« Les clients français nous considèrent comme un hyperscaler » (Christophe Negrier, Oracle)

Parti après Microsoft, Amazon et Google sur le volet du cloud, Oracle bénéficierait enfin d’un niveau d’attention similaire à ses concurrents de la part des clients. Et il n’est pas uniquement question d’IA, selon Chistrophe Negrier, SVP EMEA South et directeur France chez Oracle.

En France et en Europe, Oracle est considéré comme un spécialiste des bases de données et des applications métiers critiques (ERP, HCM, CX, etc.). Présent depuis 39 ans en France, le groupe américain s’est véritablement lancé dans le cloud il y a dix ans. Et ce n’est que maintenant qu’il commence à être reconnu pour ses services IaaS et PaaS.

« Évidemment, aux États-Unis, il est manifeste que nous sommes un hyperscaler. En France, nous connaissons bien notre prisme sociétal qui nous rend plus circonspects, un peu plus attentifs aux détails… et un peu moins adeptes du storytelling à l’américaine », déclare Christophe Negrier. « Désormais, je vois des clients français qui nous considèrent comme un hyperscaler. Et ça change tout ».

Les clients français s’intéressent aussi au IaaS et au PaaS d’Oracle

L’association d’Oracle avec OpenAI et d’autres fournisseurs de LLM provoquerait une forme d’intérêt. C’est un argument pour certains clients, notamment les banques. Mais ces entreprises sont moins intéressées par le cloud public d’Oracle que par sa capacité à reproduire ses fonctionnalités dans des environnements privés, voire sur site. « Vous avez vu ce qu’on a annoncé avec la BNP, il y a des choix très forts. Avec ces acteurs-là, nous avons des discussions autour du déploiement de plateformes IA, d’adoption de l’IA agentique tout en conservant la confidentialité des données », poursuit Christophe Negrier.

Une bonne partie de la clientèle, moins avancée, anticipe une adoption de l’IA à moyen terme. Eux veulent savoir si Oracle a la capacité « de faire comme » AWS, Microsoft Azure et Google Cloud. « Aujourd’hui, je réponds à des appels d’offres en France sur lesquels Oracle n’était même pas considéré. Il s’agit de sortie de data centers, d’hébergements de machines virtuelles VMware, de Bare-Metal, de passage à Kubernetes et, ce, avec zéro application Oracle », note le dirigeant.

En clair, les entreprises souhaitent savoir ce qu’Oracle vaut au-delà de ses propres workloads (bases de données et Oracle Fusion). Et cela va au-delà du IaaS. « Certains clients privilégient le cloud privé pour “sarcophager” [sic] des applications legacy ou des VM dans une approche IaaS. D’autres choisissent notre cloud public pour nos capacités PaaS », nuance-t-il.

Ces appels d’offres sont également motivés par le changement de politique tarifaire de VMware sous l’ère Broadcom. « Les clients cherchent des alternatives. Mais ils ont bien compris que migrer vers le cloud pour migrer n’est pas le plus intéressant. Cela doit s’inscrire dans un plan de réarchitecture des applications, d’adoption de la conteneurisation et du serverless », commente le dirigeant.

Évidemment, Oracle met en avant ses services managés basés sur Oracle Database. Le fournisseur a automatisé une grande partie des opérations de son SGBD et de son entrepôt de données. C’est le cœur de son offre PaaS.

Toutefois, plusieurs stands du salon d’AI World à Las Vegas faisaient la part belle aux services IaaS et PaaS, dont Oracle Linux, Oracle Cloud VMware Solution, les services managés Kubernetes, MySQL, PostgreSQL, OpenSearch, Apache Spark, Valkey, ou encore Apache Kafka. Les éditeurs indépendants semblent pour autant beaucoup moins nombreux sur la marketplace OCI (Oracle Cloud Infrastructure).

« Le fait de positionner OCI uniquement comme une infrastructure limite encore l’accès aux cas d’usage industriels pour de nombreux clients utilisant des applications non-Oracle », considérait Gartner dans son Magic Quadrant publié au mois d’août 2025.

Peu importe. Que ce soit dans le domaine de l’IA ou dans les autres, Oracle entend se différencier par le rapport prix-performance.

Le levier du multicloud

« Je suis très humble sur le sujet, mais il y a d’autres hyperscalers qui ont aujourd’hui des croissances qui sont ralenties », observe Christophe Negrier. « Quand on subit une croissance ralentie, soit l’on fait des rachats, soit l’on monte les prix. Nous, nous bénéficions d’une croissance très soutenue, les prix [des services cloud] n’ont pas bougé depuis longtemps », assure-t-il.

L’autre corde à l’arc d’Oracle n’est autre que le multicloud. Lors d’AI World, le fournisseur a annoncé une extension des services Oracle Database@AWS, @Azure et @Google Cloud. Ceux-là permettent de colocaliser des appliances Exadata dans les clouds des trois géants. L’événement était également l’occasion d’introduire un « crédit universel » pour consommer ces services sur les quatre clouds (OCI, AWS, Azure, GCP). Sans besoin de recourir à des contrats séparés.

Un atout qui plairait à certains clients. « Nous remarquons une véritable appétence chez les clients », affirme Christophe Negrier. Ces entreprises ont davantage une empreinte multinationale. Elles ont déjà une attache auprès des hyperscalers cités plus haut et cherchent à exécuter des charges de travail sur au moins deux clouds. « Parfois, les clients ont du cloud Oracle chez un hyperscaler A, du cloud Oracle chez Oracle pour d’autres usages. Parfois, les mêmes pour des entités différentes, selon les découpages géographiques », relate le dirigeant français. « Les tarifs sont les mêmes partout dans le monde. C’est un énorme avantage par rapport à nos coopétiteurs ».

Ne dites pas souverain, mais « air-gapped »

AI World a également été l’occasion d’annoncer Dedicated Region 25, la capacité d’installer chez les clients des régions du cloud américain. Il suffit de trois racks pour déployer ces fameuses régions dédiées, ouvrant l’accès à près de 200 services et applications. Les mêmes appliances peuvent être gérées par un partenaire d’Oracle. L’offre s’appelle alors Alloy et permet de bénéficier d’une isolation quasi totale vis-à-vis d’Oracle.

Une autre solution exclusivement portée par Oracle et potentiellement « air-gapped » a vu le jour. « Les clients s’intéressent principalement à Compute Cloud@Customer », déclare le directeur d’Oracle France.  

Compute Cloud@Customer permet de déployer chez eux un rack OCI Compute disposant de 552 OCPU (1 OCPU = 2vCPU) et de 6,7 To de RAM par défaut. Une instance peut être étendue pour atteindre 6624 OCPU et 80 To de RAM. Des nœuds dotés de quatre GPU (Nvidia L40S) peuvent être ajoutés afin de déployer des LLM ou exécuter d’autres charges de travail (simulation, grosse transformation de données, rendu 3D, etc.). Il est possible de disposer de 150 To à 3,4 Po d’espace de stockage. « C’est très intéressant pour les clients qui souhaitent développer une stratégie d’IA privée », considère le dirigeant français. Une instance GPU coûte 2 115 euros par mois, tandis que la configuration de base (E5, sans stockage) coûte 4 557 euros par mois. Le fournisseur ne prétend pas là offrir une solution souveraine, mais des contrôles supplémentaires, jusqu’à l’isolation technique avec son cloud. L’offre cible principalement les institutions financières et publiques.

« OCI se distingue par sa prise en charge de la base de données Oracle, ses options de cloud distribué et souverain, ses prix plus bas pour les instances de calcul à la demande, ses outils d’intégration de données performants et son réseau hautement performant », affirme pour sa part Gartner.

L’entité française d’Oracle bénéficierait des effets d’une entreprise dans « une dynamique d’hypercroissance ». Elle s’installera prochainement dans de nouveaux locaux non plus à Colombes, mais à Paris. Oracle affichait 455 milliards de dollars d’obligation de performance restante au mois de septembre. Et une hausse de 55 % de ses revenus liés au IaaS (3,3 milliards de dollars) sur un an. Le IaaS et le SaaS représentent environ 48 % de son chiffre d’affaires au T1 2026 (14,9 milliards de dollars, en hausse de 12 %).

Le fournisseur ne ventile pas ses résultats par pays ou par région. Selon Gartner, Oracle est l’hyperscaler à la croissance la plus rapide, mais il ne détenait que 2,6 % de parts de marché en 2024, contre 27 % pour Azure, et 41,3 % pour AWS. Le cabinet ne précise pas la part de Google Cloud, mais ce dernier aurait bénéficié de la plus forte croissance chez les hyperscalers en 2024.

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