Microsoft : l'interopérabilité, mais sous le régime des brevets

Confronté à la menace de l'open source et à la pression des autorités de la concurrence, Microsoft a lancé hier une nouvelle offensive de charme en annonçant une grande initiative en matière d'interopérabilité (l'enregistrement de l'annonce est disponible sur le site de l'éditeur).

Confronté à la menace de l'open source et à la pression des autorités de la concurrence, Microsoft a lancé hier une nouvelle offensive de charme en annonçant une grande initiative en matière d'interopérabilité (l'enregistrement de l'annonce est disponible sur le site de l'éditeur). Objectif officiel : répondre à la demande des utilisateurs, mais aussi se mettre en conformité avec les exigences de Bruxelles. Lancée en grande pompe à l'occasion d'une conférence rassemblant Steve Ballmer, le Pdg, Ray Ozzie, le directeur technique, Bob Muglia, le patron de la division serveurs et outils, et Brad Smith, le directeur des affaires juridiques, l'initiative propose quelques avancées notables, notamment concernant Office, mais ne devrait guère résoudre les problèmes entre Microsoft et les communautés libres du fait de l'intransigeance de l'éditeur sur la question des brevets.

La Commission Européenne, très en pointe sur la question de l'interopérabilité dans le cadre du procès antitrust contre Microsoft, a d'ailleurs accueilli plutôt froidement l'annonce de l'éditeur. elle note qu'elle accueillera avec joie tout progrès réel en matière d'interopérabilité tout en soulignant avec malice que l'annonce d'aujourd'hui n'est jamais que la cinquième du genre de l'éditeur… Une façon de sous-entendre que les précédentes n'ont pas vraiment été suivies d'effets concrets.

Quatre grands principes

Officiellement, l'initiative en matière d'interopérabilité concerne tous les produits à fort volume de la firme (systèmes d'exploitation, Office et produits serveurs, comme SQL Server, SharePoint ou Exchange). Elle s'articule autour de quatre grands principes : faciliter la connexion aux produits de la marque ("Open Connections"), promouvoir la portabilité des données, améliorer le support des standards par les produits Microsoft et renforcer les échanges avec les utilisateurs et l'industrie, notamment les communautés libres.

Pour Ray Ozzie, le souci d'interopérabilité est une conséquence de la maturité de l'industrie : " on se rend compte que les données ont une durée de vie bien supérieure à celle des produits. La question des formats devient donc essentielle.(…) L'interopérabilité entre nos propres systèmes devient aussi un problème. (…) L'annonce d'aujourd'hui est donc importante pour nos partenaires, nos clients mais aussi pour les développeurs qui travaillent sur nos produits. (…) Nous allons publier les API externes essentielles et les protocoles de nos produits. Nos partenaires utiliseront ainsi les mêmes moyens que les produits Microsoft pour se connecter à nos outils serveurs. Tout sera disponible pour tous et ouvert à discussion…"

Ces grands principes devraient se traduire par quelques avancées significatives pour les utilisateurs. Tout d'abord, Microsoft va rendre publique d'ici à l'été une API permettant de développer de nouveaux plug-ins de sauvegarde pour les logiciels de la suite Office. Ces plug-ins permettront de sauvegarder, occasionnellement ou par défaut, les documents créés avec Microsoft Office dans un format autre qu'OpenXML. Notons que ce progrès n'est pas totalement désintéressé : dans les entreprises et administrations qui ont fait un choix de format autre qu'Open XML, comme OpenDocument, Microsoft Office pourra continuer à être utilisé avec un plug-in tiers.

Microsoft va aussi publier la liste des standards utilisés par ses différents produits et rendre publiques les extensions apportées aux standards publics (comme celles utilisés dans son implémentation de Kerberos, pour l'authentification). Cela devrait faciliter l'interopérabilité entre certains produits Microsoft et ceux d'éditeurs tiers, mais aussi permettre de mieux savoir quel standard fonctionne avec quel logiciel de la marque.

Jeux de rôles autour du libre et des brevets

Si l'interopérabilité était officiellement le thème du jour, le mot le plus prononcé a été celui "d'open source", la nouvelle obsession de Microsoft. De par la nature même de leur modèle de développement, les éditeurs libres et les communautés sont souvent perçus comme des modèles en matière d'ouverture et d'interopérabilité. En promettant lui aussi ouverture et interopérabilité, Microsoft tente donc de corriger son image d'éditeur "propriétaire". Cette nouvelle ouverture s'effectue dans le cadre de "l'Open source interoperability initiative", le nouveau programme censé régir les interactions entre Microsoft et les acteurs du libre pour tout ce qui touche à l'interopérabilité. Dans le cadre de cette initiative, Microsoft propose un accès libre et gratuit à la documentation des API et protocoles de ses principaux produits (une conséquence directe du jugement rendu par la cour de première instance de Luxembourg). Les développeurs libres se voient aussi promettre un parapluie juridique qui leur garantit que, si ces API et protocoles s'appuient sur des technologies brevetées par Microsoft, ils pourront les utiliser sans royalties et sans menace de poursuite.

Le hic ? Cette proposition est limitée aux développeurs libres "non commerciaux" et ne s'applique pas dans le cas d'un usage commercial. En clair, si un code libre faisant usage des API et protocoles brevetés par Microsoft est intégré dans l'offre d'un éditeur libre "commercial", comme Red Hat, ou s'il fait l'objet d'une offre de support commerciale, alors le vendeur ou l'utilisateur doivent s'acquitter d'une licence. On est encore loin du modèle du libre reposant fréquemment sur l'ouverture, la gratuité du code et sur un support payant. L'Open Source Interoperability Initiative risque donc fort d'être traitée avec le même dédain par les communautés du libre que les précédents engagements du numéro un du logiciel. Et ce, même si Microsoft promet que ses redevances seront modiques et accordées sur des bases non discriminatoires. Tout usage de technologie brevetée par Microsoft dans un code libre pourrait en effet menacer de "contaminer" la chaîne du libre, ce que veulent à tout prix éviter les développeurs libres.

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