DMP : le gouvernement tente l'opération de la dernière chance

Une première version nationale en 2010. Lors d'une conférence de presse, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a précisé le calendrier de son plan de relance du dossier médical personnel (DMP). Un grand projet aux ambitions nettement revues à la baisse. Mais qui doit désormais se concentrer sur un objectif à minima : voir le jour tout simplement.

Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé, parviendra-t-elle à ranimer le dossier médical personnel (DMP), plongé dans un coma avancé. Hier, lors d'une conférence de presse, la ministre a précisé son plan de relance annoncé en juin 2008. Et annoncé qu'une première version nationale de ce grand projet verrait le jour dès 2010. Un premier glissement par rapport aux déclarations de Roseline Bachelot en juin dernier qui promettait alors pour 2009 le déploiement d’une version appelée « socle » sur tout le territoire.

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Dans cette première mouture nationale, chaque citoyen pourra, sur la base du volontariat, ouvrir son dossier chez son généraliste ou à l'hôpital. Puis le consulter par Internet. Reste que son alimentation demeurera conditionnée à la capacité des professionnels et des établissements de soins à s'interfacer avec le système. Et à leur bon vouloir surtout, puisqu'ils n'auront pas l'obligation d'alimenter les dossiers numériques. Selon le ministère, cette première version "comportera une première série de services, notamment la réception automatique des résultats d’analyse, des fonctions de rappels de vaccins, des échanges dématérialisés avec le médecin traitant, des programmes d’accompagnement thérapeutique."

"Une version modeste, enrichie au fil du temps"

Si le DMP n'est pas cliniquement mort, il conservera des séquelles de sa longue léthargie. D'abord, à rebours du projet initial, la création des dossiers et leur alimentation par les professionnels de santé se font sur la base du volontariat. Chaque patient sera aussi à même de masquer certaines informations de son passé médical. Dès lors, alors qu'il est présenté par Roselyne Bachelot comme un outil d'amélioration des soins, l'utilité du DMP ne restera que parcellaire. Les économies qu'ont fait miroiter les concepteurs du programme seront, elles aussi et pour les mêmes raisons, bien difficiles à dégager. Au moins dans un premier temps. Des évolutions paraissant d'ores et déjà programmées sans que leur nature soit précisée. "En partant d’une version sans doute modeste, le DMP sera ainsi, au fil du temps et des retours d’expérience, amélioré et enrichi de nouveaux services", a justifié la ministre (voir le calendrier donné par le ministère ci-dessous).

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Cette relance apparaît comme l'opération de la dernière chance pour un projet démarré en 2004 par Philippe Douste-Blazy - alors ministre de la Santé - et dont la généralisation était attendue en 2007. Elle passera par plusieurs actions, qui démarreront en 2009. D'abord une reprise des expérimentations en région (Aquitaine, Rhône-Alpes, Franche-Comté, Picardie…), afin de tester un certain nombre de services. Rappelons que des expérimentations locales ont déjà eu lieu dans les années précédentes, mais que celles-ci n'ont jamais débouché sur un DMP national. "Ces projets territoriaux s’inscriront dans un schéma de convergence vers la version nationale du DMP", a expliqué la ministre pour justifier le renouvellement de la démarche.

Une entité unique pour piloter tous les chantiers de la santé

Du coup, le ministère croit bon de préciser que, cette fois, les "projets territoriaux seront pilotés dans le cadre d’une conduite de projet nationale, homogène, rigoureuse et cohérente". En creux, une façon d'épingler le pilotage du programme jusqu'à aujourd'hui. Dans son dernier rapport, revenant sur le bide du DMP première génération, la Cour des Comptes avait d'ailleurs sérieusement écorné le GIP DMP, structure mise en place en 2005 pour piloter le chantier, mais aussi ses partenaires et financeurs, comme la CNAMTS. Organisation défaillante, gestion des risques approximative, mauvaise maîtrise des marchés passés : pour espérer sortir le projet de ses affres, la maîtrise d'ouvrage devra se professionnaliser, si l'on en croît le rapport de la rue Cambon.

Récemment, le ministère de la santé a tiré les leçons de ces errements en rassemblant les diverses entités chargées de l'informatisation de la santé (GIP DMP, GIP « carte de professionnel de santé » et une partie du groupement pour la modernisation du système d’information hospitalier, le GMSIH) au sein d'une agence unique : l'ASIP (Agence des Systèmes d’Information de santé Partagés). Avec pour objectif d'unifier la maîtrise d'ouvrage des projets de systèmes d’information de santé initiés par l'Etat. Une structure pilotée par des têtes nouvelles, en l'occurrence Jean-Yves Robin, au poste de directeur, et Michel Gagneux, comme président. Le premier est le fondateur d'Uni-Médecine, société spécialisée dans l’informatisation des réseaux de santé et l’hébergement des dossiers médicaux dématérialisés qui a été rachetée par Atos Origin. Le second est un inspecteur général des afaires sociales qui a été chargé d'écrire un rapport sur le DMP pour la ministre de la Santé.

Une dizaine d'années de mise en place, un coût impossible à évaluer...

Dans ce document sur lequel s'est appuyé Roseline Bachelot pour relancer le DMP, Michel Gagneux ne se faisait guère d'illusions sur les principales inconnues du programme : son coût et le délai de mise en oeuvre. Dans son rapport, il estimait difficile d'envisager un fonctionnement généralisé et partout efficace du DMP avant une dizaine d'années". Et a jugé hier que "personne ne sait combien il coûtera au final". Depuis son lancement, la facture s'élève déjà 74 millions... pour un projet toujours dans les limbes.

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