Oracle / Sun : de la tristesse, des doutes et du soulagement. Revue de presse.

C’est certainement l’un des événements de l’année – avec L’arrivée au galop de Cisco dans l’univers des serveurs le mois dernier – et le monde de l’information IT en fait ses orges chaudes : le rachat surprise de Sun par Oracle fait bouillir les rédactions. Revue de presse qui navigue entre surprise, nostalgie, questionnement, ironie… et soulagement de voir un fleuron de la Silicon Valley échapper aux griffes de la vieille économie « côte est » à la sauce IBM.

Même si certains rappellent que la rumeur faisait depuis plusieurs mois d’Oracle un possible repreneur, nombre d’analystes pariaient plutôt sur IBM, en dépit du jeu dangereux auquel Big blue s’adonnait pour faire baisser le prix. Si Armonk jouait la montre, il est certainement groggy ce matin et rejoindra la cohorte des sociétés qui se sont fait possédées par Oracle dans la vague de concentration qui s’est emparée du secteur depuis l’orée des années 2000. Le deal semble donc bouclé… reste une tonne de questions. Pour nos confrères de Computerworld, la fusion est avant tout affaire d’affinités technologiques. Ellison n’a pas mis sur la table une somme beaucoup plus importante que celle proposée par IBM il y a tout juste quelques semaines. Mais il a visiblement su jouer du violon et promet d’être plus à même de respecter la culture de Sun. De fait, rappelle Computerworld, le discours a porté dès le départ sur Java et Solaris, des technologies Sun depuis longtemps clés pour Oracle qui a su les optimiser pour en faire un pilier de son offre de base de données.

Un mariage entre amis en fait… que dénie The Register. Pour Gavin Clarke, le correspondant californien du site au vautour, ce rachat c’est d’abord la fin d’un rêve : celui d’un grand acteur du secteur – Sun – qui a su depuis cinq ans et sous l’égide de Jonathan Schwartz créer une plate-forme indépendante et des systèmes ouverts. De grandes idées que le groupe n’a pas su porter lui-même dans les SI et donc les monétiser pour demeurer indépendant. Et Gavin Clarke de remercier pour cette œuvre… l’inertie et la bureaucratie du groupe de Santa Clara. Une approche pessimiste donc, qui finalement ne trouverait pas d’écho dans la communauté des éditeurs open source, concernée au premier chef par l’arrivée fracassante d’Oracle dans le jeu. Selon Internetnews, qui en a interrogé quelques uns, ils sont plutôt optimistes.

Du côté des développeurs Java, la fondation Eclipse semble même aux anges : Sun est à son origine et Oracle et l’un de ses principaux contributeurs / animateurs. L’occasion rêvée d’améliorer la gouvernance du Java Community Process (JCP) qui permet l’évolution du monde Java. Reste que tous s’accordent sur le probable arrêt de Glassfish, le middleware open source de Sun qui ne supportera pas, au sein du futur portefeuille Oracle, la concurrence avec Fusion et BEA Weblogic, mieux intégrés aux produits Oracle et – pour le second – beaucoup plus installé dans les entreprises.

Autre effet du rapprochement, selon cette fois Searchsecurity, le service spécialisé de TechTarget : la naissance du numéro un mondial de la gestion d’identité. A eux deux, Oracle et Sun détiendront plus de 25% du marché, dépassant leurs principaux concurrents. Pour une offre pas tout à fait globale puisqu'aucun des deux n’a une brique solide dans l’authentification. Prochain rachat d’un acteur de niche à prévoir ?

Autre analyse à la fois prospective et historique avec Gartner qui, sur son blog, – en attendant la publication d’une kyrielle de notes pour les utilisateurs – s’amuse du retour d’un mort-vivant. Selon Daryl Plummer, Oracle-Sun, c’est avant tout une tentative de résurrection du « network computing ». Une « pré-version » du cloud computing, proposant une approche holistique de l’informatique. Un éclairage qui permet de mieux comprendre les saillies régulières de Larry Ellison contre le cloud, jugé finalement peu innovant par le patron d’Oracle…

Infoworld de son côté pose la question à beaucoup de milliards d’euros. Oracle, historiquement éditeur de base de données, saura-t-il optimiser l’activité serveurs de Sun ? Elle est en grande perte de vitesse et – positionnée sur le haut de gamme – subit la crise et l’arrêt des investissements des entreprises de plein fouet. Mais c’est également le principal apporteur de revenu de Sun… et la culture historique du groupe qui – en dépit d’innovation majeure dans le logiciel – a du mal à ne pas se voir en éditeur.

Pour BusinessWeek, la question est réglée : l’avenir est à la méga-concentration et à la constitution de groupes très diversifiés et généralistes. IBM a montré la voie au début des années 2000 en quittant le marché du PC certes mais en demeurant sur le segment serveurs et surtout en devenant peu à peu la principale SSII mondiale. Une vérité après laquelle HP a longtemps couru avant d’aboutir, en mai dernier, avec le rachat d’EDS qui consacre le constructeur – qui avait déjà racheté Compaq pour prendre le leadership côté PC – dans les services. Plus récemment, Cisco, géant du web et des équipements réseaux à sauté le pas en annonçant l’arrivée d’une gamme serveur sensée révolutionner ce segment… Une arrivée qui a sans doute précipité la vente de Sun.

Enfin, pour conclure ce tour d’horizon, la parole revient à Timothy Prickett Morgan, la plume de The Register pour qui le monde des serveurs n’a aucun secret et qui, dans un style difficilement imitable, exprime son soulagement en VO : « It was painful to contemplate the crashing of the East coast IT giant with the upstart West coast former giant (at least in terms of influence and market capitalization a decade ago). Sun and IBM mixed like oil and water. Oracle and Sun, the two original Silicon Valley IT startups (and no, Hewlett-Packard, oscilloscopes don't count as IT) and the two darlings of the dot-com boom, will mix something more like vinegar and oil - you can whip it up into a colloid, at least. »

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