Opinion : Free et la 4G ou la stratégie du coucou mobile

A défaut d'avoir pu obtenir des fréquences 4G dans la bande des 800MHz, Free peut se consoler avec la garantie de pouvoir accéder à l'infrastructure du réseau de SFR que lui confère sa participation infructueuse à l'appel d'offres organisé par l'Arcep. Free pourra donc mettre en place une stratégie du coucou sur le réseau 4G SFR, comme il va le faire lors de son lancement avec le réseau 2G et 3G d'Orange...

Logo Free Mobile (Source : Iliad)

Le mécanisme d'attribution des licences 4G concocté par Éric Besson et mis en œuvre par l'Arcep n'avait rien pour favoriser le nouvel entrant qu'est Free. Ce dernier, qui ne dispose pas (encore) de la puissance de feu financière de ses concurrents n'a pas cherché à faire monter les enchères dans un processus où ses concurrents n'ont pas hésité à dépenser jusqu'à 1 milliard d'euros pour obtenir les précieux lots de 10 MHz de bande passante mis en jeu par l'État.

Un processus qui n'était guère favorable à Free

Le résultat a donc été sans surprise. Orange, SFR et Bouygues Télécom sont les trois attributaires des fréquences 4G dans la bande des 800 MHz. Les trois opérateurs ont obtenu leurs lots, au terme d'un processus d'attribution express qui aura vu l'Arcep battre tous les records de traitement de dossier administratif en délivrant son verdict en moins d'une semaine. C'est peu dire qu'on aimerait que les procédures administratives de l'État soit toujours aussi efficaces…

On pourrait longtemps épiloguer sur le fait que le mécanisme de quasi-enchères retenu pour l'attribution des fréquences 4G était en fait conçu sur mesure pour contrarier le trublion Free. Une chose est sûre, il était bien moins favorable que le précédent mécanisme de redevance annuelle, finalement adopté pour la 3G et qui avait permis à SFR, Orange et Bouygues de se lancer dans la 3G à bon compte (et pourtant en ne respectant pas leur cahier des charges initial de déploiement dans le cas des deux premiers acteurs).

Sur les réseaux de ses ennemis, Free fait son nid...

Pour autant, Free n'est peut-être pas le grand perdant que certains journaux décrivent. Le nouveau venu dispose d'un petit matelas de fréquences 2G et 3G (5 MHz duplex en 3G et 9,6 MHz en 2G) et surtout, il a obtenu 20 MHz de fréquences duplex 4G dans la bande des 2,6GHz. Il a donc de quoi démarrer son réseau. D'emblée, sa couverture sera nationale grâce à l'accord d'itinérance signé avec Orange sur la 2G et la 3G. Une stratégie du coucou qui permettra à l'opérateur de se lancer dans de bonnes conditions.

Il n'en sera guère différent pour la 4G. Le fait d'avoir obtenu des fréquences dans la bande des 2,6 GHz et d'avoir participé (infructueusement) à l'appel d’offres dans la bande des 800 MHz, ouvre en effet de droit à Free un accès en mode itinérance sur le futur réseau 4G dans la bande des 800 MHz de SFR. Free pourra donc faire le coucou sur l'infrastructure de la filiale de Vivendi et s'épargner de coûteux investissements.

Surtout, il pourra négocier des conditions tarifaires uniques avec SFR qui devra accepter toute proposition raisonnable (gageons que ce terme flou augure de jolies passes d'armes juridiques entre les deux acteurs, que l'Arcep devra sans doute arbitrer). On devrait à cette occasion avoir un petit aperçu de ce que sont réellement les coûts de transfert de données sur les réseaux mobiles. Des coûts, dont les opérateurs voudraient aujourd'hui nous faire croire qu'ils leurs permettent à peine de vivre…

Objectifs atteints ?

Finalement, c'est à se demander si Free n'a tout simplement pas atteint ses objectifs initiaux. Sa position unique de 4e opérateur nouvel entrant lui permet de disposer d'un petit portefeuille de fréquences, mais surtout d'un accès aux réseaux des opérateurs en place dans des conditions que ne peuvent réclamer les MVNO. Si l'on ajoute une structure de coûts très faible (Free a un ratio de CA par employé très supérieur à celui de ses concurrents), le nouvel entrant pourra donc se permettre des stratégies commerciales originales - et agressives - sans avoir à dépenser une fortune dans l'infrastructure.

Et qui sait, une fois sa base installée conquise, il pourra postuler à de nouvelles bandes de fréquences libérées par on ne sait quel progrès technologique (genre abandon de la diffusion hertzienne de la TV au profit du satellite et des réseaux DSL ou fibre). Une stratégie proche de celle du coucou qui pourrait bien coûter des plumes aux acteurs mobiles en place. On devrait en avoir une meilleure idée dans les prochaines semaines avec le lancement des premières offres 3G de Free Mobile prévu pour avant le 15 janvier.

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