L'Etat va investir 135 M€ dans le cloud aux côtés d'Orange, Thales et Dassault Systèmes

Andromède, la co-entreprise cloud d'Orange, Thales et Dassault Systèmes devrait bénéficier d'un investissement de 135 M€ de l'Etat, qui détiendra un tiers du capital. Objectif, développer l'offre de cloud dans l'hexagone.

Début août, un communiqué du syndicat CFE-CGC/UNSA de France Télécom avait confirmé ce qui depuis des mois n'était plus qu'un secret de polichinelle : France Télécom, Thales et Dassault Système étaient en bonne voie pour construire avec l'aide financière de l'État, une plate-forme de cloud "tricolore", dans le cadre d’un projet baptisé Andromède. Un communiqué du syndicat préi-cisait alors "il semblerait que le projet de consortium ait enfin abouti et qu’au côté des trois acteurs précités, l’État en soit aussi actionnaire".

Cette semaine, le quotidien économique «Les Echos» a permis d’en savoir un peu plus sur le profil de la future société. Dans le cadre du grand emprunt, L’Etat devrait apporter 135 M€ pour la création d’une co-entreprise avec France Télécom, Thales et Dassault Systèmes, dont il détiendra un tiers du capital.  Les autres parts seront contrôlées à 26,7 % chacun par France Télécom et Dassault Systèmes (contre respectivement 60 M€ en capital et sans doute une bonne dose d'apports en nature) et à 13,3 % par Thales (contre un apport de 30 M€ et là encore sans doute un apport en nature). L'objectif de la structure sera de fournir des services de cloud "bleu blanc rouge" aux clients français, publics ou privés.

Une structure "indépendante"
Selon nos confrères des Echos, la nouvelle entité sera "entièrement indépendante" et ses dirigeants seront "indépendants des partenaires industriels". On l’imagine assez mal, d’autant que le quotidien précise plus loin que le conseil de surveillance de la société comptera 9 membres, dont 2 indépendants et 2 nommés par l'État. Selon le quotidien financier, "les actionnaires d'Andromède ne pourront pas céder leurs actions pendant 5 ans".

Sur le plan opérationnel, « Orange fournira les infrastructures en colocation à Andromède et l'ensemble de la connectivité nécessaire aux clients d'Andromède ». Thales fournira, quant à lui, des services de sécurité. La valeur cumulée sur quatre ans de ces deux contrats est estimée à 60 millions d'euros pour Orange et à 30 millions d'euros pour Thales. Les Echos ne précisent pas le rôle de Dassault Systèmes. Ce dernier, il est vrai n'a pas vraiment l'ADN du cloud. Dans son patrimoine génétique, on ne trouve qu'une incursion dans le monde des infrastructures : la prise de capital effectuée récemment dans un spécialiste des infrastructures cloud, le français Outscale, qui a bâti une solution d'orchestration de cloud pour piloter son infrastructure à base de serveurs Cisco et de stockage NetApp.

Pour quels clients ?
La vraie question est de savoir quel sera le comportement de la nouvelle structure sur le marché. GIE ou acteur public, Andromède aurait pu capter une large partie des projets de Cloud de la sphère gouvernementale et publique sans recours à des marchés publics, un statut qui aurait pu permettre la constitution d'un cloud gouvernemental à la française. Mais du fait de son statut privé, Andromède, ne pourra se prévaloir de ce statut et devra donc comme tout fournisseur concourir pour l'obtention de marchés publics. On présume toutefois que l'infusion d'argent public dans le capital lui permettra d'être régulièrement mieux-disant, ou que certains dialogues compétitifs seront orientés vers la structure Andromède. Il ne pourra en effet se prévaloir du patronage de l'État pour l'obtention des marchés publics. Reste que pour les clients publics, la constitution d’une structure de cloud «publique» aurait sans doute été préférable. Car il est de toute façon difficile de bâtir une stratégie Cloud avec des marchés publics dont la durée ne peut dépasser 4 ans.

Une autre question porte sur l’éventuelle distorsion de concurrence qu’induit la participation de l’Etat à l’attelage pour ce qui est des clients privés. Andromède, partiellement dopé à l’argent public, sera en effet un concurrent d'autres acteurs français ou européens du cloud, tels que des SSII comme T-Systems, Capgemini, Steria, Atos, Osiatis ou des opérateurs comme Colt ou SFR qui ont eux aussi investi dans leurs propres infrastructures Cloud. A n’en pas douter, ces acteurs devraient commencer à sérieusement grincer des dents si l’argent de l’Etat est utilisé par Andromède pour «casser les prix». Et ce ne sont pas les propos de Vivek Badrinath, le CEO d’Orange Business Services dans nos colonnes en janvier dernier qui devraient les rassurer.

Pour lui, l’émergence de «centrales numériques» sera aussi un moyen de stimuler la demande des clients français en services cloud.  Et d’ajouter que l’un des avantages d’une aide de l’état, serait de permettre de faire du "forward pricing" (en clair, dès le lancement de l’offre et même si la demande est faible, le financement de l’État permet de pratiquer des prix compétitifs à même de générer la demande, sans l’habituel surcoût que paient les nouveaux entrants pour une technologie nouvelle, N.D.L.R.). Nous ferons en sorte que les prix correspondent dès le départ à des volumes élevés.

Notons pour terminer,qu’il reste encore à résoudre la question des hommes qui feront Andromède. L'article des Echos laisse présager le fait que la nouvelle structure sera essentiellement une «coquille vide» qui sous-traitera aux personnels de ses actionnaires la réalisation et l'exploitation de son infrastructure. Mais pour en savoir plus, il faudra sans doute attendre encore quelques jours pour avoir la réaction des salariés concernés et notamment celle des syndicats de France Télécom qui avaient demandé des éclaircissements sur le projet dans le courant de l'été.

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