La gestion informatique de l’Assistance publique - Hôpitaux de Marseille au pilori

Surprise dans le rapport annuel 2012 de la Cour des comptes : les magistrats se sont penchés d’un peu plus près sur les chantiers des collectivités locales. Côté informatique, c'est l’occasion de mettre le doigt sur un projet raté : celui de la gestion informatique de l’Assistance publique - Hôpitaux de Marseille.

Et le gagnant est… L’Assistance publique - Hôpitaux de Marseille ! Dans son rapport annuel 2012, la Cour des comptes a un peu relâché sa pression sur Chorus, le pharaonique projet de comptabilité publique reposant sur progiciel SAP, mené par le ministère des Finances, pour mieux dénoncer la gestion de l’informatique de l’organisme en charge des hôpitaux de l’une des principales agglomérations de France. La Cour s’appuie sur le travail réalisé par la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui s’est intéressée aux marchés informatiques de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM), et plus particulièrement du projet de réalisation du dossier patient numérique.

Selon la CRC, le projet s’est inscrit dès le départ dans « le contexte difficile de l’obsolescence des systèmes d’information » de l’AP-HM et visait à intégrer dans un même système d’information des programmes traitant des données médicales et administratives. Premier écueil relevé par les magistrats : « la préparation du cahier des charges et la consultation ont été conduites sur des bases ambigües ». Ils reprochent notamment le fait que la définition des prestations attendues n’a pas été faite clairement lors des échanges entre l’APHM et le prestataire, un consortium comprenant « une société américaine sans réelle expérience du système hospitalier français » (sic).

Conséquences : pendant trois années, la mise en œuvre du projet a connu huit reports successifs de calendrier pour aboutir à un constat d’échec. Du coup, l’application informatique était en l’état incapable d’assurer la gestion administrative et médicale des patients d’un groupe hospitalier tel que l’AP-HM. La Cour estime que « l’incompréhension entre le prestataire, qui comptait livrer son logiciel en l’état, et la direction informatique de l’hôpital, qui souhaitait que celui-ci soit adapté aux besoins et à l’organisation spécifiques de l’AP-HM, explique pour partie cet échec ». Mais les magistrats dénoncent également le niveau de qualification insuffisant des équipes informatiques de l’AP-HM pour suivre un projet d’une telle envergure.

Derrière, les dirigeants auraient pu rectifier le tir mais les magistrats estiment que l’appel d’offres lancé en juillet 2009 pour l’acquisition de progiciels de gestion administrative et financière, de gestion du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), et de pharmacie « a lui-même donné lieu à de nouveaux atermoiements ».

Plus loin, la Cour évalue le coût global de l’opération de réorganisation du système informatique de l’AP-HM à 14 millions d’euros (12,5 M€ concernant le projet du dossier patient informatisé et 1,5 M€ au titre des prestations du second marché). Surtout, « l’établissement a engagé, en pure perte, 5,5 M€ de dépenses concernant les achats, fournitures et prestations liés au projet DPI et à l’acquisition d’un nouveau logiciel pour la pharmacie. S’y ajoutent 5,1 M€ de frais engagés en matière de ressources humaines et de communication, soit un total de 10,6 M€ sans aucune contrepartie positive pour l’AP-HM ».

Au final, la Cour des comptes estime dans son rapport que « la faiblesse du pilotage national de l’informatique hospitalière apparaît comme un facteur de risque supplémentaire dans un contexte où les financements publics accordés par les plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012 ont été sensiblement accrus dans ce secteur ».

Et de recommander à l’établissement de solliciter, « à l’avenir pour ses projets informatiques les plus importants, l’expertise nécessaire à l’analyse et à la définition des besoins ; aux autorités de tutelle, le ministère de la santé et à l’ARS, de mettre en œuvre prioritairement un suivi stratégique effectif des projets informatiques hospitaliers ». Les magistrats estiment également que le ministère de la Santé doit étudier la possibilité de confier à un opérateur unique la maîtrise d’ouvrage de projets hospitaliers complexes d’informatisation médicale. 

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