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Le droit à la déconnexion : plus une affaire de sensibilisation que de technologie (enquête)

Entré en vigueur au 1er janvier 2017, le droit à la déconnexion veut réguler l'utilisation des outils numériques en entreprise. Beaucoup de sociétés l'avaient anticipé dans leurs accords sur la qualité de vie au travail (QVT). Mais peu ont décidé de bloquer les serveurs ou de re-router les mails.

Depuis le 1er janvier 2017, toute entreprise de plus de 50 salariés doit négocier et appliquer un « droit à la déconnexion », DàD en abrégé. Il s'agit de cadrer l'utilisation des outils numériques afin de respecter l'équilibre vie professionnelle / vie privée des salariés, de prévenir les causes de stress et de risques psychosociaux et de garantir l'efficacité personnelle et collective.

En bref, apprendre à utiliser raisonnablement les outils numériques.

« C'est important d'en passer par là, car le mail a été déployé dans les entreprises de manière technique, sans aucune réflexion préalable sur l'utilité d'envoyer un mail ou de l'envoyer à plusieurs personnes. De fait, les volumes ont considérablement augmenté et on envoie un mail à la personne qui se trouve dans le bureau d'à côté ! », remarque Florence Wiener, directrice de la stratégie sociale et de la QVT à La Poste.

Des approches et des solutions variées

La mise en œuvre pratique du DàD s'est faite différemment selon les entreprises.

La coupure des serveurs mails à partir d'une certaine heure paraît simple et efficace. Parmi les rares entreprises qui ont choisi cette solution, citons le groupe JLO. Dès 2016, ce cabinet conseil en Ressources humaines et QVT a coupé l'accès au mail pour ses 115 employés à partir de 20h et le weekend, sauf pour la hotline sur les risques psychosociaux.

Mais en fait, la quasi-totalité des entreprises a préféré la préconisation, l'élaboration d'une charte et la formation. Autrement dit la responsabilisation plutôt que le contrôle et la punition.

« Il n'y a pas de solution unique, c'est un sujet à controverse et aux enjeux multiples », constate Laurence de Ré-Vannière, directrice générale adjointe de l'association Entreprise & Personnel.

La coupure des serveurs, un choix efficace mais risqué

De son côté, Atos avait suscité la curiosité lorsque la société avait annoncé qu'elle allait pratiquer la « journée sans mail » le vendredi. Mais, seuls les mails internes sont concernés.

« C'est une question de bonnes pratiques et d'engagement de tous sur le respect du temps de repos. Il faut mettre en place des règles et des outils d'alerte. Il n'est pas nécessaire de couper les serveurs, ce qui, de toute façon, n'est pas possible dans nos métiers de l'informatique », affirme Vanessa Carenco, directrice des ressources humaines d'Atos France.

Effectivement, la coupure pure et simple présente plus de risques que d'avantages. A commencer par le recours aux boîtes mail personnelles. « Il faut être pragmatique. Dans le secteur des services, la coercition ne marche pas », explique Sibylle Quéré-Becker, directeur du développement social d'Axa France. « Les nouvelles technologies induisent de nouvelles façons de travailler. Nous préférons communiquer et sensibiliser en continu tant les managers que les salariés. S'ils sont contraints, ils vont contourner la règle et utiliser leurs boîtes mail perso. Ce qui présente des risques de cybersécurité. Nous préférons que les échanges professionnels se fassent dans le cadre professionnel ».

De même, la flexibilisation du temps de travail, le télétravail, l'arrivée en nombre des jeunes dont les habitudes diffèrent de celles de leurs aînés, l'internationalisation ou l'activité en 24/7 font qu'il est impossible dans les plus grandes entreprises de couper simplement les serveurs.

Des solutions alternatives efficaces

« Tout ne peut pas être traduit en processus, ce n'est d'ailleurs pas le sujet du DàD, c'est plutôt un état d'esprit », suggère Philippe Trimborn, directeur de l'innovation sociale et de la transformation digitale d'Orange.

Les solutions mises en œuvre varient : charte sur les bonnes pratiques, formation des managers qui doivent être exemplaires, envoi différé, phrases rajoutées dans les mails pour signaler que le message n'a pas besoin d'être lu avant le lendemain matin, pop-up signalant à l'émetteur qu'il envoie un mail en dehors des horaires préconisés, etc.

« La Poste a été la première à mettre les pop-up en place. Nous avons dû demander un développement spécifique à Microsoft car cela n'existait pas dans leur messagerie », se souvient Florence Wiener.

Le DàD a au moins atteint son premier objectif : faire prendre conscience que le numérique apporte de nombreux bénéfices... à condition de résoudre les problèmes qu'il pose et d'anticiper les risques qu'il comporte. Et sur ce point, les entreprises et les instances de représentation du personnel gagnent doucement mais surement en maturité sur le sujet.

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