Tim Berners-Lee s’inquiète du risque de balkanisation d’Internet

Le créateur du Web réaffirme ses préoccupations pour l’avenir de sa création, plaidant en faveur d’un Web ouvert et déconnecté des nations.

A l’occasion de la présentation de l’édition de mars du magazine Wired, Tim Berners-Lee a exprimé sa crainte d’assister à une balkanisation d’Internet. Le créateur du Web souhaite qu’il reste « ouvert, fonctionne dans le monde entier, aussi bien que possible », et surtout de manière déconnectée des nations. Refusant toute forme de fermeture d’Internet autour de frontières géographiques, il insiste, citent nos confrères d’Ars Technica, sur le fait de ne pas vouloir « un Web où le gouvernement brésilien exigerait que les données de chaque réseau social soient stockées sur le sol brésilien ». Et de s’inquiéter du fait que le Web repose de plus en plus sur de nouveaux monopoles, une situation susceptible de pénaliser l’innovation.

Tim Berners-Lee n’est pas le seul à s’inquiéter. David Ignatius, éditorialiste au Washington Post et auteur de plusieurs thrillers, est préoccupé par les conséquences potentielles des révélations d’Edward Snowden. Pour lui, les Américains doivent comprendre les préoccupations des Européens. D’autant plus que l’attractivité retrouvée des acteurs du Cloud du Vieux Continent pourraient conduire à « la construction de barrières autour des serveurs européens susceptibles de transformer la superautoroute de l’information mondiale en une série de goulots d’étranglement et de voies d’accès/de sortie ». David Ignatius n’oublie pas au passage d’égratigner la gouvernance d’Internet, « désormais vu comme dominée par les Etats-Unis et, ainsi, contaminée », suggérant une supervision orchestrée par l’ITU.

Tim Berners-Lee et David Ignatius ne sont pas les premiers à s’inquiéter d’un risque de balkanisation d’Internet. Début juillet dernier, le ministre allemand de l’Intérieur avait fait un pas d’encouragement dans cette direction, recommandant à « à toute personne craignant que ses communications ne soient interceptées d’une manière ou d’une autre » d’éviter de « passer par des serveurs américains ».

Reste que le sujet de la balkanisation d’Internet n’a pas attendu les révélations d’Edward Snowden pour être évoqué. Il avait été notamment abordé début 2012, lors de la RSA Conference, à San Francisco, à l’occasion d’un débat où le clivage s’était avéré particulièrement marqué. Kenneth Minihan, 14e directeur de la NSA, avait milité en faveur d’une extension des compétences de l’agence et, plus généralement, des autorités au secteur privé, au-delà du secteur public, en matière de surveillance. Des propos dont les révélations de l’an passé sur les activités réelles de la NSA ont montré le décalage de phase.

Michael Hayden, qui lui a succédé à la fin des années 1990, avait prudemment souligné la complexité du sujet dans le cadre d’un débat largement centré sur les Etats-Unis : « tout ce que l’on fera chez nous légitimera immédiatement ce que d’autres régimes font chez eux. C’est dangereux. » Et d’inviter alors à avancer à pas comptés afin d’éviter une forme de balkanisation d’Internet dont la menace semble de plus en plus marquer les esprits.

Dans un entretien avec la rédaction en octobre 2011, Tim Berners-Lee, avait quant à lui souligné l’importance d’Internet et de son ouverture pour le fonctionnement démocratique : « la nature décentralisée d’Internet a joué un rôle important dans son développement. Et sa neutralité, en tant que media, est très importante, philosophiquement, pour nos sociétés, comme base pour nos démocraties. »

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