Financement des formations : le secteur IT au pain sec en 2010

Discours de rigueur pour le Fafiec, l'organisme de collecte de l'argent de la formation dans l'IT, l'ingénierie et le conseil. Après avoir joué un rôle d'amortisseur de la crise en 2009 - en dépensant plus que l'argent collecté sur l'exercice -, l'organisation paritaire est contrainte de resserrer les critères d'attribution des fonds. Un nouveau risque pour l'emploi.

Mise à jour le 14/01, à 9h20.

Abonné aux excédents de trésorerie, le Fafiec, l'organisme paritaire de collecte de l'argent de la formation dans l'IT, l'ingénierie et le conseil, a fini 2009 les caisses vides. Au point de devoir rejeter les demandes de formation des entreprises du secteur en novembre ou en décembre (en fonction de la nature desdites demandes). Ainsi, alors qu'il a collecté sur le dernier exercice environ 215 millions d'euros, l'organisme a dépensé quelque 50 millions supplémentaires, épuisant ses réserves de trésorerie. Le Fafiec explique en substance avoir accompagné les entreprises jusqu'à l'épuisement de son enveloppe. Et avoir, depuis le début 2010, rouvert son guichet de demandes, sur la base de nouveaux critères.

A budget tendu, pilotage affiné
"Un besoin de mieux piloter les budgets". Lors de sa conférence de presse de rentrée, la chambre patronale des SSII et éditeurs, le Syntec Informatique, n'a pas caché son agacement vis-à-vis de la situation que traverse le Fafiec (le patronat place pourtant 10 des 20 membres du conseil d'administration de la structure), contraint de retoquer d'emblée toutes les demandes des entreprises en fin d'année 2009, faute de budget. D'autant que l'exercice 2010 s'apparente à de la corde raide pour un OPCA (Organisme Paritaire Collecteur Agréé) habitué depuis des années à des excédents. "Nous allons mettre en place un suivi budgétaire plus précis avec un commissaire aux comptes qui suivra l'évolution des budgets de façon plus fine", assure Patrick Antoine, vice-président du Fafiec (issus de la CGT). Le Fafiec prévoit notamment de réévaluer son fonctionnement sur l'année en mars, après la collecte 2010 de fin février, et en septembre. Une façon d'éviter de fermer les vannes brutalement, comme il a été contraint de le faire en novembre et décembre derniers.
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Selon Patrick Antoine, vice-président de l'organisme (et issu de la CGT), les plans de formation ont été stoppés début décembre, tandis que le financement des périodes de professionnalisation est gelé depuis la mi-novembre. Chaque segment a dépensé plus que les sommes collectées. Ainsi, les plans de formation dans les entreprises de moins de 10 salariés ont mobilisé 25 millions, soit 10 de plus que l'enveloppe prévue. Même dépassement pour les formations en alternance, où les contrats de professionnalisation (qui eux se sont poursuivis jusqu'en fin d'année) ont dépassé leur budget d'environ 15 millions. Sur les périodes de professionnalisation (qui s'adressent, contrairement aux contrats, à tous les salariés, notamment à ceux en reconversion), le dépassement serait minime, selon Patrick Antoine. "Nous avons peut être commis une petite erreur sur les critères que nous avions définis, en fixant le plafond des périodes de professionnalisation au niveau des groupes, ce qui a permis à des entreprises diversifiées de reconvertir par exemple une bonne part de leurs effectifs travaillant pour la filière de l'automobile, explique-t-il. Ce phénomène a pu créer une distorsion de concurrence par rapport à des sociétés plus spécialisées".

Critères d'attribution plus stricts

Pour 2010 donc, il faudra se serrer la ceinture. D'autant que les sommes collectées par la Fafiec seront amputées automatiquement de 13 % (contre 5 % auparavant), reversées automatiquement au Fonds unique de péréquation (FUP) - rebaptisé Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) -, qui voit ses missions s'élargir et grève plus franchement le budget des organismes de collecte. Ce Fonds va prélever 13 % des sommes collectéés par le Fafiec, sans que ce dernier en bénéficie. Tout en affirmant vouloir préserver cette logique de solidarité, l'organisme milite pour un meilleur "équilibre" dans ce mode de redistribution entre branches. Qui plus est, le Fafiec s'attend à une baisse "naturelle" (liée à la contraction de l'activité) de la collecte d'environ 5 %. S'y ajoutent les 7 % de frais de fonctionnement de l'organisme qui emploie 150 permanents.

Si le Fafiec a donc rouvert son guichet permettant d'examiner les demandes des SSII, sociétés de conseil en technologies, éditeurs ou cabinets de conseil, il tient désormais un "discours de rigueur", selon Patrick Antoine. Le budget consacré aux plans de formation des entreprises de moins de 10 personnes passera ainsi de 25 à 8 millions ! Resserrement aussi pour les plans des sociétés plus importantes, où le budget sera réduit de quelque 100 millions à environ 70 millions d'euros. Les critères seront également durcis pour les contrats et périodes de professionnalisation, dont les enveloppes s'annoncent également moins épaisses qu'en 2009. Car la coupe claire de 13 % du FUP touche aussi les dispositifs d'alternance.

Un risque supplémentaire pour l'emploi

La conséquence ? L'amortisseur de la formation, qui a permis à certaines SSII ou sociétés de conseil en technologies de moins licencier en 2009, sera bien moins efficace dans les mois qui viennent. Un revirement qui pourrait pousser des entreprises du secteur à se débarrasser des salariés en intercontrat, notamment si la reprise reste très progressive, le scénario que décrivait il y a quelques jours l'organisation patronale Syntec Informatique. Une vision que nuance Patrick Antoine : "pour les entreprises de plus de 50 personnes, nous ne collectons en moyenne que 1/5 des sommes qu'elles consacrent à la formation". Une façon pour ce syndicaliste CGT de déminer le discours patronal, qui pourrait être tenté de pointer le Fafiec comme responsable des mesures de suppression d'effectifs. Patrick Antoine reconnaît toutefois "un devoir moral" vis-à-vis des plus petites structures, qui versent souvent l'intégralité de leurs enveloppes consacrées à la formation à l'organisme collecteur.

Sauf en novembre, le chômage n'a cessé de croître dans la profession en 2009, pour avoisiner les 30 000 informaticiens sans emploi en fin d'année. Avec quelque 6 % de chômeurs, le secteur reste toutefois relativement préservé. Et la montée du chômage n'a, pour l'instant, pas tutoyé les sommets atteints lors de la précédente crise, au début des années 2000.

Fonds de l'Etat : la branche accumule les occasions ratées

Faute d'accord sur le chômage partiel - rappelons que, comme nous l'avions révélé, les syndicats redoutaient de voir les entreprises utiliser le dispositif pour dissimuler l'intercontrat -, la branche n'a pas bénéficié en 2009 des fonds mobilisés spécialement par l'Etat pour encaisser le choc de la crise. "Conséquence : les périodes de professionnalisation durant les épisodes de chômage partiel ont consommé les fonds du Fafiec", regrette Ivan Béraud, secrétaire national de la F3C (Fédération Communication, Conseil, Culture) CFDT.

Et de dénoncer également l'échec d'une négociation en décembre dernier portant sur les engagements de développement des emplois et des compétences de la branche. "Faute de cet accord, on aura du mal à impulser des ADEC (actions de développement de l’emploi et des compétences) en régions", explique-t-il. Autant de fonds publics dont se coupe le secteur. Et dénoncer "l'imbécilité des patrons de la branche, qui réagissent au dernier moment, mais aussi de certaines organisations syndicales, qui utilisent ces négociations comme des leviers contre le patronat".

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