Migration vers le cloud : le défi du stockage primaire

Lorsque les entreprises envisagent de migrer tout ou partie de leurs applications vers le cloud, la migration du stockage primaire - SAN ou NAS – est une question sensible. Car le stockage est un des éléments clés de la résilience des applications dans les datacenters.

De plus en plus d’entreprises sont tentées de migrer une partie, voire la totalité, de leurs applications vers le cloud public. Plusieurs grands comptes français ont ainsi annoncé récemment leur intention de fermer progressivement leurs datacenters pour déplacer leurs applications existantes vers le cloud.

Ce choix, légitime, pose toutefois d’importantes questions en matière d’infrastructure. Ce n’est pas parce que l’on migre dans le cloud que toutes les préoccupations d’architecture en matière de stockage, de réseau ou de serveurs disparaissent.

De fait, nombre d’applications historiques (ou « legacy ») dictent les principes d’architectures que doivent respecter les entreprises. La plupart de ces applications n’ont pas été conçues pour le cloud et dépendent des infrastructures sous-jacentes pour assurer leur disponibilité. Ce sont les mécanismes de clustering de serveurs, de réplication et de clustering de stockage qui garantissent la protection des applications contre d’éventuelles défaillances.

La tentation logique du « Lift and Shift »

Ce n’est pas parce que l’on transfère ces applications vers le cloud que ces besoins évoluent, notamment si la première étape de migration est une étape de « lift and shift » (littéralement « soulever et déplacer »).

Or cette approche de migration vers le cloud est fréquente, comme l’explique Stephan Hadinger, le directeur technique d’Amazon AWS France, qui conseille les entreprises en matière de prescription d’architectures sur le cloud Amazon Web Services.

« Dans le cadre d’une migration vers le cloud, la première étape pour nombre d’entreprises est d’effectuer du lift and shift » confirme-t-il. Il précise qu’Amazon AWS préconise ensuite d’entamer une phase d’optimisation, afin d’adapter et d’optimiser les applications existantes pour le cloud et de tirer parti des services natifs d’AWS.

Chez Google Cloud, Bastien Legras, en charge des équipes d’avant-vente, indique que le « lift and shift » permet de migrer rapidement vers le cloud. Mais il précise, comme son concurrent, que seule une phase de modernisation permet d’en tirer tous les bénéfices. « Les appels d’offres et RFP des grands comptes cherchent des technologies qu’ils connaissent. Pour les rassurer, nous leur expliquons comment on peut reproduire des choses proches de leurs architectures existantes. Dans les phases de migration initiale, nous avons des cas où les entreprises font du “lift and shift” pur. Dans d’autres scénarios, des entreprises modernisent leurs applications en amont pour mieux migrer. »

Évangéliste technique cloud chez OVH, Rémy Vandepoel indique que pour les clients VMware, un « lift and shift » vers l’offre de cloud privative VMware de la société permet de basculer dans le cloud d’OVH très rapidement, grâce aux multiples outils de migration du marché. « L’adaptation ou le remodelage de la plateforme pourra tout à fait être entrepris par la suite ».

Selon lui, cette seconde phase est chronophage et gourmande en ressources humaines, mais elle permet d’optimiser ses coûts à court terme

Il souligne aussi que pour les entreprises intéressées par l’offre de cloud public d’OVH, les services de stockage en mode bloc sont nativement répliqués sur trois datacenters afin de se protéger d’éventuelles défaillances. Les services en mode fichiers sont quant à eux clusterisés sur un site unique.

Le défi particulier de la migration du stockage primaire

Dans le cadre d’une bascule vers le cloud, la migration du stockage primaire (SAN ou NAS) est un défi significatif pour plusieurs raisons :

  • Les données constituent de plus en plus un facteur d’inertie important du fait de leurs « volumes » et de leurs criticités. Et les baies de stockage sur site sont souvent dépourvues (et l’on comprend pourquoi) de mécanismes de migration transparente de données vers le cloud.
  • Les infrastructures SAN et NAS on-premise délivrent un certain nombre de services que les entreprises s’attendent - parfois à raison, parfois à tort - à retrouver dans le cloud. Nombre d’applications s’appuient ainsi sur les mécanismes sophistiqués de snapshots, de réplication ou de métrocluster des baies de stockage pour assurer la protection et la disponibilité de leurs données. Ces fonctionnalités n’existent souvent pas à l’identique sur le cloud.
  • Nombre d’applications s’attendent à un niveau de service (en matière de performance ou de latence) que les baies de stockage locales garantissent par des mécanismes avancés de gestion de la QoS. Ces mécanismes n’ont pas forcément d’équivalents stricts dans le cloud
  • La sécurité des données, tant en termes de chiffrement que de contrôle d’accès, est souvent assurée par les baies de stockage et les entreprises s’attendent à retrouver un niveau de fonctionnalité similaire dans le cloud.

De l’avis général chez les acteurs du cloud, vouloir retrouver dans le cloud tous les attributs du stockage local est une erreur, simplement parce les fondamentaux techniques et les attributs du stockage cloud distribué, ne sont pas ceux des baies de stockage on premise.

Le stockage en mode blocs dans le cloud est ainsi souvent répliqué nativement à l’échelle d’une région et peut donc survivre à une panne de datacenter, sans que le client n’ait à s’en préoccuper. Les snapshots peuvent en général être répliqués sur une région tierce, pour se protéger contre la défaillance d’une région entière. Tous les fournisseurs cloud ne fournissent en revanche pas un stockage en mode fichiers sophistiqué, la plupart ayant choisi de privilégier le stockage objet.

De ce point de vue, Microsoft Azure se différencie, avec un service NFS sophistiqué délivré en partenariat avec NetApp.

Pour en savoir plus sur les caractéristiques et attributs des principaux services de stockage des grands fournisseurs de cloud, nous vous invitons à lire les autres articles de ce numéro 14 de Storage.

A noter que bien que contacté à l’avance pour ce dossier (comme ses concurrents), Microsoft n’a pas répondu à nos questions en dépit de multiples relances.

Des métiers qui se transforment

Comme nous l’ont expliqué nos interlocuteurs, fournisseurs ou utilisateurs, il est possible dans la plupart des cas de trouver des équivalents acceptables aux services on-premises dans le cloud public.

Et dans le pire des cas, il est toujours possible de s’appuyer sur des solutions de cloud hybride comme l’offre « VMware on AWS » de VMware, « Nutanix Xi » ou des offres de cloud privatives comme celles d’OVH pour régler les problèmes les plus délicats sans toucher à l’infrastructure existante.

Stephan Hadinger souligne aussi que les services cloud ont des attributs que le stockage local n’a pas. « Dans le cloud, il n’y a plus besoin de se préoccuper de gérer l’approvisionnement du stockage. Sur AWS, la capacité est infinie, donc on ne fait plus nécessairement du capacity management ».

Selon lui, cette différence change la vie des équipes IT et leur relation avec le reste de l’entreprise. Alors qu’auparavant l’IT n’avait souvent d’autre choix que de répondre par la négative à une demande, faute de capacité disponible, elle peut aujourd’hui répondre positivement et rapidement aux demandes d’infrastructure.

Ce changement provoque une évolution des métiers. Il faut toujours des effectifs pour gérer le stockage, mais le focus se déplace sur l’architecture et sur la gestion des coûts. Nombre d’équipes IT s’enrichissent ainsi de compétences « FinOps » dont la mission est de concevoir des architectures optimales afin de minimiser le coût de l’infrastructure déployée dans le cloud.

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