SAP Business Suite sur Hana : Oracle, ne vois-tu rien venir ?

Fusionner décisionnel et transactionnel, une utopie ? En confirmant le support de son ERP sur sa base de données en mémoire, l'éditeur européen fait taire les sceptiques. Et vient défier son adversaire numéro un et premier partenaire dans les bases de données, Oracle.

"J'attends ce moment depuis trois ans"

Après le CRM, voici la Business Suite sur Hana, la base de données en mémoire de SAP. Une annonce attendue par les observateurs et les clients, mais néanmoins empreinte d'une certaine solennité. "J'attends ce moment depuis trois ans", a lancé Jim Snabe, le co-Pdg qui animait la conférence de presse à Francfort, tandis que Hasso Plattner, le co-fondateur qui s'exprimait depuis Palo Alto, expliquait : "C'est un moment spécial pour moi".

Ce dernier est en effet à l'origine de cette base de données entièrement en mémoire et des bouleversements architecturaux qui en découlent, via ses travaux à l'université de Potsdam où l'homme d'affaires finance un institut de recherche. Le support de l'ERP maison (la Business Suite et donc de All-in-One, sa déclinaison pour PME qui repose sur le même socle technique) constitue une étape clef dans la mise en œuvre de la vision des architectures informatiques présentée en mai 2010 par Hasso Plattner et Vishal Sikka, qui supervise la R&D du premier éditeur européen.

Une vision en trois étapes. Primo, livrer la technologie Hana comme un accélérateur pour des besoins spécifiques (avant tout dans l'analytique), accélérateur venant se brancher sur l'architecture en place sans la modifier. Secundo, utiliser Hana pour remplacer des briques technologiques complètes (comme ce fut le cas avec BW en 2011). Tertio, enfin, supporter les applications décisionnelles directement sur Hana. Une voie dans laquelle SAP a commencé à s'engager en fin d'année dernière avec le lancement de Customer 360, une nouvelle application de CRM tirant partie d'emblée des caractéristiques du In-Memory, en proposant une fusion des fonctions analytiques (analyse de sentiment, analyse prédictive) et transactionnelles.

SAP mise sur une migration étape par étape

L'annonce d'hier est d'une nature différente. "Il s'agit d'une mise à jour technologique", a confirmé Hasso Plattner. Via les Enhancements Packs, des améliorations fournies aux entreprises dans le cadre de leur maintenance, les clients sous ECC 6.0 (dernière version du cœur de l'ERP) pourront rendre leur progiciel compatible avec Hana (excepté le SRM pour l'instant), avant d'installer la base de données In-Memory. Ce qui doit déboucher sur l'accélération de certains processus (SAP parle d'une cinquantaine de transactions optimisées via des calculs effectués directement au niveau de la base de données).

Comme l'explique Jim Snabe, et comme l'ont confirmé les DSI présents sur scène (représentant Bayer MaterialScience, Ferrero, John Deere et la chaîne de télé-achat TSE24), la migration de la totalité de la suite sur Hana se fera étape en étape. "Avant de migrer l'ensemble de la suite sur Hana, nous devons comprendre où la vitesse de cette technologie fait réellement sens pour nos activités", a ainsi expliqué Enzo Bertolini, le DSI du groupe Ferrero.

L'industriel John Deere démarre ainsi par la planification de production. Bayer MaterialScience ou HSE24 par le CRM. Ferrero par le calcul de profitabilité par produit. Pour remplacer Oracle ou autre SGBD comme socle de ses applicatifs, SAP mise donc sur des décisions tactiques de ces clients qui, une fois Hana apprivoisé, pourront en étendre l'usage afin d'accélérer l'ensemble de la suite et surtout rationaliser leur architecture technique. "Rien que d'un point de vue coûts, la migration totale vers Hana se justifie", note Bernd Leukert, vice-président exécutif de SAP en charge des applications.

En choisissant la voie de la migration technique à iso-fonctionnalités, SAP permet à une large part de sa base installée (85 % des clients selon les chiffres cités par l'éditeur) de goûter à sa dernière technologie sans réel surcoût. Si la mise à jour de la suite est déjà payée dans le cadre de la maintenance, les clients devront simplement acquérir la licence Hana (ainsi que l'appliance dédiée) ; SAP promettant des tarifs similaires aux principales bases du marché.

SQL assure l'unicité de la suite... pour l'instant

Reste l'avenir. Car la vocation de Hana va bien au-delà d'une simple amélioration des performances de la base. La technologie doit déboucher sur le développement d'applications d'un type nouveau, fusionnant reporting opérationnel et transactions et "permettant aux utilisateurs métiers de prendre instantanément la bonne décision pour l'activité", selon Jim Snabe. "Nous allons construire une nouvelle génération d'applications, y compris pour les besoins spécifiques de certaines industries", a confirmé Hasso Plattner.

A ce stade, SAP ne précise pas comment ces innovations seront fournies à la base installée, ni à quel tarif. Surtout, alors que l'éditeur assure vouloir continuer à assurer le support des bases de données traditionnelles (à commencer par Oracle et DB2), comment évitera-t-il l'éclatement de sa suite, avec d'un côté un progiciel à haute vitesse aux fonctions entièrement repensées pour Hana et de l'autre une suite plus traditionnelle, correspondant aux architectures actuelles des bases de données?

A demi-mot, Hasso Plattner a d'ailleurs reconnu la réalité du sujet : "Une seule version de la suite est aujourd'hui sur la table, quelle que soit la base retenue, grâce au langage SQL. A l'avenir, si des fonctionnalités viennent à manquer dans les autres bases de données, nous engagerons une discussion avec leur éditeur pour parvenir à la compatibilité."

Ce n'est qu'au prix de cet alignement fonctionnel que SAP pourra maintenir une seule et même logique applicative. La remarque sur l'applicatif à deux vitesses vaut également pour les développements spécifiques qui accompagnent invariablement toutes les grandes implémentations de SAP. "Nous aiderons les clients à accélérer la migration de leur code afin d'atteindre la même qualité et la même vitesse sur Hana que sur les applications que nous développons nous-mêmes", a assuré le co-fondateur du premier éditeur européen.

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