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Web et IA : Perplexity prétend vouloir acquérir Chrome
L’offre de rachat de Chrome par Perplexity – qui anticipe le jugement final du procès antitrust contre Google – a peu de chance d’aboutir. Mais elle prouve l’appétit grandissant des stars de l’IA dans le domaine de la recherche sur le Web.
Perplexity AI a proposé de racheter Google Chrome pour 34,5 milliards de dollars.
Mardi, plusieurs médias, dont le Wall Street Journal, ont rapporté que le spécialiste de la recherche Web propulsée à l’IA avait fait une offre près de deux fois supérieures à sa propre valorisation de 18 milliards de dollars, atteinte après avoir obtenu 100 millions de dollars d’investissements le mois dernier. Perplexity, qui a levé environ 1,5 milliard de dollars depuis son lancement, n’a pas précisé par quels moyens elle comptait financer cette opération. Hormis de préciser que 3 milliards de dollars seraient consacrés aux contributions à Chromium, le projet open source qui propulse le moteur de recherche.
Il y a quatre mois, le cofondateur et PDG de Perplexity, Aravind Srinivas, a révélé sur LinkedIn que l’entreprise avait dépassé les 100 millions de dollars de chiffre d’affaires annualisé.
Cette offre intervient alors que le ministère américain de la Justice fait pression sur Google pour qu’il vende Chrome dans le cadre de la décision selon laquelle le géant de la recherche détient un monopole illégal sur le marché de la recherche sur Internet.
« Ils [les dirigeants de Perplexity] rappellent simplement au monde entier que Google pourrait être contraint de vendre Chrome », lance Nikhil Lai, analyste chez Forrester Research. L’analyste signale toutefois que la proposition est probablement en deçà de la valeur réelle de Chrome. Et de souligner que Perplexity a déjà poussé Google à infuser l’IA générative dans son moteur de recherche à travers AI Overviews et les résumés IA dans bon nombre de pays.
Ce n’est pas non plus la première fois que Perplexity tente d’acheter une entreprise dans le collimateur du gouvernement américain, complète l’analyste. L’éditeur avait fait une offre pour TikTok plutôt cette année.
La recherche propulsée à l’IA n’ébranle pas encore la position de Google
La proposition de Perplexity reflète également l’état actuel du marché de la recherche propulsée à l’IA : Google maintient sa domination malgré le changement progressif de modèle technique et commercial.
« Personne n’a encore vraiment pris de parts de marché à Google », rappelle Mark Beccue, analyste chez Omdia, une division d’Informa TechTarget [également propriétaire du MagIT]. Les données à la disposition de l’analyste lui laissent à penser qu’OpenAI et Perplexity n’ont pas réellement fait mieux que Microsoft avec Edge et Bing.
En rachetant Chrome, Perplexity obtiendrait une part de marché intégrée constituée des personnes qui utilisent Chrome non seulement comme navigateur Web, mais aussi comme navigateur par défaut sur leur smartphone, ainsi que les données associées à ce marché.
« Tout est question de données et de leur valeur », résume Bradley Shimmin, analyste chez Futurum Group. « Il s’agit de contrôler et de posséder ces voies d’accès à l’information et aux services que sont les navigateurs pour les consommateurs. »
De plus, avec l’évolution du modèle publicitaire de la recherche en ligne due aux avancées de l’IA, Chrome représente une opportunité stratégique pour Perplexity.
« Perplexity aspire à devenir la plateforme centrale pour une expérience Web alimentée par l’IA », explique Bradley Shimmin.
Perplexity n’est pas le seul à s’être montré intéressé par Chrome, selon Reuters. OpenAI, Yahoo et le fonds d’investissement Apollo Global Management auraient faire part de leurs intérêts pour le navigateur.
Un costume trop grand pour Perplexity ?
Selon Bradley Shimmin, il existe une raison pour laquelle Google a maintenu sa position dominante et que le marché des moteurs de recherche reste si restreint.
Cette activité nécessite une infrastructure d’ingénierie colossale, incluant la gestion des publicités, la protection des données personnelles et la sécurité en ligne, domaines dans lesquels même Google rencontre des difficultés.
« Il sera très difficile pour Perplexity d’atteindre cette échelle », affirme Bradley Shimmin.
Selon Crunchbase, Perplexity aurait entre 101 et 250 employés. D’après un article du Financial Times, la startup employait environ 200 personnes en mai.
Sur son site Web, l’entreprise a plus de 70 postes ouverts, principalement des ingénieurs en deep learning et en développement.
En revanche, si l’offre de Perplexity était acceptée, l’entreprise acquerrait non seulement le navigateur, mais également l’équipe d’ingénieurs qui l’accompagne.
Pas de raison pour Google de laisser filer la poule aux œufs d’or
Le jugement du procès antitrust devrait être rendu au cours de ce mois d’août. Le géant de la recherche fera probablement appel de la décision s’il se voit contraint de vendre Chrome.
« C’est un actif extrêmement précieux pour Google », souligne Mark Beccue. « Ils n’ont aucune raison impérieuse de s’en séparer. »
Selon les résultats du deuxième trimestre fiscal 2025, Alphabet, la maison mère de Google indique que son activité « Google Search et autres » lui a permis d’engranger 54,19 milliards de dollars, en hausse d’environ 12 % par rapport à la même période l’année dernière. Cela représente plus de 56 % de son chiffre d’affaires au T2 2025 (96,42 milliards de dollars).
Le coup de communication en bonne et due forme de Perplexity est aussi là pour rappeler qu’elle développe son propre navigateur Web, Comet.