Tests logiciels : le testing passe un cap en France

La filière du test logiciel en France a franchi un cap, ont révélé les résultats du premier observatoire des pratiques en la matière, réalisé par le Comité français du test logiciel. Professionnalisation des testeurs, création d’une communauté, structuration, prise de conscience des entreprises quant à la qualité de leurs services…le testing se structure de plus en plus en France.

Après avoir été longtemps la 5ème roue du carrosse des procédures de développement, la filière des tests logiciels en France a franchi une étape : celle de la reconnaissance. C’est un des constats que nous aurions pu réaliser au regard des résultats du premier observatoire des pratiques du test logiciel en France. Une cartographie de l’état des métiers et de la pénétration du test dans l’Hexagone qui était dévoilé à l’occasion de la 5ème édition de la journée française des tests logiciels, qui se tenait hier, mardi 26 mars, à Paris. 

Une édition emprunte d’optimisme : avec plus de 550 participants, en forte hausse par rapport à l’année dernière, cet événement semblait ainsi illustrer le dynamisme affirmé - voire surprenant - du marché des tests logiciels en France. Alors qu’en 2012, le seul secteur des logiciels et services subissait les affres de la crise, accusant une baisse des dépenses de presque 2 % (-1,7 % selon les chiffres de Pierre Audoin Consultants), les dépenses en tests ont bondi de 6 %. En 2012, explique Arnold Aumasson, vice-président chez PAC, spécialisé dans le testing, les dépenses sur ce créneau ont ainsi atteint 3,3 milliards d’euros en France. Encore une goutte d’eau dans l'océan des dépenses en logiciels et services. 

« Dans un contexte de restriction budgétaire tendu, le testing résiste bien », commente l’analyste, rappelant toutefois que cette pénétration du segment du test reste encore hétérogène en fonction des secteurs. En France, le secteur public et les telcos sont ainsi les plus consommateurs. Comptant pour 7,5 % des dépenses en services et logiciels (au dessus de la moyenne européenne de 6,2 %), le test hexagonal « a rattrapé son retard ». Et cette tendance se traduit, logiquement, dans les résultats du premier observatoire des pratiques du testing en France. 

Premier constat, note François Darphin, responsable de l’offre Testing chez GFI Informatique présent à la conférence, le taux de réponse est élevé pour une première consultation. Sur les quelque 35 000 professionnels du test en France (dont 2 500 certifiés), 520 testeurs se sont en effet prêtés à l’exercice. De quoi désormais parler de la communauté de testeurs professionnels en France, raconte également Bruno Legeard, le directeur technique du spécialiste du test fonctionnel Smartesting qui a participé au groupe de travail dédié à cet observatoire. « Il s’agit ici de la naissance d’une vraie communauté de professionnels, avec une identité, dans laquelle les rôles se sont clarifiés. » La porte de la professionnalisation s’est ainsi ouverte. Largement. 

Ainsi selon les premiers résultats de l’observatoire, le test logiciel est aujourd’hui considéré comme une véritable orientation professionnelle. Pour 67 % des personnes interrogées, il s’agit même d’une promotion. Des résultats qui ont surpris Bruno Legeard, tant la rupture avec le passé est grande : « On est passé d’une situation où le test était considéré comme une activité de seconde zone à une activité structurée, faite avec des professionnels et surtout avec des personnes qui se projettent dans cette activité. » 

La qualité : une prise de conscience dans les entreprises 

De cette professionnalisation est également arrivée une prise en compte plus aboutie du testing par les entreprises. Les répondants à cet observatoire sont 93 % à affirmer que des testeurs dédiés sont impliqués dans les projets. Et dans 58 % des cas, ils sont intégrés dans une équipe de test spécifique. 

Autre conclusion mise en avant par ce rapport, l’approche de plus en plus formalisée des métiers du test. Un processus de test documenté est disponible dans 72 % des cas, indique le Comité Français des tests logiciels (CFTL). 80 % des projets sont basés, toujours ou souvent, sur des spécifications formalisées. Enfin 75 % des répondants à cette étude soutiennent qu’un plan de test est, toujours ou souvent, mis en place dans leurs projets. Une voie vers l’industrialisation. 

« On assiste à une grande prise de conscience de la nécessité des tests par les entreprises. Aujourd’hui, pour les entreprises, la qualité de services prédomine sur les services eux-mêmes. La question est davantage de savoir 'Est-ce que je suis optimal dans la façon d’obtenir ma qualité' que 'quelles sont les bonnes pratiques' », commente François Darphin. Le signe « de la maturité ». 

Une vision que rejoint Bruno Legeard, pour qui, globalement « le test est devenu une action prioritaire » pour les entreprises, car il contribue notamment à répondre aux principales priorités des DSI, comme la gestion de la conformité et la maîtrise des risques, l’industrialisation des processus et l’alignement des métiers. Pour lui, cette prise de conscience des entreprises résulte ainsi d’une alchimie bien particulière. « Une combinaison entre une demande qui correspond à la gestion des risques et l’alignement métier, des technologies qui ont évolué, tant en termes d’outillage que de méthodologie, la professionnalisation des testeurs et puis les offreurs qui sont entrés dans une démarche globale. Mais ces derniers ne pouvaient pas le faire sans avoir les ressources humaines professionnalisées et sans s’appuyer sur des processus et des méthodes qui soient industrialisées », explique-t-il. « Un cap a été franchi. » 

Des lacunes dans l’outillage 

Pourtant tout n’est pas si lisse, nous rappelle François Darphin qui attire notre attention sur l’outillage. L’observatoire révèle en effet une « forte disparité » en fonction des activités. Ainsi, si la gestion des tests est outillée dans 86 % des cas, « aucune solution outillée pour l’environnement de test et la gestion des données de test [n’est présente] dans plus de 55 % des cas », indique le rapport. Pour lui, cela illustre une tendance : « on voit que l’outil ne fait pas la solution, preuve qu’il doit y avoir certains freins […] Pour le marché, les outils ne constituent visiblement pas une réponse globale. » 

« Sur les questions liées à la gestion des exigences, la demande est forte mais l’implémentation est faible », note-t-il. Et d'expliquer par exemple que la partie rétroactivité de la chaîne qualité (« utiliser les anomalies pour valider la qualité ») de la chaîne n’est pas encore abordée. « Sur ce point, la demande est encore en avance sur les outils. » 

Autre explication : « en matière d’outillage, l’approche est aujourd’hui une orientation ALM (Application LifeCycle Management) qui a tendance à re-fusionner la verticalité des tests à l’intérieur de chaînes logicielles, qui traitent, du coup, d’un autre sujet. Ces solutions se développent moins dans le test vertical, là où est pourtant la demande. A quelques exceptions près, comme Micro Focus, avec le rachat de Borland », précise-t-il encore. 

Restera enfin un autre rattrapage que la France devra réaliser pour garantir une évolution constante de la filière des tests logiciels : celui de la formation initiale. « Aujourd’hui les écoles d’ingénieurs informatiques sont en retard sur la façon dont sont intégrés les process de test, les méthodes et les outils. Mais je pense que ce rattrapage va s'opérer », soutient Bruno Legeard. Le comité technique du CFTL y travaille notamment, en collaborant avec les écoles et les universités.

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