Kurt Salmon met en doute le modèle économique de Cloudwatt et Numergy

Le cabinet Kurt Salmon s’interroge sur la pertinence du cloud souverain « made in France ». La sécurité des données serait selon lui un argument insuffisant pour assurer le succès de Numergy et Cloudwatt.

La plupart des études concernant le cloud font état de freins à l'adoption qui subsistent. La sécurité est le premier d’entre eux. Comme le fait remarquer une étude du cabinet Kurt Salmon, le Patriot Act, qui accorde à l'Etat américain un droit de regard sur les données des entreprises US et leurs filiales quelles que soient leurs localisations, sert en quelque sorte d’épouvantail aux candidats intéressés par les offres d’outre-Atlantique. Le cloud souverain est, du moins sur le papier, une réponse à leurs inquiétudes. Est-elle pour autant toujours pertinente ? Pas si sûr. 

« En pratique, les Etats-Unis restent un état de droit et compte-tenu des enjeux, des acteurs comme Amazon n'ont certainement pas envie de risquer leur crédibilité en diffusant à tout va les données de leurs clients », estime Fabrice Barros, consultant chez Kurt Salmon. Il suggère toutefois de déporter certaines applications : les données relatives à la défense et la sécurité du territoire pour le public ou toutes données stratégiques pour le privé. Quant aux autres besoins qu'en est-il ?

« Les entreprises doivent avoir une vision de leurs données segmentées par niveau de sensibilité et de risques. On ne propulse pas dans les nuages la gestion de parc informatique et la gestion budgétaire de la même manière ! Nos clients nous indiquent que la sécurité des données est un critère certes important mais que ce n'est pas le seul », constate Fabrice Barros.

Fiabilité et pérennité du fournisseur, coût total sur l'ensemble du cycle de vie (transition, exécution et réversibilité du service), flexibilité et agilité du modèle (scalabilité technique et opérationnelle, souplesse contractuelle) et portée géographique sont autant de points qui rentrent en ligne de compte.

La récente décision du Conseil Régional de Bretagne confirme cette orientation du marché. Contrairement à la Mairie de Paris, qui a opté pour l’offre Numergy proposée par SFR et Bull, la collectivité bretonne a en effet retenu récemment l'offre IaaS d'Amazon pour héberger une partie de ses infrastructures. Localisée en Irlande, la plateforme supporte des applications non critiques de la collectivité territoriale. C’est pourquoi Fred Barros s’interroge sur la pertinence du business model du cloud souverain « made in France ».

« Si la guerre du cloud IaaS se positionne aussi sur le terrain des coûts alors l'un des facteurs clé de succès sera la taille critique et une structure de coût très réduite. A ce jeu-là, difficile de concurrencer des entreprises internationales profitant de leurs infrastructures existantes, souvent dans des pays où les coûts de main d'œuvre sont bas, pour proposer des services cloud », estime notre consultant. Par ailleurs, selon lui, le soutien de l’Etat, même justifié par une volonté d’émulation, à deux projets concurrents (Numergy et Cloudwatt) et aux ambitions uniquement européennes ne va pas dans le sens de la concentration et des économies d’échelle. Pour tenir les objectifs de ces deux acteurs (entre 450 et 500 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2016/2017),« le seul argument de la souveraineté ne sera pas suffisant et tenter de se différencier par les prix risque d'être difficile », croit savoir Fred Barros. Il leur suggère donc de proposer des services à plus forte valeur ajoutée ciblant les spécificités existant sur le marché européen. 

« La gestion de la paie en France est, par exemple, un processus complexe. Une gestion de paie en mode SaaS (Software-as-a-Service) ou BPaaS (Business-Process-as-a-Service) avec des données localisées en France permettrait de se démarquer. »

« Pour l'heure, en l’attente de plus d'informations sur leurs offres, il est prématuré de dire si Numergy et Cloudwatt pourront bousculer voire électriser un marché où de nombreux concurrents sont déjà positionnés », conclut Fred Barros.

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