Enquête : Avec des budgets 2012 étales, les DSI contraints à être inventifs !

Ni descente aux enfers, ni optimisme béat. Globalement, les DSI bénéficieront d'enveloppes budgétaires stables en 2012. Ce qui ne veut pas dire que l'immobilisme prédominera. Car les DSI devront entretenir un cercle vertueux favorisant l'utilisation de l'IT comme vecteur d'innovation.

2012, morne plaine. Les études qui se succèdent sur les budgets IT de l'année ne font certes pas ressortir les mêmes chiffres à la virgule près, mais la tendance est, elle, immuable. Après un crû 2011 de bonne tenue, la prudence est de mise dans les entreprises françaises. Les DSI sondés par les multiples enquêtes publiées ces dernières semaines ou mois ne laissent guère de doutes sur le changement d'ambiance.

Dans la toute récente étude publiée par nos confrères de ZDNet (247 personnes interrogées), ils sont ainsi 38 % à prévoir des dépenses IT stables en 2012 par rapport à l'année précédente. Le solde se répartit équitablement entre ceux qui prédisent une hausse de leurs budgets et ceux qui entrevoient une baisse. Le chiffre est voisin dans l'enquête d'Accenture et 01 (109 DSI de grands groupes sondés) : la stabilité y ressort dans 41 % des réponses (et 34 % des dirigeants interrogés prévoient une baisse des dépenses IT). Ce taux dépasse même les 60 % dans l'enquête Aastra-NetMedia Europe, auprès de 240 responsables informatiques français de PME et de grands groupes.

Ce coup de sonde précise d'ailleurs qui ces derniers sont plus conservateurs que les petites et moyennes entreprises. Conséquence de la rigueur budgétaire de mise dans les DSI : l'évolution de la dépense IT devrait se situer non loin de l'équilibre. Un peu en territoire négatif si on en croit Gartner, qui prédit un recul des budgets de 0,7 % en Europe.

Plutôt dans le vert, si on se fie aux prévisions d'évolution des dépenses en matériels, logiciels et services spécifiques à la France. IDC, qui travaille en partenariat avec Syntec Numérique sur le sujet, y prévoit 1,2 % de croissance (voir les captures d'écran pour le détail), et Pierre Audoin Consultants 0,9 % de progression (contre + 3,2 % en 2011). Tandis que des analystes financiers (LCL et Oddo Securities) misent eux sur un scénario légèrement récessioniste, en tablant sur une baisse moyenne des chiffres d'affaires des entreprises du secteur (de l'ordre de - 1 %). 

Capture 1:

syntec services

Capture 2 :

syntec logiciels

Un effet présidentielles ? Bof

Dépense IT, mais quelle dépense IT ?
Les études sur les budgets IT des entreprises comptabilisent les sommes dépensées pour les moyens informatiques nécessaires au fonctionnement de l'organisation (ce qu'on appelle le run) et les enveloppes engagées sur les nouveaux projets (le build). Mais, à eux seuls, les budgets de la DSI ne suffisent plus toujours à évaluer la totalité de la dépense d'une entreprise en technologies. D'abord parce qu'avec le Saas notamment, certains investissements sont directement réalisés par les directions métier. Ensuite, parce que, dans de nombreux secteurs, la technologie vient s'intégrer aux produits. Elle n'est plus un support de l'activité, mais une de ces composantes majeures, prenant en conséquence une place significative dans les budgets de R&D. Qu'on songe, par exemple, aux évolutions récentes de l'automobile ou des équipements pour la maison, où le logiciel prend une part sans cesse grandissante. Volkswagen/Audi, BMW, Honda, General Motors, Mercedes et plus récemment l'alliance Nissan-Renault et Ford se sont ainsi installés dans la Silicon Valley, désormais surnommée Detroit 2.0.
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Les premiers mois de 2012 confirment d'ailleurs ces anticipations, marquées par la stabilité par rapport à 2011. Emmanuelle Olivié-Paul, directrice associée du cabinet Markess International, parle ainsi de "phase molle" : "certaines décisions semblent suspendues, notamment celles engageant des projets structurants, sans pour autant qu'il y ait de remise en cause profonde de ces projets".

Un sentiment que confirme Benoît Darde, directeur de la practice Gouvernance SI au sein du cabinet conseil Solucom, qui a observé un certain nombre de coups de freins au cours du second semestre 2011 (ambitions des projets revues à la baisse, réductions de périmètre, voire arrêts purs et simples). Et d'ajouter : "nous avons toujours sur le premier trimestre 2012 ce type d’évènement chez nos clients mais l’occurrence est nettement plus faible".

Un effet élection présidentielle, qui voit souvent les entreprises ralentir leurs investissements en attendant de connaître le nom du nouveau chef de l'exécutif ? Pas vraiment, selon les analystes interrogés, qui y voient surtout des causes plus durables, comme la crise de la dette. Mais, in fine, quel que soit le verdict du marché en fin d'année, un scénario noir façon 2009 (qui avait vu le secteur s'accrocher très longtemps à des prévisions de croissance pour finalement connaître une violente récession), semble écarté.

"Ce n’est pas l’hypothèse que nous retenons à l’heure actuelle, même s’il faut rester vigilant à tout nouveau signe de dégradation de la situation, note Benoît Darde. Nos clients ont composé un budget 2012 en retrait par rapport à l’année passée et cette tendance baissière se retrouvera d’après nous sur 2013 également". Sans l'exclure tout à fait, le retour d'une récession brutale ne constitue pas davantage le scénario central retenu par Pierre Audoin Consultants, "car l'IT est un moteur d’innovation et de croissance", plaide Arnold Aumasson, vice-président senior au sein du cabinet d'études. 

Les DSI n'ont plus le monopole de l'IT

Mais d'ajouter : "Nous observons une forme de fébrilité dans les investissements. D’abord, les budgets ne sont plus figés pour l’année mais scénarisés au trimestre ou au semestre. Ce nouveau pilotage des dépenses entraîne des nouveaux cycles, plus courts, dans la décision, l’exécution et l’arrêt des projets."

Un pilotage budgétaire au trimestre qui ne concerne toutefois pas tous les DSI que nous avons interrogés, même si Georges Epinette (directeur de l'organisation et des systèmes d'information du Groupement des Mousquetaires) s'attend cette année à rediscuter des pans significatifs de son budget (au moins 10% du total). Arnold Aumasson observe également un autre phénomène : "cette incertitude économique et l’importance croissante de l’IT dans les stratégies d’entreprises entraînent aussi une multiplication des décideurs au-delà de la DSI. De la direction fonctionnelle à la direction générale en passant, bien sûr, par la direction des achats…" Bref, le poids croissant de l'IT dans la stratégie des entreprises ralentirait, paradoxalement, les décisions !

 

DSI : l'érosion d'un pouvoir ?
L'enquête d'Accenture auprès de 109 DSI de grands groupes montre que ceux-ci ont tendance à se concentrer sur ce que la société de services appelle les "fonctions régaliennes" de la direction informatique : la réduction des coûts opérationnels et l'augmentation de la productivité. Est-ce à dire qu'ils perdent de leur légitimité dès que l'entreprise aborde des sujets liés à l'utilisation de l'IT dans l'offre produits ou dans la relation client ? C'est en tout cas ce que pense Mark McDonald, vice-président du cabinet Gartner, qui explique : "Les DSI qui voient l'IT avant tout comme un moyen d'automatisation des processus opérationnels, d'intégration et de contrôle perdent du terrain sur les dirigeants qui voient la technologie comme un amplificateur du business et comme une source d'innovation".
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Au-delà de cet effet de bord, le lien intime qui s'est noué entre la stratégie des entreprises et les projets informatiques est évidemment une bonne nouvelle pour le secteur. 

Comme le remarque Emmanuelle Olivié-Paul, "les entreprises subissent des pressions très fortes de l'extérieur et certains projets numériques innovants peuvent leur permettre de mieux y faire face. Ils peuvent être par ailleurs différenciant vis-à-vis de la concurrence". Et de citer notamment la collaboration, les réseaux sociaux, la BI, l'analyse prédictive, l'analyse contextuelle et sémantique et évidemment la mobilité dans les domaines du marketing, de la relation client et du développement commercial comme les terreaux où se développent ces innovations au service des métiers.

Cette volonté de préserver les nouveaux projets apparaît très clairement dans les études citées plus haut. Dans l'enquête d'Accenture et 01, ce sont ainsi 37 % des DSI qui prévoient d'augmenter l'enveloppe consacrée aux nouveaux projets et 45 % qui déclarent la laisser inchangée en 2012. Même si les DSI doivent rester vigilants face à un secteur qui cherche régulièrement à créer de nouvelles tendances - donc de nouveaux besoins : Georges Epinette met ainsi en garde contre "les effets pervers du marketing de l'offre - je pense notamment au Big Data -, où les intérêts du marché de l'offre veulent absolument créer un besoin qui n'est pas une attente ou imposer le caractère inexorable" d'une nouvelle tendance.

Tendances déflationnistes : un "mal nécessaire"

Contrairement à 2009, pas question donc de couper brutalement dans la part des budgets réservée à l'innovation… Il faut donc trouver les économies ailleurs, en optimisant les dépenses de fonctionnement. "A iso-budget ou budget plus réduit, toutes les ressources dégagées pouvant être réinvesties dans l'apport d'innovation aux métiers seront recherchées par les DSI", remarque Emmanuelle Olivié-Paul.

Là encore, cette volonté ressort très nettement dans les différentes études sur la dépense IT. Celle de ZDNet place ainsi les projets d'optimisation des postes de travail et des serveurs comme les deux priorités des DSI au cours de l'année. Accenture, de son côté, relève que les directions informatiques mettent l'accent sur la rationalisation et la virtualisation des infrastructures (dans 62 % des cas) et sur la rationalisation du parc applicatif (à 44 %).

Il est vrai que les technologies issues de la mouvance Cloud (virtualisation, Iaas, Saas) portent en elles des tendances déflationnistes permettant d'envisager une réduction des budgets de fonctionnement. "Ces tendances déflationnistes jouent un rôle essentiel : celui d’apporter une plus grande productivité sur les dépenses d’exploitation (OPEX), analyse Benoît Darde. C’est un mal nécessaire afin de dégager des capacités d’investissements pour l’innovation au service des métiers". En somme, de mettre en place un cercle vertueux. Une figure imposée pour les DSI en ces temps de disette budgétaire.

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Patrick Gouverneyre, Directeur Informatique du groupe Eurofeu (fabrication, vente et maintenance de matériel de lutte contre l'incendie ; 950 personnes) 

"Le Cloud pour plus de flexibilité" LeMagIT : Dans votre organisation, le budget informatique 2012 sera-t-il orienté à la hausse, à la baisse ou sera-t-il stable par rapport à 2011 ?

P.G. : Mon budget est orienté à la hausse du fait de notre forte croissance, qu'elle soit organique ou externe, et des projets IT 2012 conséquents.

LeMagIT : La rationalisation des infrastructures et l'industrialisation de la DSI figurent-elles parmi vos priorités en 2012 ? Le Cloud est-ils une piste d'actualité pour réduire vos budgets ?

P.G. :  Nous  sommes actuellement en cours de déploiement de la fibre optique sur chacune de nos directions régionales et avons loué un espace dans un datacenter dans lequel nous allons virtualiser toute notre infrastructure, ce qui nous permettra de pouvoir faire preuve d'adaptabilité et de flexibilité face à un marché évolutif et, dans un second temps, de rationaliser les coûts de façon importante. Par ailleurs, suite à cette mise en œuvre, je projette, en 2013, la création d'une nouvelle structure au sein du groupe qui, avec mes équipes, continuera à gérer notre système d’information tout en proposant à notre clientèle et à d’autres TPE/TPI ou PME/PMI des offres packagées en terme de Cloud, hotline…

LeMagIT : Web social, Big Data, mobilité… L'IT semble portée par une nouvelle vague d'innovations. Dans votre secteur, quelle vous paraît être la priorité en terme d'investissements ?

P.G. : Nous allons déployer à partir de juin une solution de mobilité innovante basée sur l'utilisation d'un stylo scanner couplé à un smartphone, une solution dédiée à nos 300 techniciens de maintenance. Cette mise en œuvre débouchera sur des contacts en temps réel avec nos techniciens et surtout sur l'automatisation d'opérations qui, jusqu'à ce jour, étaient lourdes et coûteuses en terme de charge de travail de nos personnels administratifs.

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Christophe Guéguen, DSI de Securitas France (environ 20 000 personnes dans l'Hexagone)

"Rationalisation : une mécanique permanente à deux vitesses" LeMagIT : Dans votre organisation, le budget informatique 2012 sera-t-il orienté à la hausse, à la baisse ou sera-t-il stable par rapport à 2011 ?

C.G. : Notre budget 2012 a été construit dans une logique de forte optimisation de nos coûts centraux, avec un réel objectif de réduction à deux chiffres. Ceci intègre certes des variations significatives d'amortissements consécutives à d'importants investissements lissés sur plusieurs exercices, mais également à diverses optimisations des principales composantes de notre SI, notamment par l'adoption de nouvelles technologies, méthodologies ou via une mutualisation accrue de certains profils internes.

LeMagIT : La rationalisation des infrastructures et l'industrialisation de la DSI figurent-elles parmi vos priorités en 2012 ?

C.G. : La rationalisation des infrastructures et des postes de travail a été au cœur de plusieurs projets IT 2011, après plusieurs cycles majeurs de modernisation de 3 à 5 ans en moyenne engagés depuis le début des années 2000. Il y a des cycles nettement plus rapides sur certaines briques IT qui nous permettent alors de créer de la valeur ajoutée pour l'utilisateur et/ou la DSI, avec un optimum technico-économique qui profite à l'entreprise dans sa globalité. En d'autres termes, la rationalisation est permanente mais à deux vitesses : d'une part, notre usine de production centrale rythmée par une exigence et une dynamique délibérée de transformation "au fil de l'eau", en fonction des apports majeurs de nos principaux éditeurs ou partenaires ; d'autre part, des vagues massives de modernisation (intégrant désormais la composante développement durable) plus espacées et appliquées à l'ensemble des métiers et régions.

Le Cloud est-ils une piste d'actualité pour réduire vos budgets ?

C.G. : Le Cloud est actuellement expérimenté au profit de projets ciblés, stratégiques et opérationnels pour certaines divisions, mais il n'est pas à proprement parler considéré comme un facteur évident de réduction de nos budgets.

Web social, Big Data, mobilité… L'IT semble portée par une nouvelle vague d'innovations. Dans votre secteur, quelle vous paraît être la priorité en terme d'investissements ?

C.G. : Au regard de notre secteur d'activité et de nos importantes forces vives opérationnelles majoritairement localisées chez nos clients, les enjeux de mobilité couplés à l'adéquation de notre portefeuille applicatif aux usages sur le terrain sont prioritaires. Le Web social va sans doute mûrir en parallèle. Le Big Data en revanche ne semble pas encore être un "must have" à l'horizon 2013.

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