Meta (Facebook) confie PyTorch Ă  la Fondation Linux

En amont de l’Open Source Summit Europe se déroulant à Dublin du 13 au 16 septembre, Meta – la maison mère de Facebook et d’Instagram – a annoncé qu’elle confie PyTorch à la Fondation Linux, l’un des frameworks de deep learning les plus populaires. Cette transition a été fortement encouragée par les fournisseurs de solutions commerciales.

Mark Zuckerberg en personne a dĂ©voilĂ© ce changement le 12 septembre. Plus spĂ©cifiquement, PyTorch aura le droit Ă  sa propre fondation, la PyTorch Foundation. Elle sera dirigĂ©e par le responsable de la LF AI, un programme consacrĂ© Ă  l’intelligence artificielle.

« Le but de la fondation est de soutenir financièrement le projet, de rassembler la communautĂ© et d’assurer le support autour de PyTorch Â», affirme Ibrahim Haddad, directeur de la LF AI et dĂ©sormais directeur de la PyTorch Foundation.

Respecter un principe de neutralité

« C’est une annonce historique Â», poursuit-il. « C’est une Ă©tape majeure pour Pytorch de transiter vers une fondation ouverte et neutre Â».

Selon Mark Zuckerberg, la nouvelle PyTorch Foundation « accueillera un grand nombre des leaders de l’IA qui ont aidĂ© la communautĂ© Ă  atteindre ce niveau de reconnaissance, dont Meta et nos partenaires AMD, Amazon, Google, Microsoft et Nvidia Â». En particulier, des membres de chacune de ces entreprises siĂ©geront au comitĂ© de gouvernance commerciale de PyTorch. D’autres sociĂ©tĂ©s, dont Huggingface, se sont dites ravies de cette dĂ©cision.

 Â« La Fondation s’efforcera d’adhĂ©rer Ă  quatre principes : rester ouverte, maintenir une image de marque neutre, rester Ă©quitable et forger une identitĂ© technique forte. L’une de ses principales prioritĂ©s sera de maintenir une sĂ©paration claire entre la gouvernance commerciale et technique de PyTorch Â», avance Meta dans un communiquĂ© de presse.

Ce dernier point revĂŞt une importance clĂ©. Selon les donnĂ©es diffusĂ©es par Ibrahim Haddad lors de l’Open Source Summit Europe, 61 % des articles de recherche consacrĂ©s Ă  l’IA et au machine learning mentionnent l’usage de PyTorch. Bon nombre de dĂ©partements universitaires sont impliquĂ©s dans le dĂ©veloppement du framework.

Aussi, 18 000 entreprises utiliseraient d’une manière ou d’une autre PyTorch. Au total, l’outil serait utilisĂ© par 154 000 utilisateurs. Selon une Ă©tude menĂ© par Kaggle en 2021, PyTorch est le cinquième framework de deep learning le plus utilisĂ© après Keras, XGBoost, TensorFlow et scikit-learn.

« PyTorch est un produit d’abord, et ensuite un projet open source. Â»
Soumith ChintalaCofondateur de PyTorch, Meta

« PyTorch est un produit d’abord, et ensuite un projet open source Â», affirme Soumith Chintala, cofondateur et un des contributeurs principaux de PyTorch chez Meta lors d’une table ronde. « Il s’agit d’apporter la meilleure expĂ©rience utilisateur possible. […] Ce qui le diffĂ©rencie de beaucoup de projets, c’est que nous nous concentrons beaucoup (trop) sur les retours des utilisateurs. Toutes les parties prenantes sont importantes, tandis que d’autres projets pourraient impliquer davantage les acteurs commerciaux Â».

Une transition accélérée par les fournisseurs

Pourquoi Meta et la Fondation Linux insistent-ils autant sur la notion de neutralitĂ© ? La raison est simple. Les Ă©diteurs et fournisseurs enclins Ă  s’appuyer commercialement sur PyTorch ont accĂ©lĂ©rĂ© cette transition vers une organisation open source.

 Â« PyTorch a profitĂ© d’investissements importants de la part de nombreuses entreprises. Donc, nous crĂ©ons une fondation neutre pour sĂ©curiser leurs actifs et leurs intĂ©rĂŞts Â», Ă©crit Soumith Chintala sur Twitter.

« La fondation PyTorch a Ă©tĂ© spĂ©cifiquement créée pour assurer la gouvernance commerciale du projet Â», prĂ©cise-t-il lors d’une table ronde. « La gouvernance technique est totalement sĂ©parĂ©e et est aux mains des mainteneurs eux-mĂŞmes. Elle est inspirĂ©e de la gouvernance de Linux Â».

 Â« C’est très important, car l’on ne veut pas que les plus gros contributeurs financiers obtiennent davantage de sièges de contributeurs Â», poursuit-il.

« Nous sommes pragmatiques : au cĹ“ur du système, nous utilisons des librairies propriĂ©taires comme celles d’Intel et de Nvidia, parce que c’est ce que les utilisateurs veulent. Â»
Soumith ChintalaCofondateur de PyTorch, Meta

Commercialement, AWS propose le service PyTorch sur AWS. Chez Google Cloud, le framework de deep learning est compatible avec le portfolio Vertex AI, tandis que la suite logicielle Nvidia AI Enterprise le supporte. Microsoft offre elle aussi une version managée de cet outil.

En outre, PyTorch est techniquement dĂ©pendant de ressources matĂ©rielles et logicielles propriĂ©taires. « Nous sommes pragmatiques : au cĹ“ur du système, nous utilisons des librairies propriĂ©taires comme celles d’Intel et de Nvidia, parce que c’est ce que les utilisateurs veulent Â», assure Soumith Chintala.

En 2020, Facebook a mis en place un accord de licence Ă©tabli sur celui d’Apache pour diffĂ©rencier les contributions des particuliers de celles des entreprises. La marque PyTorch appartenait alors Ă  Facebook. MĂŞme si cela paraĂ®t comme une manière de conserver le contrĂ´le sur le projet, pour Soumith Chintala, cela aurait amĂ©liorĂ© l’organisation du projet. « Ces mesures Ă©taient prises en vue de confier le projet Ă  une fondation open source. En fait, c’est ce que nous voulions faire depuis longtemps Â».

La marque PyTorch appartient désormais à la Fondation Linux, comme l’atteste le guide d’utilisation de la marque déposée.

Si ce sont bien les fournisseurs qui ont poussĂ© le passage de relais Ă  une fondation open source, Meta y voit un intĂ©rĂŞt direct. « C’est très important pour Meta que PyTorch grandisse. En interne, PyTorch est utilisĂ© Ă  très large Ă©chelle, pour exĂ©cuter un grand nombre de charges de travail Â», avance Soumith Chintala.

« Quand nous avons demandĂ© aux partenaires principaux ce qui les conduirait Ă  investir davantage dans le projet, ils ont rĂ©pondu qu’ils n’avaient pas l’impression d’avoir leur mot Ă  dire. Nous savions qu’en adoptant une gouvernance rĂ©ellement neutre, ces parties prenantes investiraient plus facilement Â».

Une gouvernance technique plus structurée pour PyTorch

« Nous avons choisi la Fondation Linux, car elle a une grande expĂ©rience de l’organisation de grands projets libres multipartites [...]. Â»
Soumith ChintalaCofondateur de PyTorch, Meta

Toutefois, c’est Meta qui a choisi l’organe d’accueil du projet open source. « Nous avons choisi la Fondation Linux, car elle a une grande expĂ©rience de l’organisation de grands projets libres multipartites, avec un bon Ă©quilibre entre la structure organisationnelle et la recherche de solutions spĂ©cifiques pour ces logiciels Â», affirme Soumith Chintala dans un billet de blog. Ă€ Dublin, le cofondateur du projet mentionne le succès de Kubernetes pour Ă©tayer ce propos.

La gouvernance technique devrait également gagner en efficacité. Les responsables du projet ont longtemps affiché une liste des contributeurs, mais ils n’avaient pas mis en place une hiérarchie particulière.

Depuis le dĂ©but de cette annĂ©e, la nouvelle structure de la gouvernance technique doit permettre de mieux gĂ©rer les prioritĂ©s sur la feuille de route et rĂ©gler plus rapidement les problèmes, selon Soumith Chintala. « Cela ne change pas notre manière de faire, mais cela ajoute une discipline supplĂ©mentaire Â», indique-t-il. Il y a près de deux ans, l’équipe en charge du projet chez Meta s’est rendu compte qu’il Ă©tait « humainement impossible Â» de clĂ´turer toutes les « issues Â» sur GitHub.

La fondation PyTorch aura surtout pour mission de gérer le maintien des licences, de proposer un programme de formations et de certifications, d’organiser des événements, mais aussi assurer la promotion et la diffusion des grandes annonces autour du framework. Une équipe dédiée engagée par la Fondation Linux s’occupera d’accomplir ces tâches. Pour sa part, Meta continuera d’investir dans le projet, principalement en recrutant davantage de développeurs amenés à contribuer au projet.

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