Opinion : 4G dans la bande des 1800 MHz, pourquoi Orange exagère

En juillet, Bouygues télécom a demandé à l'Arcep de pouvoir réutiliser ses fréquences 1800 MHz pour faire de la 4G, ce que lui permet le nouveau paquet télécom. Orange et SFR sont immédiatement montés au créneau contre ce projet. Problème, ce même Orange a justement obtenu en Angleterre ce que Bouygues demande en France... LeMagIT décrypte les principales clés du dossier.

Le 19 juillet dernier, Bouygues Télécom a décidé d’utiliser une possibilité que lui offre le nouveau code des postes et télécoms (qui transcrit en français le paquet télécom européen de 2009). La filiale du géant du BTP a ainsi demandé à pouvoir réutiliser les fréquences qu’elle détient dans la bande 1800 MHz pour la mise en œuvre d’un réseau 4G LTE. Ce faisant, Bouygues entend faire disparaître une limitation figurant dans sa licence 2G et qui limite l’usage de ses fréquences à la seule technologie GSM. 

Confrontée à la demande, l’Arcep n’a d’autre choix que de l’instruire ce qu’elle a commencé à faire en lançant une consultation publique du 30 juillet au 28 septembre 2012. Comme l’explique l’Arcep, elle doit s’assurer que soient prises « les mesures appropriées afin que soient respectés le principe d'égalité entre opérateurs et les conditions d'une concurrence effective ». Il s’agit notamment d’identifier les éventuelles mesures nécessaires, en particulier en terme de rééquilibrage des fréquences, afin d’assurer une concurrence effective et un traitement non discriminatoire entre les opérateurs si la demande de Bouygues venait à être approuvée. 

L’Arcep souligne aussi qu’une approbation de la requête de Bouygues Télécom devrait se traduire par une mise à jour du décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 relatif aux redevances d’utilisation des fréquences radioélectriques. En l’état, ce dernier ne prévoit de redevances que pour un usage des fréquences en 2G et 3G et pas en 4G. Une modification, comme le note plutôt malicieusement l’Arcep, relèverait de la compétence du Gouvernement. Il n’est toutefois pas sûr qu’une telle modification de la redevance – en particulier à la hausse – était dans l’esprit de la Commission quand elle a conçu le principe de neutralité technologique dans le nouveau paquet télécom.   

Un projet favorable à Bouygues Télécom

On voit bien l’intérêt de Bouygues à une telle modification de sa licence. L’opérateur est en effet le principal détenteur de fréquences 1800 MHz (environ 30 MHz en mode duplex, contre 23,5 MHz pour SFR et Orange) et son infrastructure est loin d’être saturée par les appels 2G. Réutiliser une partie de son spectre 2G pour faire de la 4G serait donc non seulement une façon efficace de maximiser l’usage de ce spectre, mais aussi de maximiser son investissement. 

Ce serait aussi une façon très rapide de déployer la technologie 4G LTE, l’usage de la 4G dans la bande des 1800 MHz permettant de réutiliser une partie de l’infrastructure en place et notamment les sites radio existant… Enfin Bouygues pourrait s’appuyer sur le large catalogue de terminaux supportant la 4G LTE dans la bande des 1800 MHz, alors que ces concurrents doivent pour l’instant se contenter d’un catalogue bien plus maigre de terminaux LTE compatibles 800 MHz et 2 600 MHz. 

Comme l’a montré Everything Everywhere, la filiale d’Orange au Royaume-Uni, Bouygues Télécom pourrait très largement déployer des services 4G en à peine quelques mois. De quoi prendre une longueur d'avance sur la concurrencer et notamment Free en proposant des offres 4G plus tôt que la concurrence et surtout à des coûts plus abordables.   

Un projet accueilli froidement par Orange et SFR

Une telle perspective ne réjouit évidemment guère SFR et Orange, qui doivent d’un côté lutter contre les problèmes d’interférences avec la TNT dans la bande des 800 MHz, et composer avec les problèmes de libération de certaines fréquences 2 600 MHz par l’armée et par l’aviation civile (dont certains radars utilisent la bande des 2 600 MHz) et de l’autre négocier pour la mise en place de nouvelles antennes radio. 

Par la voix de son PDG, Stéphane Richard, Orange explique ainsi : « Quelques mois seulement après les enchères qui ont vu les opérateurs investir plus de 3 milliards d'euros, il serait pour le moins choquant qu'une décision en apparence technique ne vienne avantager un seul des opérateurs et ainsi fausser dangereusement la concurrence sur le marché ». Visiblement, Stéphane Richard était moins choqué quand Orange a utilisé le même mécanisme que Bouygues pour prendre l’avantage sur ses concurrents en Angleterre. De même, il ne semble pas avoir été perturbé quand l’Arcep a autorisé la réutilisation des fréquences 900 MHz pour la 3G (ce qui a terme permettra aux opérateurs d’éteindre progressivement leurs réseaux 2G pour ne plus opérer que des réseaux 3G –pour la voix et la data - et 4G – pour la data uniquement (du moins dans un premier temps). 

Une autre raison de la méfiance d’Orange et SFR est que l’obtention par Bouygues de l’autorisation requise pourrait se traduire par une redistribution du portefeuille de fréquences 1800 MHz des opérateurs avec notamment une obligation pour chacun de céder une partie de sa ressource au nouvel entrant qui pour l’instant ne dispose pas de fréquences 1 800 MHz. Enfin, cette redistribution des cartes pourrait s'accompagner d'une modification par l'État des contraintes réglementaires associées aux licences, avec par exemple des clauses obligeant les opérateurs à localiser leurs centres d'appels en Europe. On comprend mieux pourquoi SFR et Orange grincent. 

Mauvaise nouvelle pour eux, l'État semble pencher en la faveur de la requête de Bouygues, tout d'abord car elle est de nature à accélérer l'adoption de la 4G et ensuite car elle permettrait au gouvernement d'introduire dans les nouvelles licences des opérateurs concernés de nouvelles contraintes "oubliées" par le gouvernement précédent...

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