Priorité aux logiciels libres : le parlement dit oui pour l’enseignement supérieur et la recherche

Ce 9 juillet, le parlement français a adopté le texte de loi portant sur l’enseignement supérieur et la recherche et avec un amendement donnant la priorité aux logiciels libres dans le secteur. Une première.

Une percée gagnante du logiciel libre dans le secteur public français. Ce mardi 9 juillet, les députés ont adopté le texte encadrant le projet de loi portant sur l’enseignement supérieur et la recherche. Un vote favorable qui inscrit ainsi, pour la première fois dans une loi française, la priorité aux logiciels libres en matière d’achats informatiques. Pour l’Open Source en France, il s’agit ainsi d’une avancée concrète, surtout après la décision des députés en juin dernier d’ôter du projet de loi sur la refondation de l’école cette même priorité donnée aux logiciels libres. 

Adopté le 3 juillet par le Sénat, le parlement a donc suivi les sages en validant le texte ainsi que son article 9, qui stipule aujourd’hui clairement : « Les logiciels libres sont utilisés en priorité. » Cette notion de priorité du logiciel libre avait été retenue le 26 juin dernier par la Commission mixte paritaire, chargée de rédiger le texte de loi. Le texte avait du subir une correction quant à la formulation qui évoquait initialement une priorité donnée aux «logiciels libres de droit». Ce que l’April, l’association de défense et de promotion du logiciel libre en France, considérait comme une formulation «impropre». 

L’Inria aux côté de l’Afdel et Syntec 

Cette fois-ci, le texte aura certes passé les étapes, mais non sans avoir créé la polémique, et provoqué une levée de bouclier de la part de l’Afdel et de Syntec Numérique. Comme lors du projet de loi pour la refondation de l’école - avec succès rappelons le. Mais cette fois, les deux instances syndicales ont appelé en renfort un allié inattendu : l’Inria (Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique), pourtant connu pour son implication dans l’Open Source et pour proposer les résultats de ses recherches sous une licence ouverte. 

Dans une lettre ( PDF) adressée à la ministre Geneviève Fioraso, les trois institutions indiquent que cette mention de priorité «introduit une discrimination injustifiée entre les différents acteurs du secteur face à la commande publique, en fonction de leurs modèles d'affaires et du type de licences ou de leurs modes de commercialisation». Ils évoquent plus loin «l’incohérence législative», suite à la décision des députés d’ôter la notion de priorité dans le texte pour la Refondation de l’Ecole. «Telle que rédigée, cette priorité introduit une exception dans la Loi qui engendrera contentieux juridiques et découragements pour un secteur qui a pourtant proposé 26% des emplois référencés à l'APEC le mois dernier», écrivent l’Afdel, Syntec numérique et l’Inria d’une plume commune, signé Michel Cosnard, pdg de l’Inria, Guy Mamou-Mani, le président de Syntec Numérique et Jamal Labed, président de l’Afdel. La co-signature de Michel Cosnard a par ailleurs généré des remous en interne, comme le soulignent nos confrères de PCInpact, qui ont eu accès à une lettre des syndicats SNCS-FSU, SNTRS-CGT , envoyée également à la ministre. «Nous tenons à signaler que cette initiative n'a fait l'objet d'aucune concertation au sein de l'institut et nous sommes choqués par l'implication de notre institut à une telle action de lobbying», écrivent-ils. 

On se rappelle en effet l’intervention de Claude Kirchner, Délégué général à la recherche et au transfert pour l'innovation de l’Inria, lors des Etats Généraux de l’Open Source en janvier 2013. A cette l’occasion, il avait parlé de l’Open Source comme «un facteur relatif à souveraineté et à la confiance en donnant accès au code», ou encore évoqué l’implication active de l’institut avec sa forge (1 700 projets Open Source sur 2 500 au total) ou encore la création de l’Irill (L'Initiative pour la Recherche et l'Innovation sur le Logiciel Libre) et de la conférence FOSSA ( lire la vidéo sur YouTube - intervention de Claude Kirchner, 34.56 mn). 

En réaction à cette lettre, l’Aful (Association francophones des utilisateurs de logiciels libres) est par ailleurs montée rapidement au créneau. Dans une lettre envoyée à la ministre, signée de la main de Laurent Seguin, son président, l’association dénonce les pratiques de certains éditeurs de logiciels non libres. «[...] Il s'agit bien, pour quelques rares sociétés commerciales ayant un modèle économique basé sur la rente de situation, de conserver et renforcer leur position», écrit le président de l’Aful, évoquant au passage la proximité, notamment financière, de l’Inria avec certains gros éditeurs. Depuis 2007, l’institut de recherche public a noué un partenariat avec Microsoft autour d’un laboratoire de recherche commun. 

Quoiqu’il en soit, ce texte voté constitue une avancée clé et d’envergure dans l’adoption du logiciel libre par le secteur public en France. L’April espère de son côté que «cette première étape [soit] suivie par d'autres dispositions législatives en faveur du logiciel libre». Prochaine étape, la promulgation du texte par le président de la République.  

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