Économie : les SSII indiennes ne savent pas sur quel pied danser

Depuis plus d’un mois, l’industrie indienne des services informatiques semble en proie au doute. D’un côté, elle multiplie les messages rassurants. De l’autre, elle multiplie les signes d'une inquiétude bien réelle.

Mi-août, TCS et le Nasscom se voulaient rassurants. Chez iGate Patni et Infosys, c’était plutôt l’incertitude qui dominait tandis que, du côté du think tank « Centre for Transforming India », on imaginait sans peine une nouvelle récession. Certains signaux objectifs venaient d’ailleurs confirmer les craintes, à commencer par un léger ralentissement des recrutements au mois de juillet. De nouveau, la contradiction semble de mise. 

Selon HSBC, les recrutements de l’industrie IT indienne ont progressé de 7 %, en août, par rapport au mois précédent. Et, «à moins d’une dégradation du contexte macroéconomique, nous ne percevons pas de risque significatif de révision à la baisse de notre prévision moyenne de croissance du chiffre d’affaires du secteur, de 10 à 15 %, » indique la banque dans une récente étude. Les chasseurs de têtes eux-mêmes n’anticipent pas de recul de leur activité au cours des trois à quatre prochains mois. Chez Infosys, l’heure reste aux recrutements «agressifs. » Et pour Pooja Sharma, spécialiste du business développement chez i-Max Services, les industries indiennes du BPO et des services informatiques se portent à merveille - même si elle reconnaît quelques incertitudes liées à la situation de l’Europe. Mais KV Jamath, président du conseil d’administration, c’est encore mieux que cela : les tensions économiques mondiales constituent une «opportunité gagnant-gagnant » pour les prestataires IT indiens. Un discours qui rappelle celui de Som Mittal, président du Nasscom, qui nous expliquait, en octobre 2009, que «celui qui rate les opportunités d’une crise est un perdant. »

Des craintes bien réelles

Derrière l’optimisme affiché, les signes d’inquiétude ne manquent toutefois pas. Citigroup et Goldman Sachs ont abaissé leurs objectifs de cour pour les SSII indiennes, soulignant leur exposition marquée à deux zones en mauvaise santé : les États-Unis et l’Europe. Pour Surendra Goyal, analyste de Citigroup, le climat actuel devrait peser sur les budgets 2012. Le Pdg de Genpact expliquait d’ailleurs récemment au Financial Express que «la croissance américaine est limitée depuis quelques temps, maintenant. Tout le monde a pensé que cela s’améliorerait mais cela ne s’est pas produit.» Et certains se préparent, sinon à une nouvelle récession, au moins à de fortes pressions sur les prix et sur les marges. Pour maintenir les siennes au-dessus de 20 %, Wipro a décidé d’accélérer son expansion sur le marché chinois, avec pour but d’y doubler des effectifs actuellement au nombre de 800. Et ce n’est pas le seul. Infosys suit la même orientation, évoquant un effort de «diversification de [ses] marchés, sur le long terme.» Au cours des deux à trois prochaines années, Infosys pourrait tripler ses effectifs en Chine - il y emploie 10 000 personnes actuellement.

Des signes concrets

Dernier indicateur en date : l’augmentation de la part variable dans les salaires et la réduction des bonus. Selon l’Economic Times of India, la part variable, qui représente actuellement 15 à 20 % du salaire des employés des SSII indiennes, devrait rapidement atteindre 25 à 30 %. Pour mémoire, au cours de l’exercice fiscal 2007-2008, elle représentait en moyenne 10 % du salaire; elle est montée à 18-25 % sur l’exercice 2009-10, en pleine crise, avant de reculer de nouveau. En outre, selon HSBC, TCS se serait contenté de 25 à 50 % de bonus trimestriel pour le second trimestre 2011.

Une fois de plus, les petites et moyennes SSII indiennes devraient être les plus touchées par l’incertitude du moment. Sur un échantillon d’une centaine d’entreprises de ce segment, l’Economic Times of India relève une croissance annuelle de 18 % au second trimestre 2011, en moyenne, contre 26 % pour les cinq plus grands du secteur. Mais c’est surtout la rentabilité de ces PME de l’IT qui s’est fortement érodée. Ce n’est pas vraiment une surprise : déjà en juillet 2010, des analystes relevaient une forte pression sur les marges des PME indiennes de l’IT. Fin septembre 2010, P.N. Sudarshan, de Deloitte Touche, anticipait déjà une phase de consolidation du marché.

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