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SAP et Oracle : une année 2017 pleine de points communs

Bisbilles avec les clients, réaction pour éteindre le feu, évolution du business model vers le Cloud, nouvelles offres en avance de phase : les frères ennemis de l’IT B2B ont connu une année 2017 curieusement semblable.

Les relations entre les deux plus gros éditeurs d’applications métiers du monde et leurs clients se sont particulièrement tendues en 2017. Plus exactement, ces crispations qui ont toujours existé ont franchi un palier supplémentaire en devenant publiques.

SAP vs ses Clients

C’est certainement chez SAP que la chose s’est le plus vue. Tout a commencé en avec les affaires Diageo et AB InBev. Les deux clients de l’éditeur ont subi chacun un audit de licences suivi d’un procès qui ressemble fort à un “redressement”.

Le britannique Diageo a été condamné à verser plus de 50 millions d’euros à SAP pour ses accès indirects (requête envoyée à la base de l’ERP par une application tierce). Le belge AB InDev a pour sa part été assigné en justice par SAP qui lui demande une régularisation de 600 millions d’euros.

Résultat, les différentes associations de clients - qui se voient de moins en moins comme tels et de plus en plus commes des « racketés » - ont tapé du poing sur la table. En novembre, l’ASUG a fait un constat dur :  « la confiance avec SAP s'érode ». Mais c’est certainement le CIGREF qui a été le plus direct, dès mars, en menaçant ouvertement SAP de migrations vers l’open source.

SAP n’a pas pris la fronde à la légère. Une des raisons est que l’éditeur allemand tente de pousser ses clients traditionnels vers le Cloud et vers S/4HANA (son ERP lié à sa base in-memory). Or ces projets ressemblent plus à des migrations complètes qu’à de simples mises à jour. « Tant qu’à être obligés de migrer, pourquoi ne pas migrer vers autre chose que SAP ? », commencent à se demander les DSI.

Pour éteindre le feu qui couve sous les braises, Franck Cohen, nouveau directeur monde des ventes de SAP, a tenté de rassurer les clients lors du Sapphire : « SAP a éliminé les zones grises sur les accès indirects » nous déclarait-il en mai. L’ASUG n’a visiblement pas été convaincue. Mais l’association laisse tout de même la porte ouverte au dialogue. 2018 dira si la hache de guerre sera enterrée ou si des divorces seront prononcés entre l’allemand et des clients lassés.

SAP & Leonardo

Côté technologie, l’année 2017 de SAP a été marquée par le lancement de « Leonardo ». Dans un premiers temps, la nouvelle marque a regroupé toutes ses offres Internet des Objets (IoT). Très vite, voyant que le marché professionnel n’était pas prêt, Leonardo s’est repositionné sur la fameuse « transformation digitale ».

« Il s’agit désormais de l’ancrer dans la transformation des entreprises et de le porter vers le Big Data, le Machine Learning, l’IA et la Blockchain », constations-nous au Sapphire de Orlando.

Le problème pour SAP tient à la visibilité et à la compréhension de cette marque mouvante. Pour le résoudre, l'éditeur lui a consacré un évènement entier en 2017 (Leonardo Live). L’idée a été de clarifier la perception d’une entité qui mélange conseil, co-innovation, accélération de projets, technologies et Cloud.

Les analystes sont néanmoins d’accord. C’est bien ce mélange - et pas des offres technologiques pures - qui peut amener les entreprises à entamer des transformations. En 2018, SAP devrait donc continuer à creuser ce sillon et à expliquer ce qu’est Leonardo à des clients intéressés mais encore dans une attitude d'observation prudente.

SAP et Microsoft

Dans le Cloud, SAP a passé un accord stratégique avec Google en mars lors du Google Next 2017. Mais il a surtout renforcé sa collaboration avec Microsoft en novembre, son partenaire privilégié, scellant encore un peu plus une alliance de longue date.

Annoncé par les PDG des deux éditeurs eux-mêmes comme pour mieux en marquer l’importance, ce nouvel accord rend l’ERP S/4HANA disponible sur l’infrastructure d’Azure. Mieux, les deux géants vont le déployer en interne - alors que Microsoft a un ERP (Dynamics) et que SAP a un Cloud. Le but est de convaincre les clients de migrer en s’administrant volontairement deux antidotes (Cloud et In-Memory) pour prouver aux DSI qu'ils n'ont aucun effet secondaire.

Autre preuve de cette relation privilégiée entre SAP et Microsoft, SAP n'avait pas eu cette démarche de “Dog Fooding” croisée avec AWS ou Google.

Oracle vs ses clients

Tout comme SAP, Oracle a commencé à sentir en 2017 que ses pratiques commerciales poussaient ses clients à choisir des offres concurrentes pour leurs nouveaux projets (AWS Aurora, MongoDB ou Marklogic par exemple) et même à envisager des migrations pour leurs existants.

En juillet, le CIGREF a mis sur la place publique son différend avec l’américain comme il l’avait fait avec SAP. La réaction d’Oracle - qui comme SAP est à un tournant économique et technologique sensible - ne s’est pas faite attendre.

Niveau monde, le « King Larry » lui-même a annoncé une tarification « simplifiée » et « plus flexible » pour son Cloud - fer de lance du nouveau projet d’entreprise d’Oracle.

Et en France, Oracle a convaincu Gérald Karsenti, ex-HPE, de prendre la tête de la filiale.

Un nouvel Oracle France

Sa mission est d’insuffler un esprit plus à l’écoute des clients et de leurs besoins. Il s’agit officieusement, mais clairement, de redorer l’image d’un éditeur reconnu pour la robustesse de ses offres mais craint pour le reste.

Deux mois à peine après son arrivée, en novembre, Gérald Karsenti tendait déjà la main au Cigref en disant « comprendre la frustration » de l'association et en promettant le dialogue, la coopération et de nouvelles relations commerciales. Là encore, 2018 dira si ce fin négociateur arrivera à concrétiser cette « nouvelle Oracle » - comme il aime à en féminiser le nom - ou si les membres du Cigref mettront leurs menaces à exécution.

Oracle 18c et BYOL

Côté technologie pure, Oracle a dévoilé à l’Open World sa nouvelle base qui s’appuie sur l’Intelligence Artificielle pour s’auto-administrer. Ce que l’éditeur appelle une  « base de donnée autonome ».

« Automatiser le travail du DBA, c'est le sens de l'Histoire », analyse Gilles Knoery de Digora, également présent à San Francisco. Mais pour lui, cette offre est très en avance de phase. La 18c ne sera véritablement autonome que dans sa version 100% Cloud (DBaaS), ce qui ne sera pas sans poser des problèmes d’architectures et de réseaux pour l’existant sur site.

Toujours pour Gilles Knoery, la vraie grosse annonce de l’année - en tout cas selon les retours des clients français - est donc à chercher ailleurs : dans le Bring Your Own Licence qui devrait permettre au Cloud@Customer d’Oracle de véritablement trouver son marché, dès 2018.

NetSuite, le nouvel ERP d’Oracle

Enfin en 2017, Oracle a finalisé le rachat de Netsuite, l’ERP 100% Cloud. L’entité reste pour l’instant à part mais elle a déjà bénéficié de la force de frappe financière de sa nouvelle maison mère. NetSuite a dévoilé en mai une vraie brique HCM et Oracle promettait de nouveaux verticaux.

A l’OpenWorld, Oracle a réitéré son intention d'investir massivement dans NetSuite pour l’adapter aux marchés locaux et le rendre disponibles dans plus de pays. La France figure dans les pays prioritaires pour 2018.

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