Semweb Pro : le web sémantique français se cherche encore des entreprises utilisatrices

A l’occasion de la conférence Semweb Pro qui s’est déroulée les 17 et 18 janvier, la communauté du web sémantique français a fortement insisté sur les usages, histoire de rappeler aux entreprises que le concept du web sémantique est bel et bien sorti des labos.

Passer du prototype à la production. C’est le letmotiv de la conférence Semweb Pro qui réunissait les 17 et 18 janvier la communauté française et professionnelle du web sémantique à Paris. Une première en France dont l’objectif visait à démontrer que les mécanismes du web sémantique, tant technologiques que fonctionnels, sont aujourd’hui prêts pour la production, et donc pour être adoptés pas les entreprises.

Et pour cause. Le Web sémantique, en dépit des efforts de normalisation du W3C, manque de référents en matière d’usages professionnels, encore trop peu nombreux pour que le concept remonte auprès des DSI ou des décisionnaires. Pourtant des projets existent bel et bien au regard de quelques présences remarquées parmi les 130 participants à la conférence. On notait par l’exemple celles d’EDF et de Renault. Un projet de l’avioneur Airbus animait également les conversations dans les allées. Il s'agit de la “sémantisation” de la documentation des avions du constructeur, partagée par les compagnies aériennes, et dont l’objectif est d’accélérer l’accès au contenu ultra-critique que renferment ces données. Citons également le témoignage de la BBC autour de l’agrégation sémantique de contenus.

Quelques cas utilisateurs sortent de terre

Les cas d’utilisation existent donc, à en juger la liste du W3C, mais en France notamment, ils manquent de visibilité, comme nous l’indiquait Tim Berners-Lee dans un entretien accordé au MagIT en novembre dernier. Un point que nous confirmait également Gautier Poupeau, consultant Web sémantique chez l'éditeur de moteur de recherche Antidot, qui pourtant rappelle que l’ensemble des technologies du web sémantique forment une solution concrète en matière d’intégration de données. A l’image de ce qu’a pu présenter la société Semsoft avec sa solution de médiation sémantique mise en avant sur le Semweb Pro.

Néanmoins, l’environnement est de plus en plus propice à accueillir les rouages complexes du Web sémantique. D’abord d’un point de vue technique. Ivan Herman responsable du groupe de travail Web sémantique auprès du W3C a démontré que le consortium avance - au rythme des consensus entre ses membres - dans la normalisation des briques techniques. C'est le cas de RDF, mais également de SPARQL, le langage de requêtage sur RDF dont la version 1.1 devrait faciliter les possibilités d’intégration.

Mais également dans les cas d'utilisation selon Ivan Herman, qui rappelle que le concept d’Open Linked Data, qui consiste à rendre accessibles les données publiquement (ce que fait aujourd’hui le cadastre par exemple) commence à se  répandre. A l’image du vaste projet data.gouv au Royaume-Uni, mis en place par Tim Berners-Lee lui-même. Ce principe touche également les entreprises, qui “ont des problèmes pour traiter de grandes quantités de données issues de sources différentes, comme Chevron ou Boeing”, souligne-t-il. Sans compter sur le support des technologies par des ténors de l’IT , comme Oracle ou SAP. Bref, le web sémantique est bien sorti des labos, conclut-il et semble regarder les entreprises droit dans les yeux.

Des standards à confirmer

Il restera pourtant quelques enjeux à relever, rappelle Fabien Gandon, chercheur à l’Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique), pour garantir une présence industrielle du web sémantique. D’abord celui de “la confirmation des standards qui doivent aujourd’hui ré-intégrer la pratique de 6 ans d’expérience sans remettre en cause l’existant” (rappelons que la version actuelle de RDF date de 2004), puis celui de “supporter les offreurs de technologies, comme Oracle, Yahoo, Google, SAP dans leur intégration du Web sémantique”.

La publication des données publiques constitue également un enjeu pour les gouvernements et pour les citoyens. Mais, et c’est un des points clé, la formation et l’éducation doivent nettement s’améliorer, constate-t-il, afin de répondre notamment à une demande croissance de profils dans les entreprises. Restera enfin à travailler sur des méthodes de visualisation des données qui doivent notamment “cacher la complexité” du système. Les interfaces homme-machine sont en effet un des points faibles des différentes briques du web sémantique, confirme Ivan Herman.

Le support de Google et consorts mitigé

Mais ce n’est pas tout. La balle est également dans le camp des Google et Facebook. “Ce qui va faire décoller le Web sémantique, c’est le référencement par les moteurs de recherche, qui aujourd’hui n’en sont qu’aux prémices de leurs possibilités”, commente Christophe Willaert, étudiant en science de l’information et en veille technologique, présent sur la manifestation. Et sur ce point, les moteurs de recherches clés sur le marché (Google, Yahoo et Bing) sont restés opaques. Si Facebook, de son côté, a fait avancer les choses avec la publication d’OGP (Open Graph Protocol) qui permet de décomposer une page Web en données sémantiques, Google, qui avance très lentement en direction du Web sémantique, pourrait doter son précieux algorithme de recherche des technologies de Metaweb, société rachetée en juillet dernier et spécialisée dans l’intégration de données sémantiques. A terme, cela pourrait bien donner aux entreprises et aux DSI un bon moyen de justifier un achat sur ce segment.

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