Après l'Hadopi, la France prépare la seconde phase du verrouillage d'Internet

Nom de code : Loppsi. Après la coupure d'Internet prévue par la loi Hadopi, le gouvernement prépare un second texte prévoyant le filtrage de certains sites par les FAI. Objectif affiché : empêcher l'accès aux contenus pédophiles. Pour certains, un dangereux coup de canif dans les principes du Net.

Après Hadopi - la loi Création et Internet qui vient d'être adoptée par le Parlement -, le gouvernement prépare la phase 2 du verrouillage d'Internet. Après avoir suspendu une épée de Damoclès au-dessus des internautes - et des entreprises -, l'exécutif prépare en effet un second projet de loi - la Loppsi (Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure) - qui prévoit de donner obligation aux FAI de bloquer "sans délai l'accès aux contenus dont les adresses électroniques sont désignées par arrêté du ministre de l'Intérieur".

En clair, il s'agit de filtrer Internet, officiellement pour bloquer l'accès à des sites diffusant des images ou contenus pédophiles et hébergés à l'étranger. Concrètement, ce serait l'OCLCTIC (Office de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication) qui transmettrait aux FAI, par voie dématérialisée, cette liste noire de sites à filtrer. Charge à ces derniers de mettre en place les technologies de filtrage de leur choix. Sur le plan législatif, la disposition en question vient compléter l'article 6 de la Loi sur la confiance dans l'économie numérique (LCEN), datant de mai 2004. Peine prévue en cas d'infraction des FAI : un an d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Examen de pure forme en commission

Si le texte n'a pas encore été soumis au Parlement, il est à l'étude. La profession a déjà été sondée via la CCRSCE, une commission consultative regroupant des représentants des opérateurs et FAI, des membres d'associations d'usagers et des "personnalités qualifiées". Parmi les membres figure par exemple Jean-Michel Planche, le fondateur de Witbe et créateur d'Oléane (racheté par France Télécom au milieu des années 90). Sur son blog, ce dernier raconte cet examen du texte par la commission, examen de pure forme juge-t-il. Dans son billet, il écrit notamment : "Il a été, au mieux, rappelé, que ces mesures auraient un coût direct et qu’il faudrait bien que le gouvernement mette la main à la poche pour compenser ses (j'ai bien écrit "ses") mesures régaliennes".

Pour Jean-Michel Planche, il s'agit tout bonnement d'une dangereuse remise en cause de l'Internet tel qu'on le connaît. Certes, l'article ne vise que les contenus pédophiles, "mais il s'insère dans la LCEN dont la portée est beaucoup plus large", note-t-il dans un entretien téléphonique avec LeMagIT. La LCEN touche également les contenus faisant l'apologie des crimes contre l'humanité, l'incitation à la violence, les atteintes à la dignité humaine ou la prévention des actes de terrorisme. "L'Internet est par vocation centré sur l'utilisateur (user centric), et on essaie de le faire entrer au chausse-pied dans une vision centralisée (network centric), ajoute Jean-Michel Planche. Ce mouvement ne concerne pas que la France, il est mondial". Une situation que confirment plusieurs experts en sécurité que LeMagIT a interrogé en février dernier.

S'installer "dans un pays moins stupide" ?

Conséquence prévisible de cette modification de la loi, selon Jean-Michel Planche : "ce système va profiter à des géants comme Google ou Amazon, qui du fait de leur nom ne seront pas touchés par les mesures de filtrage. Ce qui incitera les entrepreneurs à se reposer sur ces plates-formes". Une vision qui rejoint celle d'un de nos lecteurs, qui, en commentaire à notre article sur la loi Hadopi, écrivait : "inutile de dire qu'on ne va pas investir des millions d'euros pour traquer quelques employés qui téléchargent ! Si notre connection Internet est coupée, on prendra une liaison satellite à l'étranger ou un VPN dans un autres pays sinon, le juge devra prendre la responsabilité de faire licencier mille personnes et nos investisseurs nous installeront dans un autre pays moins stupide !"

En savoir plus : notre compte-rendu du troisième forum international de la cybercriminalité, qui se tenait en mars dernier à Lille, et où s'exprimait Michelle Alliot-Marie.

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