Inquiétudes en Inde après la réélection de Barack Obama

Bonne ou mauvaise nouvelle ? Après les débats sur l'emploi, l'externalisation et les délocalisations qui ont émaillé la campagne électorale outre-Atlantique, le victoire de Barack Obama laisse les SSII indiennes dans l'incertitude. Même si certains acteurs affichent un optimisme prudent.

La réélection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis n’est pas sans générer quelques inquiétudes en Inde, éminente destination offshore pour les services et le développement IT qui a régulièrement été pointée du doigt lors de la campagne pour la question de l’emploi et des délocalisations.

Un espoir prudent...

Phaneesh Murthy, Pdg d’iGate, n’a pas caché, en fin de semaine dernière, son inquiétude. Pour lui, la réélection de Barack Obama n’est «pas la meilleure des nouvelles pour l’industrie de l’externalisation IT ». Et d’estimer avec prudence qu’il faut voir «dans quelle mesure la rhétorique électorale se poursuit en 2013 [avant] de déterminer toutes les implications pour nous ». Les investisseurs ne s’y sont pas trompés. L’index IT de la bourse de Mumbai (Bombay), le BSE, a fini en baisse jeudi dernier - Infosys souffrant le plus -, à la suite de la victoire électorale de Barack Obama.

 

Des perspectives toujours incertaines
La fin de la campagne électorale aux Etats-Unis ne signifie pas que les SSII indiennes ont totalement fini de manger leur pain noir. Certes, pour TCS, les douze prochains mois devraient meilleurs que les douze derniers; une légère reprise de la demande serait déjà perceptible. Même optimisme du côté du Nasscom qui estime que les exportations IT de l’Inde devraient dépasser les 75 Md$ pour l’exercice fiscal en cours (qui s’achèvera fin mars 2013). Plus prudent - et confronté à ses difficultés propres -, Infosys mise toutefois sur l’austérité : après avoir supprimé les vols en classe affaires pour ses cadres dirigeants, la SSII a différé l’embauche de 17 000 étudiants. Enfin, CLSA estime que les conditions de marché resteront difficiles, au moins à court terme, par l’industrie indienne des services informatiques.

 

Selon l’analyste A.K Prabhakar, cité par l’Economic Times of India, cette réélection serait une bonne nouvelle pour l’industrie pharmaceutique indienne, mais mauvaise pour l’industrie IT : «s’il augmente la pression fiscale qui pèse sur les spécialistes de l’externalisation, ce sera pénalisant pour la plupart des SSII indiennes.» Avec prudence, Kris Gopalakrishnan, co-président exécutif d’Infosys, se contente quant à lui «d’espérer... que certains problèmes seront appréhendés de manière plus pragmatique ».

...et de l’anticipation

Dans l’état indien du Gujarat, certaines entreprises IT auraient de leur côté commencé à diversifier leurs activités aux Etats-Unis pour réduire leur exposition au risque, ou encore à renforcer leurs recrutements sur place. Le Times of India cite ainsi l’exemple d’Azure Knowledge Corp., spécialiste de l’externalisation des processus liés au savoir, qui a ouvert un bureau à Philadelphie et travaille sur des projets pour le gouvernement américain. Son co-fondateur explique que la rhétorique électorale «est la raison pour laquelle nous avons pensé à étendre nos services et faire directement le contrôle qualité depuis les Etats-Unis ». Une activité encore limitée mais «qui nous permettra de faire face aux allégations selon lesquelles nous détruirions des emplois en Amérique ».

Un cas qui ne serait pas isolé, parmi les entreprises IT du Gujarat, selon nos confrères. Une demi-surprise si l’on tient compte des règles relatives aux visas de travail et à leur coût, récemment relevé. Pour Kris Lakshmikanth, directeur général de HeadHunters, les frais de visas encouragent déjà les SSII indiennes à renforcer les recrutements aux Etats-Unis : «les entreprises IT paient les frais pour cinq visas, elles n’en obtiennent finalement qu’un ou deux. [...] Plus les frais seront élevés, plus les SSII indiennes recruteront sur site. Mais cela pourrait ravager leurs marges.»

Des besoins trop importants

Selon Gartner, la rhétorique électorale devrait toutefois faire long feu. Pour Som Mittal, président du Nasscom, qui représente l’industrie indienne des services informatiques, la réélection de Barack Obama ne devrait toutefois avoir qu’un impact limité. Et pour une simple raison : «[les Etats-Unis] manquent de compétences. Tout le monde comprend désormais que nous faisons partie de la solution [à ce problème].»

Vineet Nayar, Pdg de HCL Technologies, s’est montré tout aussi serein. Pour mémoire, Microsoft est même monté au créneau pour réclamer un assouplissement des règles applicables aux visas de travail afin de pouvoir couvrir ses besoins en cerveaux venus d’Inde. Toutefois, pour Lalit S Kanodia, président de Datamatics Global Services, interrogé par nos confrères de DNA India, «les entreprises américaines pourraient bien déplacer les emplois externalisés en Inde vers d’autres pays moins chers ».

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