ONS 2.0 : l’Internet des objets libéré de la mainmise américaine ?

L’Afnic et GS1 France ont publié et ratifié en décembre 2012 le standard ONS 2.0, une pièce maîtresse de l’Internet des objets. Cette version vient alors traduire techniquement tous les enjeux géopolitique du secteur et favorise la mise en place d’un modèle de racines interopérables par pays. Un ONS « fédéré ».

Trancher avec le passé. C’est ainsi que pourrait être interprétée la publication, fin décembre 2012, par le gestionnaire du .fr, l'Afnic, et GS1 France (un organisme d’étude et de standardisation qui pilote la conception des standards internationaux d’identification et d’échanges électroniques) de la version 2.0 du standard ONS (Object Naming Service). Un standard à la base de l’Internet des Objets : bâti sur le modèle du DNS, l’ONS permet de garantir le nommage des objets et l’acheminement des requêtes.

Mais, outre le fait de proposer des avancées technologiques, ONS 2.0 vient également libérer techniquement l’un des plus gros frein à son déploiement au sein de l’éco-système : l’absence de souveraineté dans le nommage des objets et une centralisation trop forte du serveur racine aux Etats-Unis. Historiquement, et de par sa proximité avec le DNS, l’ONS est administré par Verisign, une société américaine qui gère les suffixes de premier niveau .com et .net d’Internet, ainsi que le serveur primaire de la racine du DNS. Cette situation de «mainmise» avait évidemment provoqué une levée de boucliers de la part des européens, qui voyaient d’un mauvais œil cette domination des Etats-Unis.

En 2007 - 2008, des réflexions, plutôt politiques, ont alors commencé à émerger, poussées notamment par la France, à l’image du discours porté par Bernard Benhamou, délégué aux usages de l’Internet au ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, qui avait placé le sujet au cœur des débats lors de la présidence de la France à l’Union européenne. Etait alors né le concept d’ONS «fédéré», ou multi-polaire, où devaient opérer deux racines paritaires et interopérables.

Pour répondre à cette problématique, GS1 et l’Afnic ont ainsi noué un partenariat en 2008 pour plancher sur le problème. C’est justement ce modèle «fédéré» que promeut ONS 2.0. «La version 1.0 de l’ONS était bâtie sur le principe d’un schéma de nommage unique. La première version prévoit que peu importe le produit et où il se trouve, le nom de domaine dérivé de son identifiant (exemple : une étiquette RFID) se termine par le onsecp.com », explique Mohsen Souissi, responsable R&D de l'Afnic, dans un entretien avec la rédaction. L’idée était donc de trancher avec cette vision, du moins d’un point de vue technique.

«Le défi était le suivant : comment passer d’un modèle à une racine unique, onsepc.com, administrée exclusivement par Verisign, à des racines multiples et fédérées, gérées par des entités souveraines mais qui coopèrent pour rendre collectivement un service interopérable au niveau mondial, commente-t-il. ONS 2.0 permet de mettre en place cette granularité, car au moins d’un point de vue technique, il est possible de mettre en place une racine par région ou par pays selon le choix des membres de GS1» , commente-t-il.

A une nuance près toutefois, admet-il, car ONS est toujours associé au DNS. "ONS 2.0 propose de répartir et de fédérer l’allocation et la résolution au niveau d’entités souveraines (régions ou pays), même si d’un point de vue opérationnel, admet-il, l’ONS découlant du DNS, la racine du DNS reste incontournable (pour le plan de nommage global qui en découle et, pour au moins, une partie des requêtes de résolution). Autrement dit, une partie du fonctionnement de l’ONS reste assujettie à la gestion de la racine DNS dans laquelle les acteurs américains (DoC, ICANN et Verisign) jouent un rôle de premier plan", commente-t-il.

Mise en œuvre ? Heureusement, il y a Findus

A la base de ces travaux, un consortium français baptisé WINGS, créé en 2009, soutenu par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et la Délégation aux usages de l’Internet (DUI). En son sein sont venus se greffer à l’Afnic et à GS1 France des laboratoires de recherche, l’Inria, UPMC, GREYC et Orange Labs. Le projet WINGS a permis de concevoir, d’évaluer et de valider le modèle ONS fédéré aussi bien qualitativement (fonctionnalités) que quantitativement (performances). Il a également permis de déterminer que « l’ONS fédéré, pourvu que la synchronisation fonctionne correctement, apporte un plus notable sur le plan fonctionnel, sans induire de dégradation en matière de performances par rapport à l’ONS mono-racine », souligne Mohsen Souissi.

Restera alors à attaquer la phase 2 : le déploiement. Car un des objectifs de cet ONS 2.0 était également de lever les barrières «politiques» pour encourager les usages d’un Internet des objets en France et en Europe. «Cette technologie devrait en effet devenir essentielle pour les nouvelles générations de services liés aux objets connectés en France et en Europe», soutient Bernard Benhamou dans un communiqué. «On se réjouit de cette publication, mais maintenant, il faut aller de l’avant.

Et GS1 France et l’Afnic souhaitent accompagner l’écosystème de l’Internet des objets dans l’adoption et l’intégration de l’ONS 2.0 dans leurs systèmes et applications », indique Mohsen Souissi. Justement : GS1 France et l’Afnic sont prêts à accompagner cet éco-système (industriels, monde de la distribution - bien représenté avec GS1) vers la mise en place de nouveaux services basés sur la RFID notamment, comme la lutte contre la contrefaçon, l’organisation du rappel de produits ou encore de la traçabilité des objets en temps réel. L’affaire Findus montre que les cas d’usage ne manquent pas.

Pour approfondir sur Internet des objets (IoT)

Close