Un projet d’organigramme pour la co-entreprise SNCF/IBM confirme le recours à l’offshore

Le recours à l’offshore, l’une des principales craintes des informaticiens de la SNCF, mobilisés contre le projet de co-entreprise avec IBM, semble largement confirmé par un projet d’organigramme qui a filtré sur le blog Cortis.fr. Un organigramme qui laisse une place telle à la multilocalisation – France/Roumanie/Inde – que l’offshore n’apparaît plus même comme une option économique mais comme une composante stratégique du projet.

L’auteur du blog Cortis.fr, un informaticien de la DSIT (direction des systèmes d’information et des télécommunications de la SNCF) vient, une nouvelle fois, de jeter un pavé dans la marre, publiant un projet d’organigramme de la future co-entreprise IBM/SNCF. Un projet qui, selon lui, n’est plus qu’un secret de polichinelle : « il circule entre les mains des syndicats depuis une semaine, » indique-t-il, soulignant au passage que le document en question reprend les codes graphiques des documents internes à la SNCF. Un moyen, selon lui, d’en confirmer l’authenticité. Une authenticité confirmée par un délégué syndical.

L’offshore, composante clé du projet

Le 31 mars dernier, à Lille, Emmanuel Vinuales, délégué Sud Rail et informaticien en ASTI à la SNCF – une entité qui s’occupe du déploiement des applications et du support des postes de travail, notamment –, nous exprimait ses craintes vis-à-vis de ce projet de co-entreprise, baptisé Ulysse et validé en début d’année : une délocalisation vers l’Inde et le Maroc « où IBM dispose déjà de centres de services. »

Le projet d’organigramme de la co-entreprise semble donner corps à ces craintes. Et, en particulier, la partie portant sur la « transition et la transformation. » Là, se trouvent pêle-mêle nombre de noms dont l’origine géographique laisse d’autant moins de place au doute qu’elle est parfois même précisée à côté du nom : « Sr Migration Manager Application Transition – Pradip K Panigrahi » ; « Due Diligence Manager – […] Achai R Sangel (Inde) » ; « Connectivity/Infra : Venkatesh Annamalal (Inde), Cezar Simion (Roumanie) […] » ; « Application Transition Managers – […] Santhosh Kandaswamy (Inde depuis la France), Mihaels Crimu (Roumanie Transition Manager), Puneet Jain (Inde depuis la Roumanie), TBN (en Inde) ».

L’Etat actionnaire botte en touche
Le 19 janvier 2010, le député Michel Vergnier (opposition, 1ère circonscription de la Creuse) « attirait l’attention de M. le secrétaire d’Etat chargé des transports sur la récente signature d’un contrat relatif aux services informatiques de la SNCF avec le groupe IBM. » Et de demander à Dominique Bussereau de « confirmer » que « les 2 000 cheminots du pôle informatique [de la SNCF] ne devraient pas changer d’entreprise », s’inquiétant du fait que « ce genre d’évolution a conduit aux licenciements avérés du personnel dans plusieurs entreprises ces dernières années. » Dans une réponse écrite publiée au Journal Officiel ce mardi 20 avril, Dominique Bussereau indique que « aucun des 2 000 cheminots du pôle informatique ne sera affecté statutairement par la nouvelle organisation et ces changements n’auront pas d’impact sur leur activité. […] les pouvoirs publics demeurent particulièrement attentifs aux conséquences sociales des choix de l’entreprise. » Selon Cortis, la direction de la SNCF viserait pourtant à délocaliser près de 730 postes de la partie études de la DSIT d’ici à début 2011. Sur le bassin lillois, l’inquiétude porte sur 250 à 350 postes.
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Pour l’auteur de Cortis.fr, ces informations, associées à d’autres publiées précédemment confirmer bien que l’offshore est une composante clé du projet. Et ce, depuis le début. Selon lui, « la traduction de certaines spécifications serait déjà en cours. »

Plus loin, le projet d’organigramme souligne un peu plus l’importance de l’offshore dans l’organisation du projet avec, en particulier, un « delivery account manager » indien auquel doivent répondre directement des « delivery lead » en France, en Roumanie, et en Inde. Bref, des centres de service éclatés géographiquement tous supervisés depuis le sous-continent.

Une organisation taillée pour porter le changement

Si c’était encore nécessaire, l’organigramme révèle par ailleurs l’existence, au moins dans le projet, d’un service spécifique, dédié aux traductions - évoqué dans un second billet de Cortis. Un service rattaché à l’équipe Transformation. Laquelle intègre au moins deux composantes qui interpellent particulièrement l’auteur du blog : « Lean Coach India & Lean Team » - pour l’optimisation de la performance, une mission distribuée entre Inde et Roumanie – et « Customer Change & Resistance Management » - clairement conçue, selon Cortis, accompagner le changement ou, plutôt, « éliminer les poches de résistance comme les nôtres. »

Mais l’organigramme qui a fuité va plus loin. Cortis.fr s’interroge ainsi sur la présence de « la partie Test dans B5 » alors que « la JV ne serait là que pour gérer les contrats des centres de service. » Alors même que l’organigramme semble indiquer la direction d’une « usine de test » par un cadre d’IBM en Inde.

La production est également concernée – et Cortis de souligner que « IBM s’est octroyé 100 % des Centres de Service de Production » dans le cadre du contrat. Avec un front office IBM dans la co-entreprise, suivi d’un back office en Inde. Le tout intégrant le pilotage des serveurs, le support et l’intégration des applications (20 équivalents temps plein – Etp), l’exploitation du courrier électronique et de l’annuaire (8 Etp), le service desk (90 Etp), et le support et l’administration des systèmes et des middleware (70 Etp). IBM « prestataire » rapportant là directement au Chief Transformation Officer du domaine de la production. Lequel doit aussi avoir, sous sa houlette, une équipe dédiée à la « transition & transformation. »

Datacenter commun avec la Société Générale ?

Dans une réponse écrite à un député (voir encadré), Dominique Bussereau, secrétaire d’Etat chargé des transports, précise que le transfert de la SNCF à IBM doit concerner « 75 prestations informatiques à ce jour sous-traitées par la SNCF » – un point dont Emmanuel Vinuales attend confirmation et détail de la part de sa direction.

En attendant, les rumeurs vont bon train dans les couleurs des services informatiques de la SNCF. Une, en particulier, retient les attentions : celle d’une consolidation de la production informatique de la SNCF dans le datacenter qu’IBM vient d’ouvrir à Séclin, dans la banlieue de Lille, et qui doit notamment héberger la production informatique de la Société Générale.

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