Avec le sceau de l’ISO, le W3C se veut le juge de paix des standards Web

Le W3C a été accepté en tant que PAS Submitter de l’ISO / IEC JCT1, donnant la possibilité au consortium de soumettre, par une voie rapide, ses recommandations à l’organisme phare de la standardisation. Objectif : apposer le précieux sésame sur les standards W3C afin de se positionner en tant qu’organisme de standardisation de droit, en matière de standards du Web.

Fin octobre le W3C, l’organisme en charge des standards du web, a reçu l’approbation par l’ISO (International Standard Organisation) et l’IEC (International Electronical Commission) concernant son statut de “PAS (Publicly Available Specification) Submitter”. Un statut qui lui permettra désormais de soumettre plus rapidement ses propres recommandations aux deux plus gros organes de standardisation - via le Joint Technical Comittee 1 (JTC 1), un comité conjoint entre ISO et IEC - afin que celles-ci deviennent des spécifications officielles, dotées d’un sceau ISO / IEC.

Le consortium, qui aujourd’hui joue un rôle central dans le  devenir technologique du Web - avec notamment les développements autour de HTML 5 - avait déposé sa candidature en juillet dernier. Son objectif : s’aligner un peu plus sur les deux principaux organismes de standardisation mondiaux pour aller toucher rapidement le vote des organismes nationaux (comme l’Afnor en France) et pénétrer plus facilement les administrations et les gouvernements, explique en substance une FAQ sur le site du consortium. Mais il s’agit également pour le W3C d’assurer sa position centrale en tant qu’organisme de standardisation pour le Web. Une position d’organe de standards du Web “de jure” (comprendre de droit), précise ainsi Daniel Dardailler, responsable des relations internationales du W3C, qui ajoute que cela “renforce la valeur des standards Web du W3C, tout en nous laissant le contrôle total sur les spécifications, et pour une meilleure cohérence du système global”.

Cette cohérence, justement, le W3C souhaite la maintenir grâce au sceau de l'ISO afin d’éviter toute forme de fragmentation des spécifications. Pour Daniel Dardailler, la fragmentation évoqué par le W3C fait écho aux "situations où, du fait de la nature volontaire, informelle, sans certification et qualifiée "de facto", plutôt que "de jure", des standards W3C, des organismes locaux responsables de standardisation et de transposition pour les gouvernements modifient à leur souhait le texte de nos spécifications. Résultat, une incompatibilité, une divergence, ou une fragmentation des normes d'un pays à l'autre ou d'une administration à l'autre, et une obligation pour l'industrie et le marché […] de maintenir des versions différentes par régions ou par pays alors qu'il n'y a pas vraiment lieu de le faire dans ces cas-là."

Désormais une étiquette ISO/IEC viendra officiellement ranger le W3C dans le camp des organismes de standardisation de droit et mettre de l’ordre dans un environnement jugé légèrement anarchique. Le consortium entend soumettre ses premières recommandations début 2011. La priorité sera accordée au "domaine des Services Web, c’est-à-dire SOAP, WS Adressing…." affirme Daniel Dardailler.

Le mécanisme de PAS consiste en fait à établir un "contrat" entre ISO/IEC JCT 1 et le W3C, qui définit la nature des travaux (les règles de maintenance, de brevet, de distribution ainsi que les délais) qui seront soumis dans le futur à l’ISO.
Cette démarche rappelle celles entreprises par l’Oasis avec ODF et Microsoft avec Open XML, une affaire qui avait créé la polémique autour des formats bureautique. L’Oasis, un organisme de standardisation influent, et Microsoft, avaient à l'époque eu recours à la procédure de Fast Track auprès de l’Ecma pour pousser leurs spécifications respectives auprès de l’ISO.  "L'Ecma a un statut particulier avec JTC 1, liaison A, qui leur permet de soumettre n'importe quelle spécification, pas forcement les leurs, en mode "fast track", pour obtenir un vote en quelques mois par les pays membres. Le W3C a un statut qui nous permet de soumettre nos spécifications avec vote en quelques mois [6 au maximum, NDLR], qui ne s'appelle pas "fast track" mais qui y ressemble beaucoup. Ceci étant dit, le W3C a un mécanisme pour recevoir des spécifications externes, par exemple avec WebCGM et PNG, pour un "fast track" interne, donc globalement, c'est similaire. Notre champ d'application est cependant limité au Web", commente Daniel Dardailler. Avec ce dispositif le web a trouvé son intermédiaire quasi exclusif poru qui veut accéder au statut de norme donc.

Une démarche “à prendre ou à laisser”

La démarche du W3C présente cependant une originalité résidant dans le fait que le consortium garde la main et le contrôle de ses recommandations, comme le souligne Andy Updegrove, dans un billet de blog sur le site www.consortiuminfo.org. Il rappelle en cela que le W3C a semble-t-il posé fermement ses conditions. En premier lieu, le consortium a demandé, lors de candidature, à ce que ses recommandations soient acceptées ou bien rejetées, sans négociations. L'organisme ne souhaite pas discuter de standards techniques ayant déjà passés les procédures de validation en interne. Secundo - et c’est également un point clé - , le W3C gardera le contrôle technique ainsi que les droits de propriétés intellectuelles des recommandations. Le consortium assurera donc la maintenance des standards. “Au lieu de céder la gestion de ses propres standards pour gagner le sceau ISO/IEC, le W3C affirme que les organismes de standardisation officiels ne pourront avoir accès aux recommandations du W3C, que s’ils acceptent les conditions du W3C”, conclut ainsi Andy Updegrove. Un juge de paix, en somme.

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