Les Google Apps gagnent du terrain…mais souvent sous forme de compléments

Si les Google Apps montent assurément en puissance dans les entreprises, elles se hissent généralement dans les SI aux côtés d'autres solutions dites Legacy. Davantage comme un complément collaboratif, mais peu comme une solution de remplacement pure et dure d'Office ou de Lotus Notes.

Elles sont bon marché. Elles sont accessibles depuis n'importe quel terminal via un navigateur (sauf en cas de panne). Le gouvernement fédéral américain y a apposé son sceau cet été, malgré la préférence pour Microsoft du ministère de l'Intérieur US. Des grands comptes comme Motorola Mobility ont migré vers les Google Apps, avant même de rejoindre Google. Quelque 61 des 100 universités des Etats-Unis citées dans le dernier index US News and Reports ont basculé sur la solution de Google.

Quelque 4 millions d'entreprises utilisent les applications d'entreprises de Google, contre 3 millions il y a un an. Et le rythme s'accélère : selon le groupe, 5 000 entreprises adopteraient les Google Apps chaque jour. Les équipes de Google sur ce segment prennent du coup de l'ampleur : les effectifs pour la partie Entreprise des Google Apps s'élèvent aujourd'hui à 1000 employés, le double de ce que comptait ce pôle il y a 18 mois, rapporte un porte-parole de Mountain View.

Mais les Google Apps for Business sont-elles prêtes à frapper un grand coup dans les entreprises ? En partie, déclarent les analystes qui suivent de près les tentatives de conquête du marché professionnel par Google. Pour les entreprises, des PME aux grands comptes, qui ont fait le grand saut, ces applications sont plutôt considérées comme un complément que comme un remplacement des applications Microsoft Office. Typiquement, elles sont déployées auprès de petits groupes internes plutôt qu'à l'échelle de l'entreprise. Toutefois, Google est parvenu à se glisser aux côtés de Microsoft et d'IBM, lorsque les entreprises cherchent à mettre à jour leurs plates-formes de messagerie et de collaboration, nuancent ces mêmes analystes. Contrairement à ce qu'on pouvait constater il y a plusieurs années, l'intérêt des entreprises pour les Google Apps dépasse désormais Gmail.

"Personne ne considère Google comme une solution email de rechange, en replacement d'une solution de messagerie qui ne donne plus satisfaction", affirme Ted Schadlern analyste principal chez Forrester Research et co-auteur de "Empowered: Unleash Your Employees, Energize Your Customers, and Transform Your Business". "Les entreprises considèrent toutes Google comme une étape importante dans la transition vers une plate-forme Saas. Un modèle, qui modifie considérablement la façon de servir les employés, avec certains avantages, et qui modifie aussi la façon dont ils travaillent. Ce n'est jamais une décision prise à la légère."

S'il existe de nombreuses raisons d'intégrer Google ou tout autre plate-forme de collaboration dans un processus de décision, la mobilité grandissante des salariés et la nécessité d'avoir un SI réactif aux changements d'activités sont deux facteurs clés ", explique Schadler. Le SI embarque souvent d'anciennes versions d'outils de messagerie et de collaboration Microsoft ou Lotus, que les responsables IT essaient de mettre à jour. "La plupart du temps, Google n'est pas retenu en première intention, mais il le devient, une fois les bonnes questions posées", poursuit-il. Les DSI - ou même les CEO et les comitsé de direction - font pression, bien plus que les responsables IT, rapporte Forrester. Et, oui, le coût est bien ce qui retient l'attention, mais une fois qu'il est admis que l'application Saas fonctionne.

C'est plus ou moins ainsi que les choses se sont déroulées pour Lincoln Property Co, affirme son DSI Jay Kenney, qui a troqué en 2010 son système de messagerie Novell GroupWise pour les Google Apps (pour équiper ses quelque 4 000 employés). La migration vers une plate-forme Saas était alignée sur sa stratégie IT qui devait privilégier l'externalisation des applications et de l'infrastructure. Toutefois, Google ne partait pas favori. "Les Google Apps sont apparues pour une étude de cas. la question était surtout de savoir s'il fallait garder Exchange en interne ou l'externaliser", ajoute-t-il. Et l'étude de cas s'est avérée convaincante : "les coûts étaient inférieurs à toutes les autres solutions." La gestion du changement, qui a permis aux utilisateurs d'être à l'aise avec le nouveau système, a toutefois été une étape difficile."

Qui n'a pas besoin des Google Apps

Les DSI ne peuvent pas se permettre de passer à côté de l'option Google, déclare Whit Andrews, analyste chez Gartner et spécialiste Google. "Les Google Apps continuent de gagner du terrain dans les entreprises, car il s'agit d'une solution suffisamment performante pour l'email et les documents dans la plupart des cas", commente-t-il.

Le "suffisamment performante" a ici son importance. Car les applications Google font moins sens auprès d'employés qui ont besoin d'accéder à de nombreuses solutions "legacy", conçues à partir de Microsoft Office. De plus, "elles ne conviennent pas aux entreprises qui disposent de processus métiers critiques gérés par un BPM, d'applications reposant sur Office ou encore de lourds développements sur Sharepoint", souligne Andrews.

A celles-là s'ajoutent celles dont la géolocalisation des données est une nécessité, celles sans expérience en matière d'infrastructures Cloud, et enfin celles sans réseau et bande passante suffisamment fiables", ajoute Schadler (Forrester).

"Cette notion "on efface tout et on remplace", qui consiste à entamer une migration massive, n'existe pas", s'accordent à dire les analystes. "Les Google Apps sont bien plus souvent utilisées comme un complément que comme un remplaçant [des solutions existantes]", affirme Andrews. D'ailleurs, de tels changements radicaux sont assez rares dans le monde de l'IT.

La migration vers les Google Apps s'apparente à une stratégie de réduction des coûts pour nombre d'entreprises, confirme Jason Lee de chez MavenWave Partners - et partenaire Google - , qui conseille les entreprises dans leur migration vers le Cloud. Mais comme Schadler, il soutient que la première décision à prendre pour les entreprises est de savoir si elles souhaitent supporter une solution on-premise ou s'en écarter.

Ce qui fut le cas pour Journal Communications, une entreprise de média, cliente de MavenWave. Le groupe, dont l'infrastructure comprenait 17 implémentations différentes d'Exchange, devait renouveler ses accords entreprises avec Microsoft. Un nouveau DSI Michael O'Brien a alors été recruté pour "conduire le changement", raconte Lee.

Ancien DSI d'une start-up, O'Brien était convaincu des bienfaits du Cloud Computing. Son objectif était  de placer un maximum d'applications de Journal Communications dans le Cloud. Ainsi, et malgré le contrat avec Microsoft, il a mené son offensive vers les Google Apps. Jusqu'en 2012, date à laquelle les 27 000 employés auront migré vers les Google Apps, l'entreprise reste ancrée à des centaines de serveurs intégrant Exchange et Sharepoint, mais ils doivent disparaître", confie O'Brien sur son blog. "Nous avons conscience qu'il s'agit là d'un important changement, mais les personnes, très sceptiques à l'origine, ont désormais adhéré au projet."

Jason Lee est quant à lui convaincu que décider d'adopter les solutions de Google n'est pas la partie la plus difficile pour les entreprises ayant déjà un penchant pour le Cloud. "Cela ne devrait  pas nécessiter de longs palabres avec les DSI pour leur faire réaliser que les technologies collaboratives ne sont probablement pas les meilleures briques sur lesquelles investir en interne."

L'enjeu est bien de gérer ce changement radical, auquel O'Brein et Kenney font allusion, et de trouver les arguments adéquates en faveur des Google Apps. Jason Lee livre quelques étapes clés d'un déploiement sur son blog.

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