SSII indiennes : une santé insolente ternie par l'ombre de la Chine

Trois des quatre principales SSII indiennes ont déjà présenté leurs résultats pour le dernier trimestre 2010. Des résultats marqués par une bonne croissance trimestrielle et une progression encore plus forte sur un an. Comme une conséquence directe de cette bonne santé, l’heure semble aux embauches à tout-va et... à un retour marqué de l’attrition. Mais celle-ci n’est pas la seule source d’inquiétude des géants indiens. Il faut y ajouter l’épée de la Damoclès des dettes publiques européennes et la pression concurrentielle croissante de la Chine.

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Des croissances à faire rêver. HCL Technologies a réalisé un chiffre d’affaires de 864 M$ au dernier trimestre 2010, soit une croissance de 7,5 % par rapport au trimestre précédent, et de près de 33 % sur un an. Pour Infosys, à 1 585 M$, le CA des trois derniers mois de l’année progresse de près de 6 % sur trois mois, et de 29 % sur un an. Les mêmes ordres de grandeur sont valables pour TCS : 2,14 Md$ de chiffre d’affaires, soit 6,8 % de mieux qu’au trimestre précédent et près de 31 % de progression sur un an. Les chiffres de Wipro sont attendus pour ce vendredi 21 janvier. S’ils devaient s’inscrire dans la même tendance, le chiffre d’affaires de la SSII pour le dernier trimestre 2010 attendrait 1,9 Md$, à peu de chose du seuil psychologique des 2 Md$.
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Forts de ces progressions du chiffre d’affaires, les bénéfices nets se sont également envolés: +39,5 % pour HCL, à 89 M$; +19 % pour Infosys, à 397 M$; et +35 % pour TCS à 517 M$. En France, HCL Technologies se félicite notamment d’avoir signé avec Lafarge et BioMérieux, deux contrats dont les détails n’ont pas été communiqués.


Globalement, pour 2011, les perspectives sont plutôt bonnes. Ainsi, selon Datamonitor, 25 % des dépenses IT de 2010 provenaient d’entreprises goutant pour la première fois à l’externalisation. Et Ovum de souligner que 150 Md$ de contrats d’externalisation doivent être renouvelés en 2011; une opportunité supplémentaire pour les SSII indiennes qui sont particulièrement bien positionnées «pour remporter quelques contrats significatifs en 2011,» selon le cabinet.

Des SSII intermédiaires affaiblies
Si les perspectives sont bonnes pour les grandes SSII indiennes, la situation semble moins confortable pour celles de taille plus modeste. Un analyste cité par nos confrères de Silicon India en juillet dernier relevait ainsi une forte pression sur leurs marges, sous l’effet notamment de la progression des salaires en Inde. Au final, certains analystes, à l’instar de P.N. Sudarshan de Deloitte Touche, anticipent une phase de consolidation du marché. Un marché qui devrait être rendu d’autant plus attractif que les grandes SSII ont un recours croissant à la sous-traitance auprès de SSII de taille plus modeste pour faire face à la fois à croissance de l’attrition dans leurs rangs, et à celle des salaires.
 

Le grand retour de l’attrition

Mais l’horizon n’est pas exempt de quelques nuages. Conséquence directe du dynamisme de l’activité, l’attrition s’envole et les SSII indiennes recommencent à embaucher massivement. Cognizant prévoit 25 000 embauches en 2011 et 180 M$ de dépenses en infrastructures pour abriter ces nouveaux effectifs. Capgemini pourrait recruter jusqu’à 15 000 personnes supplémentaires en 2011. TCS a déjà proposé à 24 000 étudiants des contrats pour l’année 2010-2011 et prévoit d’en recruter 37 000 au cours du prochain exercice. De quoi passer la barre des 200 000 salariés courant 2011. Selon le Nasscom, l’industrie IT indienne pourvoie actuellement deux millions d’emplois. En 2020, ce chiffre pourrait être multiplié par 5. Une industrie qui pèserait alors plus de 220 Md$.

Dettes souveraines et concurrence régionale

Mais l’attrition n’est pas le seul sujet d’inquiétude des SSII indiennes. La semaine passée, Infosys a d’ailleurs prévenu: la crise des dettes souveraines en Europe pourrait pénaliser l’industrie indienne des services informatiques - «si un pays fait défaut, cela aura un effet domino sur notre industrie », indiquait ainsi Kris Gopalakrishnan à l’agence IANS.
Et il faut ajouter à cela la Chine, évoquée de plus en plus ouvertement par les dirigeants des SSII indiennes, à l’instar de Vineet Nayar, PDG de HCL, en octobre dernier : «les prestations les moins qualifiées se déportent vers la Chine », indiquait-il alors. Alors, pour concurrencer l’Empire du Milieu, les SSII indiennes cherchent à développer leur présence. TCS, Infosys et Wipro voudraient pouvoir y effectuer au moins 10 % de leurs nouveaux projets d’externalisation. Infosys voudrait en faire son principal centre de développement logiciel hors Inde. Mais TCS, avec seulement 1 200 salariés en Chine, reconnaît déjà peiner à atteindre les rythmes de croissance souhaités pour sa présence chinoise.

Infosys continue de se renforcer en France
En mars dernier, Infosys avait déjà renforcé sa présence en France avec, notamment, la nomination d’Eric Laffarge, ancien associé d’Accenture, à la tête de ses activités dans l’Hexagone. Lequel prévoyait de renforcer ses équipes locales. Un nouveau souffle devrait être donné à ces efforts courant 2011. Selon nos confrères du Financial Express, Infosys a notamment restructuré sa politique de gestion des ressources humaines en France et en Allemagne pour se faire plus attractive. Désormais, l’accent serait mis sur les forces de vente et le conseil, notamment.
Une évolution symptomatique du marché français, un marché «conservateur» selon nos confrères qui estiment notamment que «des problèmes culturels et le besoin de parler la langue locale pour conclure les contrats ont forcé les entreprises indiennes à revoir leurs stratégies pour l’Europe» alors qu’elles étaient habituées à envoyer, sur site, des personnels indiens.

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