Infosys : la démission de Vishal Sikka provoque une crise ouverte à la tête de l’ESN

Le Board, qui soutenait son PDG, accuse M. Murthy, fondateur et actionnaire, de fomenter des attaques mensongères pour déstabiliser la SSII. Lassé par les polémiques, Vishal Sikka part en se félicitant d’un bilan flatteur. Mais l’avenir s’annonce orageux pour Infosys.

L’ancien CTO de SAP, Vishal Sikka, n’aura fait que trois ans à la tête de la SSII indienne. Le CEO (PDG) a annoncé hier soir sa démission surprise.

« Depuis quelques jours – en fait quelques semaines – j’y ai pensé. J’ai pesé le pour et le contre. Mais aujourd’hui, après avoir murement réfléchi, et au regard de l’environnement de ces derniers trimestres, ma décision est ferme et définitive. […] Je ne peux plus continuer comme PDG. Je ne peix plus créer de la valeur tout en passant mon temps à me défendre contre de basses attaques personnelles incessantes », explique-t-il dans un mail interne qu’il a rendu public.

Infosys transformé en 3 ans

Vishal Sikka avait été débauché de chez l’éditeur allemand pour transformer Infosys, une SSII vieillissante dans une situation difficile. A en croire l’intéressé, en trois ans, les chantiers ont été nombreux et tous ont abouti - ou le feront dans les années à venir.

AI maison (Nia), automatisation, développement logiciel, victoires dans les appels d’offres des gros contrats, marges améliorées, revenus en hausse, turnover interne en fort recul, ouverture d’une antenne dans la Silicon Valley, programme d’innovation et de Design Thinking interne, financement de start-ups, recrutement de talents. Vishal Sikka se félicite du chemin parcouru avec ses équipes et des résultats concrets de sa gouvernance.

« Trois ans après [mon arrivée], nous pouvons clairement voir que les graines de notre idée [NDR : de transformation de l’entreprise] ont pris racine, qu’elles poucent en de belles fleurs et de nouvelles plantes, et je ne vois aucune raison pour qu’elles ne continuent pas à grandir et à façonner l'avenir de notre société […] Nous avons posé des fondations pour les 30 prochaines années ».

A la lecture de cet auto-bilan flatteur, on a du mal à comprendre les raisons d’un tel départ.

Un fond de polémiques

L’explication se trouve en fait dans les luttes intestines d’Infosys. Un des fondateurs de la SSII - qui possèdent toujours 12,75% des parts rappelle les Echos - a en effet vivement critiqué la gestion de Vishal Sikka, en premier lieu sa politique salariale très généreuses envers les dirigeants.

Narayana Murthy, le fondateur en question, avait exhorté Vishal Sikka « à faire une cure d’austérité » la semaine dernière dans la presse Indienne.

L’invitation publique faisait suite à une volonté, affichée en juin, d’imposer un plan social et une baisse des coûts. Encore plus tôt, en avril, Narayana Murthy n’avait pas caché son exaspération devant les indemnités de départ accordées au précédent DAF d’Infosys. Il avait alors laissé entendre que la direction – dont Vishal Sikka – avait acheté le silence du financier. Lançant par la même des rumeurs d’irrégularités financières qui auraient été commises par le conseil d’administration dans les années précédentes, principalement pendant à l’acquisition de l’éditeur israélien Panaya (ALM, automatisation, étude de risques IT, SaaS) en 2015.

Las, Vishal Sikka a donc décidé de jeter l’éponge.

Haro sur le fondateur Narayana Murthy

Son Conseil d’Administration n’a pas tardé à réagir en visant personnellement, et nommément, Narayana Murthy. « Les attaques continuent de M. Murthy sont la raison principale de la démission du Dr Vishal Sikka, malgré le fort soutien de son CA ».

Le communiqué officiel, publié sur le site même d’Infosys, va beaucoup plus loin. Il accuse le fondateur retiré des affaires de vouloir fragiliser le Board par des accusations mensongères et par la menace répétée d’interventions dans la presse si ces demandes n’étaient pas appliquées (ce qui est inconcevable pour un conseil d’administration face à un actionnaire minoritaire sus peine de passer pour être sous influence). Le communiqué l’accuse également de vouloir continuer à créer un contexte instable en cherchant à rallier d’autres actionnaires.

Venant d’un conseil d’administration qui avait déjà évoqué des « actionnaires activistes » dans son dernier rapport officiel – mais sans les nommer alors - la charge est très lourde.

Elle est encore plus lourde quand on regarde la forme du communiqué : un démenti factuel des allégations de Narayana Murthy, point par point, qui le traite à demi-mot de menteur. Avant de conclure, rédhibitoire, « nous n’avons aucune intention de demander à M. Murthy de jouer un quelconque rôle officiel dans la gouvernance de l’organisation ». Ambiance.

Trouver un successeur

« Je répondrai de manière appropriée et au bon moment  », a immédiatement réagi Narayana Murthy en réitérant au passage ses accusations de mauvais standards de gouvernance dans une lettre ouverte publiée par la presse locale.

Une des interprétations de cette affaire est que le créateur d’Infosys chercherait à faire chuter le prix de l’action pour racheter massivement des parts et reprendre la direction de la SSII.

Vishal Sikka restera chez Infosys jusqu’en mars prochain pour accompagner la transition provoquée par son départ. Au vu du contexte, le recrutement de son successeur risque de s’avérer difficile. L’action d’Infosys, elle, est en chute libre de 10%.

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