Les IT des DRH : un chantier permanent et complexifié...en France

L'informatisation de la fonction RH et son optimisation sont encore et toujours d'actualité en 2014. Et la réforme de la formation professionnelle, tout juste votée, a tout lieu d'amplifier ce constat.

Après le DIF et son milliard d'heures de formation cumulées depuis dix ans, bientôt le CPF (compte personnel de formation). Coup d'envoi prévu : le 1er janvier 2015. L'entrée en vigueur de la réforme de la formation professionnelle, qui vient d'être validée – le 7 février – par l'Assemblée nationale, n'est qu'un des divers casse-têtes soumis aux DRH, liés à la flexisécurité conçue à la française. Quoi d'étonnant, afin de pouvoir lever un tant soit peu la tête du guidon de la gestion purement administrative, que la fonction RH soit tentée de s'en délester. Technologies aidant.

C'est d'ailleurs un des constats ressortant de la compilation des études de Markess International sur les usages IT (logiciels et services) présentée en prélude au salon Solutions RH de mi-mars. Ce domaine se confirme comme l'un des plus propices à l'adoption des modalités SaaS et cloud pour tout ou partie du SIRH. Bien que les relevés statistiques divergent à ce sujet : ce serait le cas d'une DRH sur cinq selon Markess, de plus d'une sur trois (39%) selon le baromètre Bodet/Essca, d'une sur deux selon l'observatoire du SIRH. Au delà de la considération des coûts, l'accès facilité aux diverses composantes du SIRH est considéré comme un moyen de répartir la charge de gestion et d'impliquer les managers, voire les salariés.

Un marché en croissance de 6% en 2013

De plus, de l'avis des décideurs (un échantillon de 130 DRH et autres managers interrogés par Markess), dans deux cas sur trois, l'architecture SIRH en place ne permet pas de répondre aux besoins d'optimisation de la gestion des processus RH. Une optimisation pour laquelle, pour 70% de ce panel, les DRH sont attendus au tournant. Certes, ils ont relativement bien en mains le volet administratif de leur activité et l'informatique associée. A commencer par la paie. Quoique ! N'a-t-on pas réalisé en janvier que deux-tiers des feuilles de paie de décembre n'intégraient pas le changement de réglementation fiscale concernant les mutuelles de santé. Que dire alors de la prise en compte des évolutions sociales, et de leurs incidences à la fois sur la gestion administrative et sur l'adaptation des processus RH.

De fait, l'informatisation de cette fonction a tout du chantier permanent. Budgets à l'appui : un marché estimé à 2,1 milliards d'euros en 2013, selon Markess, en croissance de 6%. A l'horizon 2015, selon le panel de Markess, les décideurs RH s'orientent vers un ajout de fonctionnalités en place (45%) ou une montée en version (36%) mais aussi un renouvellement des solutions (35%), voire une refonte complète (22%). Certains segments – comme la gestion des talents – vivent au rythme de la croissance à deux chiffres. Les DRH le justifient par leur aspiration à disposer plus de temps aux activités à valeur ajoutée, à s'occuper en priorité du climat social, à retrouver facilement l'historique des données, et, accessoirement à décentraliser vers les managers et les salariés ce qui peut l'être (baromètre RH 2013 de Bodet Software).

Du souci d'optimiser le plan de formation...

A cet égard, la gestion de la formation – avec la réforme annoncée – constitue une bonne illustration de cette obligation de remettre sur le tapis l'accompagnement par l'informatique. Un aspect du chantier permanent qui fait d'ailleurs l'affaire de « pure players » cloud, tel Cornerstone on demand, affichant une croissance annuelle (depuis sept ans) de 50 à 60% en France. « Historiquement, les responsables de formation, comme les autres gestionnaires RH marqués par une vision financière de leur fonction, ont eu tendance à penser l'optimisation de leur plan de formation en termes de réponse aux obligations réglementaires. Aujourd'hui, les entreprises sont amenées à repenser leur dispositif de façon radicale », explique le directeur commercial France Matthieu Durif. Et plus encore avec la réforme qui se profile. En effet, l'idée derrière le CPF, présenté par le ministère comme la clé de voûte de cette réforme consiste fondamentalement à inciter les salariés à prendre en mains leurs droits à la formation, contenu inclus, bien au delà du simple décompte associé au DIF. Et ce, même après un changement d'employeur, voire durant les périodes de chômage. Pour les DRH, il y avait jusqu'ici l'exigence de conformité légale et réglementaire et le pensum des déclarations (la fameuse 24-83, etc). Que la réforme ne fera probablement pas disparaître, d'autant plus que rien n'est encore très clair quant au contexte pratique d'application du CPF (voir notamment sur le site Miroir social, les interrogations de spécialistes qui suivent de près ce dossier). Quoi qu'il en soit, « cette évolution suppose du point de vue des outils, une tout autre philosophie de gestion, passant par la facilité d'accès à l'information, la visibilité de l'offre de formation au sein de l'entreprise, en lien avec l'activité de l'entreprise et celle du salarié », observe le dirigeant de Cornerstone on demand France.

...à une gestion individualisée fondée sur l'implication du salarié

Parallèlement, la montée en puissance des modalités innovantes de formation – Mooc et autres versions plus traditionnelles et circonscrites du e-learning – n'est pas non plus étrangère à cette tendance à une certaine responsabilisation des salariés vis-à-vis de leur propre besoin de formation. « Ces nouvelles modalités nécessitent des infrastructures particulièrement performantes », souligne Matthieu Durif. Et ce, tant au niveau de la diffusion et de la gestion des contenus (streaming), du ciblage, de la traçabilité, que de l'aspect organisationnel (en connexion avec les aspects plus traditionnels, comme la gestion du plan de formation par exemple) qui relève de l'entreprise. « Sur les deux volets, gestion et accès à la formation, les besoins d'infrastructures performantes convergent », ajoute-t-il.

Et c'est là que les avantages – en termes de réactivité, de mutualisation des ressources – du cloud RH, d'une part, mais aussi la nécessité de l'intégration des diverses fonctionnalités (de la gestion des compétences, des parcours, des entretiens, de l'évaluation pré et post-formation, de la mobilité interne, voire du recrutement) prennent tout leur sens. Ce qui explique la forte montée de l'intérêt des DRH pour la gestion des talents qui englobe tous ces aspects. Qu'elle soit intégrée (comme le propose Cornerstone on demand) ou non au dispositif de diffusion de la formation. « Au départ, les entreprises se sont intéressées aux modalités innovantes, comme le e-learning, pour diverses raisons, de coûts ou de circonstances défavorables aux formations présentielles. Aujourd'hui, du fait du ralentissement de l'embauche, des besoins de mobilité interne, les mêmes DRH ont pris conscience qu'il leur fallait articuler tout cela en disposant d'outils qui permettent de mieux identifier et cerner où sont les compétences », commente Matthieu Durif.

Talents et certifications

Tous les secteurs d'activité sont concernés, du secteur banques-finances le plus avancé dans la démarche, jusqu'à l'administration publique «peu équipée et où la marge de développement est d'autant plus forte », glisse ce dernier. Avec un dispositif plus ou moins décentralisé selon le secteur d'activité (pour la formation et l'évaluation sur le terrain, par exemple). Quant au secteur IT et sa gestion des compétences souvent épinglée ? « Il y a effectivement deux sous-ensembles dans ce secteur », constate-t-il. « D'une part, les prestataires de services qui, paradoxalement, investissent peu dans la gestion des talents. D'autre part les fournisseurs de technologie et les éditeurs de logiciels qui, au contraire, du fait d'un turn-over plus faible, d'embauches particulièrement ciblées, et surtout des démarches de certification instaurées pour leur personnel et étendues à leurs partenaires, ont des initiatives de gestion et de suivi des compétences très poussées, relevant typiquement de la gestion des talents. » Repérage, évaluation, interaction avec le salarié, accompagnement du changement, métriques de suivi adaptées, reporting... « Mais tout cela est récent en France, depuis deux ou trois ans », conclut Matthieu Durif. Si les lourdeurs administratives et si les spécificités de l'environnement légal et réglementaire y sont pour beaucoup, quid du coup de boutoir qui pourrait résulter de la présente réforme en cours ?

 

 

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