Debian : l'équité torpillée dans la communauté

Remous dans la communauté Debian. Après l'annonce de l'intégration d'une nouvelle forme de contributeur dans l'organisation de la communauté, les membres grondent. Absence de consultation de l'ensemble de la sphère, prise de décision non concertée, qui révèle un climat tendu dans lequel la distribution Linux la plus Open Source du marché se perd un peu.

Nouveau rififi chez Debian. Un changement d'organisation introduit, sans concertation de la communauté, par son administrateur Joerg Jaspert a provoqué une levée de boucliers de la part des membres actifs de la communauté. Au coeur des débats : l'arrivée d'une nouvelle catégorie de contributeurs non-techniciens dans la hiérarchie – très structurée – de la communauté. Si d'un premier abord, l'initiative vise à accélérer la prise de décision (dixit son administrateur), elle n'en pas moins perçue par la plupart des développeurs comme une insulte à l'esprit Debian, parmi les plus militant du monde libre. D'autres jugent l'initiative très inadaptée à l'organisation première de la communauté Debian. Et au final, tous s'accordent à dire qu'aucune concertation, vote ou sondage n'ont été programmés pour entériner cette création de statut.

La communauté Open Source Debian se structure selon un cadre très précis, avec des procédures et des tests définis. Debian Contributor et Debian Maintainer sont les deux premiers engagements – et porte d'entrée du projet -  que l'on doit signer au moins pendant 6 mois. Avant d'accéder au rang de Debian Member et Debian Developer. Chacun ayant des droits d'accès particuliers sur la manipulation des fichiers, des packages et des privilèges d'administration de la communauté (comme le droit de vote pour les statuts Member et Developer). La nouvelle catégorie vient ainsi s'insérer dans ce cadre, disposant de droits d'accès plus limités, mais constitue une énième porte d'entrée vers les statuts cadres – et ainsi vers les droits de vote.

Pour Julien Blache, un développeur Debian,  il s'agit bien d'un manque de reconnaissance récurrent des membres cadres. « Depuis quelques années, on voit cette tendance des teams et délégués à prendre des décisions d'envergure pour le projet sans les discuter au préalable publiquement. » C'est bien ce que nombre de membres trouvent intolérable. Le problème s'était déjà présenté, notamment lors de  l'affaire du Dunc-tank en 2006. Ce projet, visiblement poussé sans concertation préalable de la communauté, visait à collecter des financements, sous forme de dons, pour accélérer les développements de la distribution (à l'époque, il s'agissait de Etch). L'opération avait fortement divisé la communauté, une partie d'entre elle estimant que cela ne ferait que démotiver les contributeurs « non-rémunérés ».

Des procédures de recrutement inadaptées

Si la plupart mettent en avant l'absence de concertation, l'affaire illustre aussi un mal-être plus profond au sein de la communauté Debian : la difficulté d'attirer et d'intégrer  de nouveaux arrivants dans le projet. Ces derniers sont rapidement démotivés par des procédures à rallonge (notamment celle du statut New Maintainer) . En ouvrant « une nouvelle voie » et ainsi un nouveau statut – celui des non-techniciens - , Joerg Jaspert, administrateur du projet, espérait motiver les recrutements en ouvrant Debian à un autre panel de contributeurs.

Aujourd'hui, « le processus dans son état actuel est un échec complet car il a été mal maîtrisé et a mal évolué. Il est temps de régler ça. La proposition de Joerg ne fait rien dans ce sens », juge Julien Blache. Et d'ajouter : « le processus NM (New Maintainer) est inadapté et n'a pas réussi à se réformer ». 

Selon lui, le modèle Debian doit évoluer et l'accès au projet doit être redynamisé, « en remettant la responsabilité dans les mains des membres du projet au sens large ». Des propositions sont actuellement à l'étude.

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