Les agents d'assurance Allianz France proposent Blockchain Patrimonia à leurs prospects

Comme tous les assureurs, Allianz s'intéresse à la blockchain et la branche française s'est appuyée sur la technologie d'une startup, Monuma, afin de proposer un système d'expertise des biens sécurisé par la blockchain.

Depuis cet été, les agents généraux Allianz France ont un nouveau service à proposer à leurs clients : un système d’expertise des objets de valeur via une simple application mobile. Particularité de cette application d'expertise à distance, celle-ci s’appuie sur une blockchain. Carlos Martins, directeur de programme chez Allianz France explique cette démarche d’innovation : « Notre stratégie est de développer des services qui vont au-delà de la garantie assurantielle afin de faciliter la vie de nos clients. C’est par exemple le cas du service Allianz Carte grise qui permet à nos clients de faire leur demande de carte grise en 15 minutes dans les agences Allianz de nos agents généraux. »

Carlos Martin directeur de programme Allianz FranceCarlos Martin, directeur de programme
Allianz France

L'application Blockchain Patrimonia proposée par Allianz France a été développée par une startup française, Monuma. Cette application permet aux particuliers qui le souhaitent de faire expertiser une œuvre d’art, un meuble ancien, simplement en prenant une photo de l’objet pour que l’expert évalue sa valeur. Une idée jugée intéressante par Allianz France qui a choisi d’aider l’éditeur via son accélérateur et qui propose désormais ce service via son réseau.

Un cas opérationnel de l'utilisation de la blockchain dans un processus

Outre cette simplicité dans la mise en relation entre ses assurés et des experts, Allianz a vu dans Monuma un cas d’usage pragmatique et opérationnel de la blockchain puisque l’application développée par Monuma présente la particularité de stocker les photos des biens de ses utilisateurs sur une blockchain.

« Obtenir une estimation de ses biens mobiliers ou d'une œuvre particulière peut s’avérer compliqué pour un particulier. Les experts ne sont pas forcément très disponibles, cela nécessite de se déplacer. L’estimation de tels biens permet à l’agent général de jouer pleinement son rôle de conseil pour déterminer la prime d'assurance et les garanties adéquates. La proposition de valeur de Monuma nous a intéressés sous cet angle, d'autant plus que l’usage de ce service est conçu pour être simple à utiliser par le client, via son mobile. » Paradoxalement, l'aspect Blockchain n'est entré en ligne de compte qu'en dernier dans ce choix de la solution Monuma. « C'était un plus car elle sécurise la démarche du client et présente l'intérêt pour nous en tant qu'assureur d'être infalsifiable et de nous apporter un système de preuve fiable » résume Carlos Martins.

Emmanuel Moyrand, fondateur de Monuma, est alors présenté à Sylvain Théveniaud, le directeur de l'accélérateur Allianz France, accélérateur qui a finalement intégré la startup au Batch "Winter 2017" des jeunes pousses accélérées par sa structure.

La blockchain apporte un système anonymisé et auditable par tous

Venu du secteur de l'assurance, Emmanuel Moyrand n'est pas un gourou de la blockchain. Il explique ce qui a motivé son choix d'appuyer son application d'expertise sur la blockchain : « L'idée de départ de Monuma était de mettre un expert dans la poche du client : où qu’on soit dans le monde, si on a besoin d’un expert, il suffit d’un clic sur un bouton de l’application pour y avoir accès. Toutes les données qui allaient être échangées devaient être ultra-sécurisées puisqu’il s’agit de bien de valeur patrimoniale et sentimentale. Nous avons utilisé la blockchain de façon à ce que lorsque l’utilisateur prend une photo avec l’application, un sceau de preuve autoporté est inclus dans les pixels de l’image. »

Monuma exploite la technique de la stéganographie (dissimuler un message dans un autre message) afin d'inscrire dans l’image sa géolocalisation, un horodatage et l’information de qui a pris la photo. Cette donnée est figée, non modifiable. L’image est ensuite inscrite dans la blockchain afin de la rendre auditable et vérifiable par tous. Une fois l'insertion du fichier réalisée dans la blockchain, la startup renvoie un certificat d’expertise qui est lui aussi figé et à la disposition du client sur son application. Il s'agit d'un simple pdf que le client peut copier, stocker où il veut, l’imprimer, s’il le souhaite. Emmanuel Moyrand ajoute : « La blockchain permet d’anonymiser totalement le processus. Je ne sais pas qui est le client, je n’ai pas la clé pour accéder aux informations qui sont stockées dans la photo. C’est ce qui permet au client d’avoir confiance dans ce système puisqu’on ne connaît pas son identité réelle. »

L'application permet de générer un certificat blockchain de situation d'un objet afin de certifier dans quel état se trouvait l’objet était, tel jour à telle heure. Le bien est valorisé par l'expert et Monuma délivre un certificat qui peut être utilisé pour revendre l’objet, s’assurer ou transmettre un bien dans une succession. Enfin, l’application permet de faire un calcul de valeur globale de risque. Avec 4 photos de chaque pièce d'un appartement, l'expert va évaluer l'ensemble des biens d'un assuré, ce qui permet à Allianz de calculer la prime d’assurance au plus juste.

Autre atout de la blockchain, Monuma ne conserve absolument aucune image, aucune donnée quant aux biens expertisés via son application : « Nous ne stockons aucune donnée sur nos serveurs. Nous ne recevons les photos qu'afin de les charger sur la blockchain. Celles-ci ne sont pas conservées. C’est un souci de moins sur le plan du RGPD ! »

Monuma a choisi de stocker les données sur la blockchain Bitcoin

Pour le choix de la blockchain qui allait porter son service, plutôt que de se tourner vers les services "Blockchain as a Service" du marché ou mettre en place sa propre infrastructure, Emmanuel Moyrand a privilégié une blockchain publique, choisissant Bitcoin plutôt qu'Ethereum. Le fondateur de Monuma motive ce choix a priori surprenant pour une application professionnelle : « Le choix d’une blockchain publique me permettait de tenir la promesse qu’il n’y aura jamais de retour en arrière possible. Sur une blockchain privée, si vous parvenez à obtenir un consensus suffisant, vous pouvez revenir en arrière sur ce qui a été enregistré or je voulais que cela ne soit pas techniquement possible. Je dois pouvoir affirmer avec certitude que les documents stockés par nos clients sont authentiques. »

Ce choix de la blockchain Bitcoin implique que Monuma doit payer un coût d’inscription pour chaque donnée insérée mais Emmanuel Moyrand affirme que c'est le prix à payer pour bénéficier du sceau infalsifiable apporté par cette blockchain. Pour lui, c'est la seule véritable contrainte du choix de Bitcoin mais il n'est pas structurant d'un point de vue informatique, une migration vers Ethereum par exemple pouvant être réalisée facilement si le responsable la juge pertinente un jour.

Emmanuel Moyrand ne communique pas sur le coût réel de l'utilisation de Bitcoin pour stocker ses images, il indique que ce coût est lié au volume mais il estime qu’il ne sera pas un frein à l'essor de son service : « Actuellement le système est exploité pour les biens de valeur, mais nous espérons pouvoir élargir ses usages avec Allianz pour des offres d’assurance plus globales. » L'application Blockchain Patrimonia compte 1 500 clients à ce jour.

Le pilote Allianz a démarré en avril 2018 auprès du réseau des agents généraux afin de proposer le service à des prospects qui souhaiteraient s'assurer chez Allianz ou avoir une estimation plus précise des biens que nous assurons pour eux. L'application a aussi été déployée auprès d'Allianz Expertise et Conseil, un réseau qui compte 2 000 collaborateurs spécialisés en gestion de patrimoine et protection sociale.

Allianz France reconnaît une courbe d’apprentissage assez lente du fait que les agents du réseau doivent s’approprier la solution avant de la proposer aux clients qui semblent les plus friands de technologies. Néanmoins, l’assureur juge les débuts du pilote comme encourageants : l’assureur est perçu par les clients comme légitime à proposer un service additionnel tel que Blockchain Patrimonia.

« Tous les assureurs cherchent des cas d'usage sur la blockchain et Monuma constitue pour Allianz une application qui fonctionne réellement et qui a pu être présentée au niveau du groupe », commente Carlos Martins. « Un deuxième axe de travail serait d'avoir un service mieux intégré à nos produits d'indemnisation afin de simplifier la tâche à nos clients. A partir du moment où l'on a une estimation, une preuve infalsifiable à l'instant t, on pourrait imaginer intégrer Monuma à nos processus d'indemnisation à l'avenir. »

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