Source Microsoft pour un contrat attribué à Redmond dans appel d’offres. Le juge a confirmé en appel qu’en dépit de cahier des charges précis, les plaignants n’étaient pas parvenus à démontrer qu’une concurrence existait face à Microsoft.

Une cour de justice suisse vient d’infliger à l’Open Source un revers cinglant. Un tribunal fédéral a rejeté en bloc une plainte déposée par plusieurs acteurs de l’Open Source ainsi qu’un groupe d’utilisateurs Linux (Swiss Open Systems User Group) qui mettaient en cause un choix technologique du gouvernement, portant sur l’attribution d’un marché à Microsoft sans avoir ouvert un appel d’offres au préalable.

Pour les 18 plaignants, parmi lesquels on retrouve quelque PME suisses mais également des acteurs reconnus de l’Open Source, comme Red Hat, Zarafa (travail collaboratif dont les administrations sont les clients principaux) et Open-Xchange, le problème tient dans le renouvellement d’un contrat de licences, de maintenance et de support, systématiquement attribué à Microsoft, pour le compte du bureau fédéral de la construction et le logistique suisse (Swiss Federal Office for Buildings and Logistics). Un contrat qui serait évalué à quelque 42 millions de francs suisses (32 millions d’euros). Redmond récolterait alors le marché sans qu’un appel d’offre public n’ait été publié, et cette pratique, rappellent alors les plaignants au tribunal, fonctionnerait depuis plus de vingt ans.

Face à ce qu’ils estiment être non conforme aux politiques de “procurement” du pays, les 18 sociétés ont donc décidé en mai dernier de porter l’affaire devant les tribunaux, avant de se voir débouter en première instance. Le juge ayant estimé que seuls les distributeurs de produits Microsoft pouvaient avoir à y redire. Les plaignants, de leur côté, ont décidé de faire appel, prétextant que “le tribunal avait dans ce cas totalement ignoré l’existence d’une large palette de logiciels concurrents avec les fonctionnalités souhaitées, dont une partie existent sous forme de logiciels libres”, raconte François Bianco sur le blog durabilite-numerique.ch du groupe parlementaire suisse pour une informatique durable.

Pas de preuves d’une vraie concurrence

Un point qui finalement n’aura pas convaincu le juge en appel qui a entériné la précédente décision. Le tribunal fédéral a en effet estimé que les plaignants n’avaient pas fourni de preuves suffisamment évidentes de l’existence de solutions concurrentes (notamment dans l’Open Source). Indignation des membres côté Open Source, qui rappellent que de telles preuves sont impossibles à fournir, l’administration suisse n’ayant pas défini de cahier des charges précis sur les exigences fonctionnelles à respecter. “Sachant [d’autant plus, NDLR] que le Tribunal fédéral lui-même utilise en interne des produits alternatifs aux produits Microsoft, il est d’autant plus difficile de comprendre un tel argumentaire”, s’indigne encore l’auteur de ce même blog.

Bien sûr, le blog durabilite-numerique.ch, choqué, explique que “dorénavant il ne sera plus possible pour les PME suisses de défendre leurs droits devant la justice face aux grands concurrents étrangers. Les fournisseurs de services en logiciels libres se tournent désormais vers la voie politique pour demander une amélioration des conditions d’acquisitions dans le domaine de l’informatiques de la Confédération".

Pour l’Open Source suisse, il s’agit d’un nouveau coup dur. En septembre 2010, le canton de Soleure, en Suisse Alémanique, avait décidé de renoncer à ses projets de migration Linux sur le poste de travail. Des problèmes d’interopérabilité et de conduite du changement d’un projet à rallonge avait notamment été pointés du doigt.

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