Pour Atos-Origin, Thierry Breton dit : "I have a dream"

Le plan Top, ça marche, a martelé Atos-Origin lors de la publication de ses résultats annuels 2009. De facto, le groupe a surpris en relevant sa marge de près d'un point, à 5,7 %. Pas sûr toutefois que cette "perf" suffise à obtenir l'adhésion des salariés, qui voient dans ce programme de réorganisation avant tout un plan de réduction des coûts. Le Pdg, Thierry Breton, tente donc d'impulser une vision d'avenir pour Atos, une vision centrée sur l'innovation.

Fin d'année toujours tendue pour Atos-Origin, qui voit son activité se contracter de 4,6 % au quatrième trimestre 2009 (voir l'encadré en bas de page pour le chiffre d'affaires activité par activité). Soit tout de même un point de moins que la décroissance enregistrée au troisième trimestre. Sur l'année entière, le groupe a généré un chiffre d'affaires de 5,1 Md€, en recul de 3,7 % sur un an à taux de change et périmètres constants. En intégrant les cessions effectuées dans l'année et la dépréciation de la livre sterling, la décroissance atteint 8,8 %.

Mais, comme l'avait déjà souligné Thierry Breton, Pdg du groupe, l'essentiel n'était pas là pour la seconde SSII hexagonale en 2009. L'ex-ministre avait surtout fixé comme objectif un relèvement de la marge opérationnelle. Et de ce côté, le pari est tenu. Partant d'un niveau très bas en 2008 (4,8 %), la SSII s'était vu assigner par son nouveau patron un objectif de progression de 50 à 100 points de base. En terminant l'année à 5,7 %, Atos-Origin remplit donc son contrat - malgré la faillite d'un de ses clients, Arcandor (se traduisant par 14 M€ de marge envolée) -, signant au passage une très bonne fin d'année en matière de rentabilité, puisque, au premier semestre, la marge ne s'élevait qu'à 4,6 %. Comme le souligne Brice Thébaud, analyste chez Aurel BGC, cette performance est même supérieure aux attentes des marchés, qui misaient plutôt sur 5,4 %. Malgré des charges exceptionnelles (liées aux restructurations et à la faillite d'Arcandor), le groupe dégage un bénéfice net de 32 M€, contre 23 M€ en 2008. Atos a poursuivi son désendettement, la dette étant ramenée à 139 M€ fin décembre, contre 304 M€ un an plus tôt.

France : marges en hausse, mais toujours riquiqui
Positionné largement sur l'intégration de systèmes, la France a connu une année mitigée. A 1,13 Md€, le pays reste certes le premier marché du groupe, mais son activité y recule de 3 %. Surtout, les marges générés dans l'Hexagone (hors Worldline) restent inférieures à la moyenne du groupe (3,9 % contre 5,7 % pour le groupe). Mais elle s'améliore nettement par rapport à 2008. "L'activité intégration de systèmes en France a mieux résisté que dans la moyenne du groupe, du fait du poids des projets au forfait", explique la direction générale de la SSII. La France n'a ainsi pas été touchée par les restructurations les plus brutales, qui ont affecté le Bénélux et l'Espagne. Dans l'Hexagone, les effectifs reculent de quelque 300 personnes par rapport à fin 2008, pour atteindre 12 400 salariés (hors Worldline, qui en compte 4 800).
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Un plan Top mal vécu par les salariés

En bref, une concrétisation du plan Top (Total Operational Performance), un programme d'amélioration des performances, piloté par Charles Dehelly, le directeur général adjoint de la SSII arrivé dans les bagages du Pdg Thierry Breton. Un programme centré sur la maîtrise des coûts qui s'est traduit par une diminution de l'intercontrat (baisse de 40 % entre le début et la fin d'année), des coupes claires dans la sous-traitance (passée de 3 900 à 2 400 personnes sur l'année), des restructurations (les effectifs se sont allégés de 1 900 personnes sur l'année, majoritairement au Bénélux et en Espagne), le regroupement des équipes franciliennes sur un seul site (à Bezons) ou encore un recrutement focalisé sur les jeunes diplômés (60 % du total). Rappelons que ce programme suscite des résistances en interne. Comme nous l'avions révélé, en France, un mouvement de contestation, initié par la branche Worldline, s'organise contre la politique de gel des salaires. La SSII a d'ailleurs mis en exergue, ce matin lors d'une conférence téléphonique, un plan pour renforcer l'adhésion des collaborateurs au projet de transformation du groupe. "Top n'est pas un plan de réduction des coûts", a martelé Thierry Breton, rappelant que le programme comprend aussi des volets tournés vers la productivité, les RH et le développement des offres à l'international.

Sans surprise, le groupe a ainsi développé ses forces offshore (voir graphique ci-dessous), avec une accélération des recrutements notamment en fin d'année (plus de 1 000 rien que sur le dernier trimestre). Au total, le groupe n'affiche toutefois que 5 000 personnes dans ses centres délocalisés, majoritairement en Inde (3 600), mais aussi au Maroc (500) ou en Pologne (400). Bref, un ratio de forces dans les pays à bas coût qui reste en deçà de groupes comparables. Avec 10 % de ses effectifs dans les pays à bas coût, Atos-Origin reste très loin de Capgemini par exemple (26 %). Selon Charles Dehelly, l'objectif de la SSII est de s'aligner sur les taux d'offshore des concurrents directs du groupe pour la fin 2010. En interne, le projet est mené par Francis Meston, l'ex-DG de la filiale française d'EDS recruté au printemps dernier au poste de vice-président exécutif pour les activités d'intégration.

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Internationaliser Worldline pour doubler sa taille

Une perspective qui, là encore, ne devrait guère réjouir les salariés de la SSII. Du coup, Thierry Breton insiste sur sa vision. "I have a dream", a expliqué le Pdg ce matin. Ce rêve, c'est de faire d'Atos-Origin un leader en matière d'innovation. Rappelons que le groupe a prévu une série d'annonces au cours de l'année. En janvier, Atos mettait ainsi en avant ses expertises dans le cloud computing et le Green IT. Dans les mois prochains, la SSII présentera des offres autour des smart utilities (la gestion intelligente des réseaux publics, où le groupe possède déjà des références, comme EDF), de l'ECM et de la collaboration (Atos pilote notamment le chantier d'archivage de la BnF), du Context Aware Computing (applications mobiles tenant compte du contexte) et des réseaux sociaux.

Surtout, l'ex-Pdg entend s'appuyer sur ce qui apparaît une fois de plus comme la pépite du groupe : Worldline, la filiale spécialisée dans le traitement des transactions électroniques. "La philosophie qui anime les offres de Worldline - un paiement à l'usage, moins d'investissements en Capex - est aujourd'hui ce qu'attendent nos clients", a expliqué Thierry Breton. La SSII a d'ailleurs lancé un programme visant à étendre les offres de Worldline - aujourd'hui centrées sur la France - dans ses autres implantations internationales. Avec pour priorités le Bénélux, la Grande-Bretagne, l'Espagne et la Chine. Le groupe explique avoir d'ailleurs signé un premier contrat sur des prestations de ce type outre-Manche. D'ici à 2013, Atos se fixe pour objectif de doubler le chiffre d'affaires de sa branche Worldline, pour atteindre 1,6 Md€.

Nouvelle décroissance en 2010

Pour 2010, dans la lignée de ses précédentes déclarations, Thierry Breton se fixe pour objectif de relever de nouveau la marge de 50 à 100 point de base. Une nouvelle amélioration de la rentabilité qui doit amener le groupe au niveau de ses concurrents en 2011, soit entre 7 et 8 % de marge opérationnelle. Atos-Origin anticipe toutefois une nouvelle décroissance de son chiffre d'affaires pour 2010, dans des proportions moindres que celles connues l'année dernière toutefois. La SSII évoque notamment l'impact du contrat Arcandor - son client allemand en faillite - pour expliquer ce nouveau recul. Si la société a signé un nouveau contrat de 800 M€ avec ce grand compte, elle n'a pas intégré le chiffre d'affaires de cette signature dans ses prises de commandes du fait des incertitudes pesant sur l'avenir de ce deal.

Conseil et intégration qui pleurent, infogérance et Worldline qui rient

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Les résultats annuels de Atos-Origin confirment les tendances entrevues sur le marché des services tout au long de l'année noire de 2009. Une claque sévère pour les activités non récurrentes. Poids lourd du groupe (37 % du total), l'intégration encaisse un recul de 11 % sur un an. Mais Atos-Origin est parvenu à remonter la marge de cette activité, qui passe de 4,1 à 5 %, notamment en raison des efforts pour réduire l'intercontrat. Sévèrement touché, le conseil abandonne près de 24 % en un an ; il ne pèse plus que 5 % de l'activité. Sa décroissance s'est toutefois légèrement ralentie en fin d'année. Dans ces deux activités, le ratio prises de commandes sur facturation est inférieur à 1 et au niveau constaté fin 2008, augurant d'une nouvelle contraction en 2010.

A l'inverse, l'infogérance, qui devient la première division du groupe avec 38 % du total, poursuit son expansion, progressant de 4,4 % sur l'année et voyant sa marge opérationnelle gagner trois dixièmes, à 5,5 %. Un niveau qui reste assez faible toutefois comparé aux concurrents d'Atos. La vraie performance de 2009 en matière de rentabilité revient à Worldline, qui, partant d''un niveau élevé, est parvenue à relever un peu plus sa marge pour l'amener à 15,4 %. Mais cette activité, qui croit de 3,5 %, ne pèse que 17 % du CA du groupe. On comprend mieux la volonté de Thierry Breton d'exporter le modèle Worldline dans tous les pays où Atos est présent. Ces deux activités affichent, fin décembre, un ratio prise de commandes sur facturation supérieur à 1, laissant entrevoir un crû 2010 encore florissant.

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