Offshore : les Etats-Unis ont entendu les sirènes du protectionnisme

Coup dur pour les SSII indiennes. Les menaces qui planaient depuis plusieurs mois sur les visas américains qu'elles utilisent pour envoyer sur site leurs collaborateurs viennent de se concrétiser. A la clé, un surcoût du onshore estimé à 250 M$ par an. Certaines ne se cachent pas d'envisager de faire évoluer la structure de leurs prestations en conséquence et d'augmenter la part offshore des projets.

Le menace couvait depuis de nombreux mois. En février 2009, le sénat américain a décidé de limiter l’embauche d’immigrés diplômés titulaires du visa H1-B, dans le secteur financier et tout particulièrement pour les banques recevant des aides publiques. Ce visa est délivré pour une période de trois ans; il est régulièrement utilisé par les SSII indiennes pour envoyer des ingénieurs sur site, chez leurs clients, aux Etats-Unis. La décision n’avait pas manqué, alors, de provoquer une inquiétude bien palpable. D’autant plus sérieuse que l’administration américaine ne s’intéressait pas uniquement aux visas H1-B mais également aux L1, permettant de travailler aux Etats-Unis pour une période de sept ans. Fin 2009, le Nasscom, la chambre syndicale des SSII indiennes, est remontée au créneau pour défendre ses intérêts face à la menace protectionniste. En vain.

Forte augmentation du coût des visas H1-B et L1

Dans le courant du mois d’août, les Etats-Unis ont en effet décidé de renchérir de 2 000 $ les frais de certains dossiers de demande de visas H1-B. Pour les visas L1, il en coûtera 2 250 $. Des montants qui ne devraient pas être révisés avant octobre 2014 et qui concernent les entreprises qui emploient 50 personnes ou plus aux Etats-Unis, dont plus de 50 % de titulaires de ces visas. Des mesures qui doivent rapporter 600 M$ au pays; une somme qui doit être consacrée au renforcement de l’hermétisme de sa frontière avec le Mexique. Mais certains parlementaires américains ne se sont pas cachés de viser directement les SSII indiennes. Charles Schumer, sénateur démocrate de New York, a ainsi commencé par les comparer à des atelier illégaux de démontage automobile (des «chop shops»), avant de se rétracter tout en soulignant s’opposer «à la manière dont ces entreprises utilisent les visas H1-B pour atteindre des objectifs pour lesquels ils n’ont jamais été conçus par le Congrès.» Au final, ces mesures devraient coûter 250 M$ par ans aux SSII indiennes.

Une part offshore plus importante

Face à un tel changement - et même si, cette année, les 50 % du quota de visas H1-B n’ont pas encore été atteints - les SSII indiennes entendent essentiellement adapter leur modèle, en renforçant la part offshore des équipes projets. Kris Gopalakrishnan, PDG d’Infosys, l’a clairement indiqué à nos confrères du Business Standard : «le coût augmente, c’est sûr. Mais c’est supportable. Mais il y a plus, là. Si c’est un sentiment négatif qui est en train de monter, nous devons nous préparer à de l’offshore extrême. Malheureusement, tant que le chômage persiste à des niveaux élevés, le sentiment négatif [à l’encontre des SSII indiennes] va perdurer.»

IBM, l'indien
IBM serait désormais le second employeur privé en Inde, avec plus de 100 000 de salariés dans le sous-continent (voire 130 000 selon certaines estimations), derrière TCS et ses 163 700 salariés, mais devant un Infosys et ses 114 000 collaborateurs (en tout, et pas exclusivement en Inde). Selon le Times of India, il s’agirait même là de «l’un des secrets les mieux gardés de monde de l’entreprise indien.» Des chiffres qu’en tout cas «personne chez IBM n’admettra, de peur des conséquences aux Etats-Unis.» 
Et c’est tout le paradoxe du débat sur les visas H1-B. La chambre du commerce américaine plaide en effet pour une plus large ouverture des frontières américaines. Au profit, notamment, de géants tels qu’IBM, Microsoft ou Intel dont la part des inventeurs indiens ou chinois dans leurs dépôts de brevets aux Etats-Unis n’a cessé de progresser. Dans le cas d’Intel, elle aurait été de près de 40 % en 2005, contre 20 % en 1995.

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