Microsoft réduit en catimini ses ambitions dans le décisionnel

Au début de la crise, Steve Ballmer affirmait vouloir réduire les coûts de Microsoft tout en maintenant ses positions sur tous les fronts. Quelques mois plus tard, le groupe doit réduire certaines ambitions et recule notamment sur le front de la Business Intelligence. L’offre EPM est abandonnée en tant que telle et intègre le portail SharePoint. Une reculade maquillée en redéploiement qui donne de l’air aux gros du secteur, au premier rang desquels SAP-BO.

Microsoft et l’Enterprise Performance Management (EPM), c’est fini. L’éditeur de Redmond a surpris tout le monde en annonçant son intention d’arrêter la commercialisation sous forme de produit indépendant de PerformancePoint Server (PPS), dix-sept mois seulement après son lancement en grande pompe. L’outil de reporting et d’analyse devait être l’un des fers de lance de Microsoft dans sa conquête du marché du décisionnel. Las, une vague de concentration plus tard - qui a vu Cognos rallier IBM et BO tomber dans les bras de SAP – et avec une crise à gérer sur les bras, Microsoft a visiblement décidé de réduire ses ambitions.

Un recul significatif malgré l’intégration de PPS à SharePoint

Certes, l’éditeur explique que sa stratégie de BI pour les masses est toujours d’actualité puisque PerformancePoint Server sera présent sous forme de fonctionnalité dans SharePoint Server 2007, la solution de portail de Microsoft. Et d’ajouter que désormais les millions d’utilisateurs de Sharepoint vont en profiter. Mais l’arrêt intempestif de la distribution indépendante signifie tout de même une reculade importante qui coupera durablement l’éditeur des utilisateurs friands d’EPM, au premier rang desquelles les directions financières.

Et ce n’est pas la sortie du Service Pack 3 de PerformancePoint Server 2007, maintenue pour la mi-2009, qui devrait les inciter à poursuivre l’utilisation d’un produit dont la commercialisation s’éteindra le 1er avril prochain. Durant sa courte vie, PerformancePoint Server – dont une partie des fonctions analytiques reposent sur le rachat de Proclarity en 2006 - semblait pourtant avoir marqué des points en dépit d’une marque encore peu connue. Microsoft revendique ainsi une croissance de 188 % du nombre de licences commercialisées entre 2007 et 2008 et des milliers d’entreprises utilisatrices tant en grands comptes (comme Chevron) qu’en PME.

Intégration profitable ou dilution avant abandon ?

Bien insuffisant, selon Madan Sheina et Helena Schwenk, du cabinet d'étude Ovum, qui expliquent qu’indépendamment du contexte, Microsoft a « sous-évalué les efforts nécessaires pour conquérir les utilisateurs d’EPM. Avoir un vaste écosystème de partenaires et mettre en place une équipe commerciale dédiée n’a pas suffi. La société a manqué d’expertise dans le domaine et d’une structure de conseils efficace pour implémenter des solutions EPM ». Du coup, difficile pour l’activité d’être rapidement profitable, le juge de paix indépassable au moment où Microsoft a décidé de sacrifier les produits jugés non rentables.

En France, Laurence Dubrovin, du cabinet CXP, estime dans une note que « Microsoft par cette annonce montre qu’en intégrant PerformancePoint Server dans Sharepoint, il a privilégié les fonctions collaboratives nécessaires à une bonne prise de décision. De plus, le nombre important de clients sur la plate-forme Sharepoint va faire bénéficier des fonctions de BI un nombre très important d’utilisateurs potentiels. Ce dernier point n’est sans doute pas neutre dans la décision de Microsoft.» Et d’expliquer que la Business Intelligence à la sauce Microsoft est toujours bien vivante et « se structure désormais autour de 3 composants majeurs : SQL Server, la plateforme décisionnelle ; SharePoint 2007, la solution de portail d'entreprise et Office Excel, l'outil d'analyse et de gestion ».

Pas si simple pour Madan Sheina et Helena Schwenk pour qui « SharePoint n’est probablement pas un réceptacle viable pour les fonctionnalités de PPS (…) SQL Server étant la solution la plus évidente pour tout se qui concerne l’analyse et le décisionnel ».

Bonne nouvelle pour SAP, moins bonne pour les prix

Côté marché – celui de l’Enterprise Performance Management était évalué à 15,4 milliards de dollars par IDC en 2007 -, aucun doute : le retrait de Microsoft fait l’affaire de ses concurrents directs. Avec 603 millions de dollars de chiffre d’affaires, Microsoft s’octroyait le 5ème rang en 2007, avec 3,9 % de parts de marché mais de belles perspectives de croissance pour un nouvel entrant qui faisait figure d’épouvantail. Pour Brice Thébaud, analyste chez Aurel - BGC Partners, « Microsoft est un petit acteur en terme de parts de marché, mais un gros acteur dans sa capacité de nuisance, notamment concernant les prix ». Du coup, SAP - leader de l’EPM depuis le rachat de BO - devrait être le grand bénéficiaire de ce retrait. Pour Brice Thébaud, « l’activité Enterprise Performance Management représente environ 21 % du CA de SAP depuis l’acquisition de BO et fait partie des rares segments à croître. SAP devrait également pouvoir améliorer ses marges, alors que la pression tarifaire devrait s’atténuer ».

De plus, le portefeuille Business Object est très complet, intégrant également des solutions low-cost, celles qui adresseront le mieux les clients de Microsoft. Selon Brice Thébaud, « il faut se rappeler qu’avant 2006, Microsoft proposait comme outil analytique Crystal Decision, racheté ensuite par BO, lui-même acquis par SAP ». Enfin, pour l’analyste d’Aurel, « les solutions de BI sont susceptibles de mieux résister à cette crise que les solutions « core » de SAP, car l’investissement à réaliser est beaucoup plus faible pour les entreprises et le retour sur investissement plus rapide (moins d’un an généralement) et plus facile à calculer. » Un critère essentiel pour les investissements des DSI en cette période.

Pour approfondir sur Editeurs

Close