Entretien avec Emmanuel Serrurier, DG Informatica France

Nouveau logo, nouvelle baseline et nouveau positionnement... Informatica ré-aligne ses activités pour s’étendre au-delà de l’intégration de données, son secteur historique. A la clé, la volonté de mettre l’accent sur une des caractéristiques de la société, la simplification face à la donnée. Pour concrétiser cette idée, la société de Sohaib Abbasi présente son concept de Virtual Data Machine, Vibe, un socle unifié qui permet de porter nativement les fonctions de traitement de données d’une plate-forme à l’autre, d’un environnement à l’autre, sans autre modification. Un «Java de la donnée», comme le décrit Emmanuel Serrurier, directeur général d’Informatica en France. Le groupe en dévoilera les grandes lignes lors d’Informatica Day, le 10 octobre prochain. LeMagIT.fr publie ici la première partie de l’entretien.

«Avec Vibe, on règle la question de l’évolution du SI»

 

LeMagIT.fr : Pour fêter ses 20 ans d’existence, Informatica revisite son identité et son positionnement. Pouvez-nous expliquer quel a été le déclencheur ?

Emmanuel Serrurier : La plupart des CIO voit en Informatica une plate-forme plus facile d’accès que celles des principaux acteurs du secteur. Comme le dit le CEO d'Informatica, Sohaib Abbasi, d’après de nombreuses discussions avec de grands CIO dans le monde : quand on regarde les principaux fournisseurs de logiciels dans le monde, comme IBM ou Oracle, ils fournissent une solution spécifique à une plate-forme. Chez Informatica, c’est l’inverse : la société fournit des fonctionnalités sans poser la question de la plate-forme, que ce soit Windows, Linux, Mainframe, dans le Cloud ou pas, Hadoop... il s'agit de la même solution. Du coup, pour Informatica, cela représente un formidable avantage qui, pourtant, n'a jamais été mis en avant. Il a donc été décidé de redéfinir l’identité d’Informatica autour de ce principe, avec comme idée principale, de permettre aux entreprises de mettre leur potentiel en oeuvre, d'où la nouvelle baseline "Put Potentiel to work". Est ainsi né le concept de Vibe.

Je vais prendre un exemple : vous êtes une grande entreprise internationale. Votre informatique était essentiellement sur mainframe, puis vous avez assisté à l'arrivée des systèmes ouverts, puis Unix et Linux, puis le Cloud et la prolifération des données avec les réseaux sociaux.

C’est dans cet environnement hétérogène que Vibe s’inscrit. Depuis les premières solutions du groupe, Informatica a séparé la partie mapping au sens logique métier du terme, de la couche technologique d’exécution. Aujourd'hui, avec Vibe, on a extrait cette partie technologique, le VDM (Virtual Data Machine). A partir du moment où vous devez extraire des données, traiter la qualité des données dans un temps record, dans le cloud ou pas, cette VDM va pouvoir être utilisée comme une technologie embarquable, n'importe où, indépendamment de la logique métier. Elle va s'appuyer sur un SDK  qui permet de ne développer qu'un seul module qui pourra être déployé partout. Le code est généré lors de l'exécution, le rendant plus portable.

 

LeMagIT.fr : Avec Vibe, il y a donc une idée forte d'embarquer Informatica.

E.S : Nous pouvons très bien imaginer, comme évoqué lors d'Informatica World, nouer des partenariats pour placer cette VDM en OEM. Vous êtes un fournisseur d'équipements médicaux. Vous devez faire remonter des données médicales. Le moteur peut être intégré directement dans l'équipement médical, par exemple. Même chose pour le mobile. Vibe est un peu le Java de la donnée. On va pouvoir déployer de l'Informatica beaucoup plus massivement.

En embarquant Vibe, les sociétés n'ont pas à se préoccuper de la partie data à chaque fois qu'elles développent une application. Imaginons que vous soyez un équipementier télécoms, vous êtes confrontés à un incident sur votre réseau, et vous devez alors remonter des logs de données pour comprendre la panne. Vibe peut prendre en charge cette opération. Ce module s'occupe de tout le cycle des données : extraction, transformation et connexion.

 

LeMagIT.fr : De toute évidence, il s’agit également d’un changement de modèle. Comment allez-vous présenter cela à vos partenaires ?

E.S : Le chiffre d’affaires d'Informatica, qui se faisait exclusivement sur du on-premise, va changer. Le on-premise restera certes, mais viendra s'y greffer le Cloud. Et nous souhaitons étendre de plus en plus nos partenariats. Des partenaires qui souhaiteront embarquer nos propres technologies dans leurs solutions. Et pas uniquement des partenaires informatiques.  Chez Informatica, des équipes ont été mises en place pour s’occuper de ces partenariats.

 

LeMagIT.fr : D'une façon plus concrète, comment sera alors composé le prochain catalogue d'Informatica ?

E.S : Le catalogue a déjà beaucoup changé ces dernières années. Nous avons des solutions fonctionnelles qui s'adressent à plus départements métiers, comme le MDM ou la gestion du cycle de vie de la donnée (ILM). Nous conservons bien sûr toujours PowerCenter, en éditions standard, avancée ou temps réel, dans lesquelles sont notamment intégrées des fonctions de qualité des données. Et puis, on a présenté lors d'Informatica World PowerCenter Express, une version en téléchargement gratuite et bridée [en fonctionnalités et ne supportant qu'un utilisateur, NDLR] pour un certain niveau de fonctionnalités. Elle permet à certains clients ou partenaires de l'utiliser pour le premier jet d'un projet. Cela nous permet de toucher des clients que l'on n’avait pas jusqu’à présent. Les premiers développements peuvent être réalisés, avant d’en entamer d’autres sur des systèmes plus complexes. Mais grâce à Vibe, ils n'auront pas à re-développer. Il leur suffira d'acquérir les droits, d'acheter la version payante pour pouvoir déployer leurs travaux sur PowerCenter Express directement sur leur plate-forme système.

Autre gain également, cette version PowerCenter Express, gratuite, nous rapproche aujourd'hui de Talend [qui met notamment en avant le côté réduction des coûts avec son identité Open Source, NDLR], et c'est le but. Il s'agit de se tourner vers les petites entreprises qui veulent mettre en place un projet. Cela s'installe en 5 minutes et propose des performances supérieures en termes de portabilité et d'évolutivité.

 

LeMagIT.fr : Vibe est ainsi un socle conceptuel qui permet de fluidifier la transition vers une plate-forme cible quelle que soit sa nature, Hadoop compris ?

E.S : Oui. Aujourd'hui aucune société n'est capable de connaître ce que sera son système d'information dans 5 ans. Les technologies évoluent très vites et les clients n'ont pas suffisamment de visibilité. A travers Vibe, Informatica les invite à ne pas se préoccuper de la prochaine évolution de leur SI. On leur garantit que les développements ne seront réalisés qu'une seule fois. Pour favoriser la portabilité. C'est également vrai au niveau des connectivités et pas uniquement au niveau du moteur d'intégration. Dans Vibe, on règle également le problème de l'hétérogénéité des connecteurs de plus importante de nos jours. On a aujourd'hui beaucoup de demandes liées aux réseaux sociaux.

Même chose pour Hadoop : on peut penser qu'Hadoop est très complexe à gérer. Avec Informatica, il n'y a plus besoin de compétences Hadoop. On voit le cluster Hadoop comme une source d'extraction des données vers lequel on peut également les recharger. Et ce avec Vibe.

 

LeMagIT.fr : Ce modèle vous permet de viser un nouveau segment de marché, davantage tourné vers l'entrée de gamme ?

E.S : On peut se positionner sur certains projets d'entrée de gamme, via de petites filiales d'un grand groupe. Cela peut être stratégique pour la suite. La notion de référencement est très importante à ce niveau. En traitant des petits projets plus confidentiels, on veut également éviter de passer beaucoup de temps à discuter avec les directions des achats. Notre projet avec Eurocopter, en tant que filiale d'Airbus, est un bon exemple. A l'origine, nous n'étions pas la solution référencée.

 

LeMagIT.fr : Dans le cadre de cette nouvelle identité, Informatica a également refondu sa baseline ["Put Potential to work"]. S'agit-il d'aller chercher les directions métiers ?

E.S : Cette approche est en effet beaucoup plus B2C, afin de transmettre l'idée que Vibe doit élargir sa portée, et aller plus loin que l'intégration de données.  Aujourd'hui les directions informatiques qui parviennent à suivre le mouvement sont celles qui comprennent les besoins de leurs utilisateurs et des directions métiers. On parle beaucoup de "digital marketing", connaître le comportement du client. Nous souhaitons aujourd'hui viser nos clients historiques, comme les directions informatiques, mais en parallèle, nous parlons de plus en plus aux directions métiers. Dans ses campagnes prospectives, Informatica s'adresse de plus en plus aux directions des ventes, des marques, du marketing et au RH. Elles ont à la fois les projets et les budgets. L'informatique est là comme une société de services en interne qui les aide à implémenter le projet. La demande est également différente, avec une contrainte temps très forte. Et Vibe insiste justement sur ce point.

 

LeMagIT.fr : Ce ré-alignement d'Informatica porte ainsi la société vers d'autres segments de la clientèle. Lors d'Informatica Day en octobre prochain, y aura-t-il une population différente, plus orientée métier ?

E.S : Il suffit de regarder les témoignages de la journée : ce sont essentiellement des témoignages qui ne font pas parti de la direction informatique. Des responsables des activités MDM, d’autres liés à l’assistance maîtrise d'ouvrage, comme pour Kiabi, Nexity ou encore GDF Suez. De moins en moins côté IT. Chez les participants, nous enregistrons une population encore IT, mais nous rencontrons également des personnes du marketing, de la relation client, des RH.

 

LeMagIT.fr : En interne, Informatica a-t-il du ré-aligner ses activités ?

E.S : Chez Informatica, il y a une vraie forme de mobilité. Je peux faire venir très facilement des personnes de la R&D et du marketing depuis les US. Nous nous déplaçons également beaucoup. A cela s'ajoute des équipes de formation interne très organisées avec la possibilité de participer volontairement, ou non, à des formations sur ce nouveau concept. Des outils d'auto-formation en ligne sont également mis à disposition. Chaque salarié a une accréditation à passer, avec un calendrier précis. Il devra atteindre une note suffisante, ou refaire cette formation. Enfin, nos hauts dirigeants communiquent régulièrement, par notre CEO, par les patrons de filiale, etc...Les dirigeants sont fortement sollicités.

 

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