Christophe Pierret, Sidetrade : "le métier du Saas est différent de celui de l'édition classique"

Pour cet ex-BO devenu le directeur technique d'un des fleurons du Saas, le modèle du Cloud impose aux éditeurs de logiciels de nouvelles figures imposées : une relation client plus suivie et une compréhension en profondeur des contraintes de la production informatique.

Avec un chiffre d'affaires de 3,7 M€ dans le Saas au premier semestre 2012 (sur un total de 6,9 M€ de CA), l'éditeur Sidetrade apparaît comme un des principaux spécialistes français du logiciel pour entreprises dans le Cloud. Sa solution, centrée sur la gestion des encours clients (notamment des délais de paiement), est employée par environ 900 entreprises présentes dans 65 pays (44 000 utilisateurs en huit langues), même s'il s'agit avant tout de sociétés françaises déployant le logiciel pour leurs autres implantations. Christophe Pierret, un ex-BO devenu il y a un peu plus de deux ans le directeur technique de la société, explique les recettes permettant à un éditeur de logiciels d'apprivoiser le Cloud. 

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LeMagIT : Techniquement, où est hébergée votre solution? 

Christophe Pierret : Nous sommes hébergés dans un datacenter de Completel en région parisienne, auquel s'ajoute un site de secours. Ce prestataire nous fournit l'électricité, la climatisation, les structures permettant d'accueillir les serveurs et l'accès réseau. Nous gérons tout le reste, y compris les serveurs. C'est ce qui nous permet d'avoir des coûts d'exploitation très bas, en tout cas sensiblement inférieurs à ceux d'un Cloud public de type AWS. Même si c'est plus complexe à mettre en œuvre et à amortir au démarrage. Ce facteur est clef dans la rentabilité d'un éditeur Cloud. Au démarrage d'une activité, miser sur un AWS fait sens, car cela évite d'embaucher des profils spécialisés dans la production, d'investir dans du matériel. Par contre, quand l'activité se développe, gérer sa propre infrastructure constitue une décision saine en termes capitalistiques. Chez Sidetrade, une équipe de 8 personnes assure le fonctionnement de la plate-forme. 

LeMagIT : Comment gérez-vous les questions de personnalisation de la solution? 

C.P. : Tout se déroule par paramétrages, notamment la possibilité de segmenter de façon dynamique les acheteurs en différents profils et d'y associer des règles spécifiques. Il n'y a qu'une seule version de l'application en production. Même si, comme nous effectuons 400 mises en production (appelées hotfix) par an, nous n'activons les mises à jour que sur une partie des clients au départ afin de maîtriser les montées en charge. Il peut arriver aussi qu'on laisse un client sur une version ancienne en raison de problématiques internes à cette entreprise ; mais nous évitons ce type de démarche, car elle se traduit par un coût pour l'éditeur. 

Quand on livre de nouvelles fonctionnalités importantes, on laisse également aux clients le temps de s'adapter. C'est le rôle d'une équipe chez Sidetrade, appelée Customer Success, qui gère en amont la communication avec les clients déjà en production, qualifie les éventuels besoins de formation, aide les clients à mieux utiliser la solution via une analyse des statistiques d'usage du logiciel. Le rôle de cette équipe, composée d'experts métier, est de gérer la satisfaction des clients dans la durée. Dans le Cloud, on ne peut pas se désintéresser du client une fois le contrat signé, car l'abonnement est réglé chaque mois. Si le client n'est pas content, il peut envisager de résilier son abonnement. 

LeMagIT : A partir de quand un client devient-il rentable pour un éditeur Saas? 

C.P. : Il ne l'est pas au départ en raison des coûts de commercialisation. Il faut plusieurs années de contrat pour être sûr de parvenir à une bonne rentabilité. 

LeMagIT : Dans ses dernières communications financières, Sidetrade mentionne l'amélioration de la rentabilité de son offre Saas. Quelles en sont les raisons techniques? 

C.P. : Cette amélioration est due à un effet de volume. En automatisant l'aspect production (le run), on peut gérer un grand nombre de clients dans le Cloud sans augmenter la taille de l'équipe en proportion. Vous avez besoin de trois à quatre personnes au minimum pour faire tourner une production Cloud ; ce chiffre reste valable que vous ayez 20 clients ou 100 clients. 

Côté infrastructures, les coûts augmentent de façon presque linéaire avec le nombre de clients, sauf si vous parvenez à optimiser votre plate-forme. Ce que nous faisons en continu, par exemple en augmentant la volumétrie sur une même instance! Ce qui limite les mises à jour matérielles. C'est un peu le modèle français du Cloud. Comme l'accès aux capitaux est plus difficile de ce côté-ci de l'Atlantique, les acteurs gèrent la scalabilité de façon différente. C'est la différence entre un Dailymotion et un Youtube. Plutôt que de rajouter systématiquement des serveurs, les acteurs français du Cloud misent beaucoup sur l'optimisation de leurs plates-formes.

LeMagIT : Votre solution a vocation à communiquer avec d'autres progiciels. Avez-vous des projets de rejoindre des plates-formes de type Salesforce.com ou Azure? 

C.P. : Garder son indépendance tout en entrant sur ces plates-formes semble  difficile. Pour nous, rejoindre une plate-forme agnostique pourrait en revanche avoir du sens, mais pas des environnements de haut niveau où vous vous retrouvez liés à des API particulières. Certains DSI, qui tentent d'utiliser davantage le Cloud pour leurs systèmes d'information - notamment pour tous les applicatifs non stratégiques -, ont actuellement des réflexions sur l'orchestration de solutions Saas et une gestion unifiée de la sécurité. Des réflexions sur ce sujet existent également au sein de l'Afdel (Association française des éditeurs de logiciels). C'est une vision d'avenir qui finira par s'imposer avec une intégration entre les acteurs du middleware et la gestion des identités. 

LeMagIT : Qui en France est aujourd'hui capable de se positionner sur ce créneau naissant? 

C.P. : A ma connaissance, personne. Malheureusement.

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