« On voit une accélération du paradigme SaaS, surtout chez les PME » (André Brunetière, Cegid)

Le cloud progresse dans les applications métiers, mais avec des nuances significatives. Le « Chief Product » et « R&D Officer » de Cegid revient sur l’année 2020 de l’éditeur et sur l’évolution du marché français. Il aborde également l’intégration de Meta4 et le partenariat avec Acumatica.

Comme toutes les entreprises, Cegid a connu une année 2020 étrange, mais finalement plutôt « positive compte tenu du contexte », explique André Brunetière. L’ancien élève de polytechnique, aujourd’hui « Chief Product » et « R&D Officer » de l’éditeur français, s’est entretenu avec LeMagIT sur les tendances du marché local de l’ERP (ERP cloud, pas ERP cloud ?), des évolutions des produits de Cegid (dont l’IA) et des perspectives possibles en 2021 (ouvertures et partenariat).

Dans la première partie de cet échange, André Brunetière aborde l’avènement progressif du SaaS, la question de l’appétence pour les outils « souverains », l’intégration de Meta4 à la gamme de Cegid et le partenariat avec Acumatica (alias Cegid XRP Flex).

Dans la seconde partie de cet entretien, le « Chief Product » et « R&D Officer » de Cegid revient sur les évolutions récentes de la gamme de l’éditeur français. Et dans la troisième partie, André Brunetière dévoilera les promesses et les perspectives de Cegid pour 2021.

LeMagIT : Peut-on faire un bilan de Cegid sur le mid-market et les grands comptes en 2020 ?

André Brunetière : 2020 a été une année pleine d’imprévus, avec en interne une nouvelle façon de s’organiser et de travailler, compte tenu des contraintes de distanciation, et une nouvelle façon de travailler à distance avec nos clients et nos prospects (prestations de mise en place, actes de vente, etc.).

L’impact sur notre activité a été contrasté, à la fois suivant les marchés et dans le temps.

Dans le Retail, le premier confinement a eu un impact fort avec la fermeture des magasins. En revanche, on a senti sur la fin de l’année un net rebond, notamment lié au fait que nos solutions pour l’« omnichanneling » – toutes les méthodes qui font que les actes d’achat, de réception et même d’essayage peuvent être déconnectés les uns des autres (et dont le click and collect est un sous-ensemble) – ont été plébiscitées par les clients. C’est même devenu un facteur différenciant dans les appels d’offres auprès de cette clientèle.

On a aussi connu une grosse accélération cette année du paradigme SaaS par rapport au paradigme on premise. Cela s’est surtout vu dans le segment PME. Dans le segment mid-market, les DSI avaient déjà prévu, même en mode hébergé dans l’entreprise, des modes d’accès à distance pour leurs salariés. Dans les PME, ce n’était pas aussi évident et ils sont passés au SaaS.

Sur un autre segment (TPE/petites PME), on a aussi vu une accélération de la digitalisation « par transitivité ». Les experts-comptables ont digitalisé leurs clients en profitant de cette période. Le mécanisme de la transmission papier a beaucoup évolué.

L’année 2020 a été aussi structurante pour nous dans l’intégration de Meta4, acquisition faite en 2019 et qui est une grande réussite aujourd’hui. On a réussi à construire un effet de gamme en France entre les produits Cegid et les produits Meta4. Et puis en Espagne et en Amérique latine – qui étaient quand même des découvertes pour nous –, on a réussi à créer une dynamique de croissance malgré le contexte.

Les spécifiques, le vrai frein du cloud dans l’ERP

LeMagIT : Aujourd’hui, quelle est la part du SaaS dans cette partie ETI mid-market par rapport à la part du site ?

André Brunetière : Le SaaS tend à l’exclusivité dans le domaine de la gestion des taxes (liasse fiscale, intégration fiscale, etc.) et dans le domaine de la paie. Le virage a été pris et les entreprises n’envisagent pas d’autre option que le SaaS.

« Il y a un niveau de customisation par client qui fait que l’économie d’échelle du SaaS est plus complexe [dans l'ERP]. »
André Brunetière, Cegid

Le mouvement n’est pas encore aussi radical sur le domaine de l’ERP. Un certain nombre d’entreprises restent attachées à l’idée d’avoir l’application chez eux. Mais au-delà de ça, il y a un niveau de customisation par client qui fait que l’économie d’échelle du SaaS (mutualisation, etc.) est beaucoup plus complexe. Elle se fait forcément au détriment de toutes ces customisations fines et donc cela intéresse moins de clients.

LeMagIT : On n’arrive pas à refaire les spécifiques sur site, avec une couche PaaS ?

André Brunetière : Pour arriver à les refaire, cela ressemble plus à de l’hébergement. C’est comme si on avait pris chez nous les serveurs du client. Donc, ce n’est plus du SaaS.

Chez beaucoup de clients, il ne s’agit pas que des spécifiques faits lors de la période d’implémentation. C’est aussi la sédimentation des spécifiques pendant les dizaines d’années d’utilisation – faits soit par eux, soit par des intégrateurs, soit par nous. Mais on n’en a pas toute la maîtrise technique. C’est un frein pour le cloud.

Par exemple, pour Cegid XRP Ultimate – notre ERP pour le haut du marché (ex-Qualiac) –, aujourd’hui on a vraiment que très occasionnellement une demande en SaaS. Les clients disent « j’en fais mon affaire, j’ai mon partenaire habituel où j’ai tous mes serveurs ».

Dualité sur le cloud souverain

LeMagIT : Il y a un débat actuellement autour de la souveraineté. D’un côté le Cigref appelle à aller vers des choses plus souveraines, et à remettre la main sur les données. L’USF est aussi sur cette ligne. Mais de l’autre, un SAP nous dit « oui, d’accord, mais les clients au bout du compte veulent tous aller chez Azure et AWS ». Vous ne ciblez pas le CAC 40, mais comment voyez-vous la situation dans les entreprises que vous ciblez ?

André Brunetière : Tout d’abord, sachez que nous équipons 39 des entreprises du CAC 40 avec notre solution d’intégration fiscale. Maintenant, dans le domaine de l’ERP, où notre cible est effectivement plus mid-market, nous analysons la situation exactement de cette manière. Les associations professionnelles (Syntec Numérique, Tech in France, etc.) disent qu’il y en a assez [des GAFAM]. Et les éditeurs qui sont déjà sur le SaaS disent « oui, mais nous, on est là et c’est ce que les clients veulent ». On voit très bien cette dualité.

Ensuite, dans les interactions avec nos clients, on nous dit « choisissez le fournisseur cloud que vous voulez : vous gardez dans tous les cas la responsabilité de la protection de mes données. C’est à vous de prendre toutes les dispositions. C’est votre problème. Contractuellement, vous [Cegid] assumez ».

LeMagIT : En résumé, comme il n’y a pas véritablement de demande de vos gros clients vous n’envisagez pas, à terme, d’avoir un troisième fournisseur en plus d’Azure et d’IBM comme OVH, par exemple ?

André Brunetière : Pour l’instant, il n’y a rien en cours. Mais c’est toujours possible.

« Les entreprises restent attachées à un ERP qui s’adapte à leurs process. »
André BrunetièreCegid

LeMagIT : Pour en revenir à la ventilation « sur site » vs SaaS, il y a vraiment deux tendances très distinctes donc ?

André Brunetière : Trois même. Sur la paie, l’acquisition de nouveaux clients est exclusivement SaaS. Sur le haut du marché de l’ERP, c’est encore essentiellement on premise. Sur le mid-market, avec notre nouvelle offre Cegid XRP Flex (Acumatica) qui est par construction cloud, on ne rencontre pas d’objection par rapport à ça.

Mais comme je vous disais, la différence vient plus de cette notion de customisation que d’une volonté dogmatique des grands comptes de ne pas mettre leurs données dans le cloud. La preuve, quand il s’agit de paie ou de fiscalité, ils le font. C’est juste que les entreprises restent attachées à un ERP qui s’adapte à leurs process. Alors que quand on fait de la paie ou du fiscal, les process sont définis par l’administration, il n’y a pas cette exigence-là.

Une année qui reste positive pour Cegid

LeMagIT : Si on fait le bilan de votre année 2020, elle reste positive ?

André Brunetière : Oui, elle est positive, compte tenu du contexte. Et puis, c’est aussi une belle année du point de vue de la croissance externe (Koalaboox en décembre et Cedricom que nous venons d’annoncer en janvier 2021). On a décidé d’enrichir nos offres avec de nouveaux services à caractère financier tels qu’ils sont créés dans les Fintechs, cela nous semble important pour répondre mieux aux attentes du marché.

LeMagIT : Au niveau produit, comment s’articule techniquement votre partenariat avec Acumatica ?

André Brunetière : C’est un partenariat où Acumatica construit une base et un système intelligent, pour que ce qu’on met au-dessus puisse rester compatible avec les évolutions de cette base. Cegid n’est pas qu’un revendeur. On garde une vraie posture d’éditeur pour ajouter ce qui nous semble pertinent : des réglementations locales, évidemment, mais aussi des fonctionnalités qui ne sont pas dans le produit et qu’on trouve fréquemment en France.

LeMagIT : Le fait qu’Acumatica se soit fait racheter par un fonds qui possède aussi IFS ne pose pas de problème pour votre accord ?

André Brunetière : Non, Acumatica a cette politique dans de nombreux pays (en Australie, en Autriche, en Allemagne, au Canada). Et on n’est pas vraiment concurrent d’IFS. IFS est quand même très finance. Alors que Qualiac a un spectre complet d’ERP.

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