IA & RH : L'Oréal lance un chatbot recruteur, parce que les candidats le valent bien

Et surtout parce qu'ils sont aussi des clients dont le nombre de candidatures sans réponse pouvait altérer l'image de marque de ce géant français du cosmétique. Pour ce projet, L'Oréal a choisi une startup qui développe sa propre Intelligence Artificielle.

L'Oréal vient de déployer des chatbots recruteurs pour améliorer l'expérience des candidats. Mais avant que ce projet d'IA (Intelligence Artificielle) dans les RH (Ressources Humaines) n'ait lieu, Niilesh Bhoite, directeur numérique du département RH mondial de L'Oréal, a dû prouver l'intérêt d'un tel bot. Il y est arrivé en faisant une analyse de rentabilité originale. Il a également dû répondre aux préoccupations des recruteurs internes qui craignaient qu'une armée de chatbots ne tuent leurs emploi. Niilesh Bhoite s'est donc attaqué, avec succès, à ces deux défis.

L'Oréal reçoit environ 2 millions de candidatures par an et n'embauche « que » 5.000 personnes par an. L'entreprise savait par ailleurs, grâce aux médias sociaux, que certains candidats se plaignaient de n'avoir jamais eu de réponses après avoir postulé.

Estimant que bon nombre de ces candidats devaient aussi être des clients, elle s'est fixée comme objectif d'améliorer l'expérience des candidats et de rendre ses 145 recruteurs plus efficaces.

Des candidats clients

« Nous nous doutions que nos candidats étaient aussi nos acheteurs, mais nous ne savions pas exactement dans quelles proportions », explique Niilesh Bhoite lors du HR Tech Conference & Expo 2018, « nous avons donc décider d'aller plus loin qu'une simple conviction ».

Niilesh Bhoite a alors comparé les adresses mails des candidats au Royaume-Uni avec sa base de données client (CRM). Résultat : 17 % des candidats étaient déjà enregistrés comme clients des différentes marques du groupe.

Mais ce n'est pas tout. Niilesh Bhoite a ensuite relié cette base CRM à la base de données des ventes. Il a découvert que le groupe des candidats britanniques était à l'origine de plus de 2,6 millions de dollars de chiffre d'affaires annuel - rien qu'au Royaume-Uni.

Fort de ce chiffre, Niilesh Bhoite a commencé à démontrer en interne l'intérêt de faire un bot RH pour éviter que certaines lacunes du recrutement ne porte atteinte à l'image de la marque.

Mieux, se lancer dans l'IA pouvait même être positif pour cette image en montrant que L'Oréal était aussi « innovant » dans l'IT.

Les deux cumulés ont fait germer l'idée d'un outil de filtrage et de tri, mais aussi de redirection. Par exemple un candidat qui postule à un poste spécifique, mais qui ne correspond pas au profil recherché, peut se voir proposer d'autres postes par le système pour lesquels il pourrait mieux convenir.

En ce qui concerne les peurs internes, Niilesh Bhoite a été très clair avec ses équipes.

« Le chatbot est conçu pour aider les recruteurs dans leurs tâches, pas pour les remplacer », assure-t-il. « Nous sommes intimement persuadés que les recruteurs sont au cœur du processus et qu'il le seront toujours ».

L'IA de Mya

L'Oréal a fait le choix d'utiliser la technologie de Mya Systems, une société basée à San Francisco qui a développé sa propre IA.

Alors que beaucoup de fournisseurs d'IA s'appuient en fait sur des plates-formes de chatbot développées par des tiers (Google, IBM, Microsoft ou d'autres), Mya a décidé au contraire de tourner le dos à cette option de sous-traitance et de construire ses propres outils de chatbot, confirme Eyal Grayevsky, co-fondateur et CEO de la société. Celui-ci ajoute que, dès le départ, son IA conversationnelle a été conçue spécialement pour le recrutement et qu'elle n'est donc pas la déclinaison d'un outil à visée généraliste.

Niilesh Bhoite justifie la décision de L'Oréal de faire appel à une société plus petite « parce que les entreprises de cette taille sont beaucoup plus flexibles et ouvertes à nos demandes sur la manière dont nous voulons que la solution soit conçue ».

Le chatbot de Mya répond aux questions des personnes qui postulent à un emploi, et la transcription de l'échange est versée dans le système de suivi des candidats. Mya évalue également le dossier de candidature en fonction des exigences et des expériences, comme la capacité à travailler dans un pays donné, puis tague le dossier du candidat.

Ce tagging et cette vérification initiale par le bot permettent aux recruteurs de gagner du temps et les aident à se concentrer sur les candidats qui sont plus susceptibles de répondre aux exigences du poste.

« Cette validation par Mya améliore l'efficacité des recruteurs dans le traitement des candidatures en leur donnant une meilleure liste de personnes qui sont les plus susceptibles de convenir à un emploi donné », vante ainsi Niilesh Bhoite.

Pour l'instant, les chatbots recruteurs de L'Oréal ne parlent qu'anglais, mais ils sont en train d'apprendre d'autres langues. Leurs cousins francophones sont déjà en cours de déploiement. L'allemand et l'espagnol sont les prochaines langues sur la liste. Le mandarin est prévu en début d'année prochaine.

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