Le logiciel d’occasion, nouvelle voie du cost-cutting... n'en déplaise aux éditeurs

La société suisse UsedSoft rachète et revend des licences d’occasion afin d’optimiser les portefeuilles applicatifs des entreprises. Encore peu répandu en Europe, ce marché du logiciel professionnel d’occasion apparaît comme une nouvelle voie dans les politiques d’achats. A condition d'en digérer l’aspect légal.

Faire du logiciel un bien de consommation. En organisant un service d’achat et de revente de logiciels de seconde main - donc un marché de l’occasion -, le Suisse UsedSoft fait partie de ces quelques sociétés qui changent la façon de consommer le logiciel. Un modèle pouvant remettre en cause les coûts inhérents soit à la migration, soit au taux d’immobilisation du parc applicatif. Une nouvelle voie dans les politiques d’achats des entreprises, qui cherchent de nouveaux leviers pour réduire leurs coûts ?

Le principe est simple, raconte en substance Peter Schneider, Pdg de la société. “Nous nous sommes rendus compte qu’il y a un trop-plein de licences dans presque toutes les entreprises. Cela représente une valeur immobilisée qui n’est pas exploitée. Donc nous offrons à nos clients la possibilité de rapidement et facilement transformer ce capital en liquidités.” Ainsi, lorsque les entreprise doivent opérer une restructuration, une cessation d’activité, une réduction d'effectifs - cortège de mesures classiques en temps de crise -, ou encore se séparer d’anciennes licences après une mise à jour, rares sont celles qui ajustent leurs portefeuilles de licences en conséquence, a constaté UsedSoft. La société se propose alors, via un réseau de “sources” (apporteurs d'affaires) qu’elle affirme avoir “examiné sous toutes les coutures”, de reprendre ces licences pour un minimum de 3 000 euros, afin de les revendre à des tiers. Cette chasse aux licences perdues au sein des entreprises est doublée du rachat de surcapacités de stocks auprès de revendeurs, l'autre source d'approvisionnement de la société suisse.

- 25 % à - 50 % sur les licences en volume

Une directive européenne légalise l'occasion
La base juridique pour le négoce des logiciels d'occasion est le « principe de l’épuisement » ancré dans la directive 2001/29/UE qui est donc valable pour tous les pays de l’UE, affirme UsedSoft. “Selon ce principe, le droit d’auteur d'un fabricant s’épuise avec la vente de la marchandise. Le fabricant ne peut donc jouir qu’une seule fois de la vente de son produit. Ce principe a été élargi explicitement au domaine des logiciels en 1993. Le logiciel d’occasion peut donc être revendu dans l’UE sans l’accord du fabricant de logiciels. Un fournisseur de logiciels n’a en principe pas le droit d’influer d’une quelconque manière sur une cession ultérieure.” En principe : une nuance qui pourrait encore refroidir nombre d’entreprises.
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UsedSoft propose ensuite à la revente ces mêmes licences, pour tout type d’entreprises. “Beaucoup d’entreprises choisissent délibérément des versions anciennes parce qu’elles ne sont pas seulement plus stables, mais aussi parce qu’elles supportent des configurations matérielles plus modestes et ne demandent pas de période de formation pour les personnels [...]. Afin de créer une structure homogène en matière de technologies de l’information, les entreprises dépendent en général des vieilles versions”, explique Peter Schneider.

Un mécanisme bien huilé donc, nous promet le Pdg qui lui permet d’afficher des tarifs “entre 25 et 50 % moins chers que la version première main. La différence dépend surtout de l’âge des logiciels demandés.“ Ce principe fonctionne surtout pour les logiciels les plus standards, comme Windows, Office, les licences des serveurs Microsoft, mais aussi CorelDraw et les logiciels CAD comme Autodesk. Et fait important, prend également en compte les licences en volume, achetées par les grands comptes. Pour Peter Schneider, c’est la même loi qui s’applique (voir encadré) : “la base juridique pour ce type de négoce est le « principe de l’épuisement »: quand Microsoft vend plusieurs jouissances dans un même paquet avec un seul master-CD, le droit de diffusion s’épuise quand même pour chaque licence. En conséquence, celle-ci peut être vendue aussi séparément, et pas seulement dans le paquet initial”.

La crise comme catalyseur ?

Bien évidemment, c’est en période de crise que le marché du logiciel d’occasion a le plus la cote. “Grâce à la vente des licences, les entreprises peuvent améliorer leur capacité d'autofinancement et baisser leurs coûts d’exploitation. Après tout, les licences qui ne sont pas utilisées coûtent, à cause des contrats de maintenance associés, entre 15 et 25 % du prix d’achat”, souligne Peter Schneider.

Si aujourd’hui, le marché du logiciel d’occasion, quoique fleurissant selon ses dires, n’est pas très étendu, il pourrait constituer une alternative de poids en termes de politiques d’achat, dans un environnement économique encore fragile. Si Gartner prévoit en effet une reprise des dépenses IT en 2010 dans le secteur du grand public, le cabinet reste plus nuancé en ce qui concerne les entreprises, dont le niveau d’investissement restera relativement stable par rapport à 2009.

Si la question légale est réglée, veut croire Peter Schneider, le principal frein au marché du logiciel d’occasion est une fois de plus lié aux habitudes d’achat. “En Europe, la situation de monopole des éditeurs de logiciels n’aide pas à populariser le marché de l’occasion [sauf en Allemagne, où certains tribunaux régionaux ont tranché sur la question et donc rendu public leur verdict, NDLR]. Pas seulement les éditeurs, mais aussi les commerçants et les clients qui ont considéré ce monopole comme allant de soi jusqu’à présent.[...] Ces structures sont en train de changer et le marché est en passe de se libérer.”

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