Truffle 100 : des éditeurs français au coeur de leur transition vers le cloud

Le dernier classement des 100 premiers éditeurs français Truffle 100 montre un secteur de l’édition tourné vers l’avenir, qui continue d’investir dans sa R&D, quitte à entamer sa rentabilité.

Les éditeurs français sont au coeur de leur transition et restent très optimistes. C’est l'une des conclusions que l’on pourrait tirer du dernier baromètre Truffle 100, qui dresse un palmarès annuel des 100 premiers éditeurs de logiciels en France - en collaboration avec le CXP. Cette 10e édition dépeint un secteur du logiciel français en pleine mutation, aux prises avec la nécessité de s’adapter au phénomène du Cloud Computing et de ses spécificités, tant en matière de technologie, mais également - surtout - en matière de changement de modèle économique et transformation culturelle.

Illustration de cette vague de fond, les dépenses en R&D dépassent les profits, également à la baisse. En clair, les éditeurs investissent dans leur transformation et s’en donnent les moyens en maintenant leurs investissements dans la R&D, constate le Truffle 100. Avec 1,05 Md€ investi et 19 % des effectifs totaux, les efforts de R&D restent constants et retrouvent même leur niveau de 2011 en terme d’effectifs. Au détriment des profits qui, quant à eux, baissent de 20 % pour s’établir dans ce classement à 604 millions d’euros. « Un effet de ciseau au coeur d’une transition qui dure depuis 2 ans », constate Bernard-Louis Roques, directeur général et co-fondateur de Truffle Capital, dans un entretien avec la rédaction.

« Il s’agit de la 2e année que les éditeurs de logiciels investissent plus en R&D qu’ils ne font de profits. Pour investir plus que l’on gagne en résultat net, il faut y croire » , pointant alors l’optimisme chez les éditeurs hexagonaux. Il note également « le coût énorme lié au changement de paradigme [le cloud], d’un modèle licence, de maintenance et de services, vers le modèle Saas, où au delà de l’effort autour de la R&D, on se retrouve face à un problème de modèle économique [Passer d’une modèle de licence à celui de la location de services, avec des revenus récurrents, plus répartis dans le temps, NDLR]. C’est un effort considérable en termes de R&D et de changement de modèle économique », tout en ajoutant que le changement de modèle est également un changement d’organisation.

Un point également soutenu par Laurent Calot, président du directoire du cabinet d’analyste CXP, pour qui, ce passage au Saas nécessite d’accroître considérablement certaines lignes budgétaires. « Cela nécessite également d’importants investissements en termes de commercialisation et de marketing, ce qui a un impact direct sur les marges », lance-t-il.

Mais avec « la résilience des éditeurs français », comme l’indique Bernard-Louis Roques, cette phase de transition devrait encore durer quelques années. « Cela se fera toutefois dans une perspective de croissance, pour aller plus haut. »

Un CA concentré sur le Top 5

Les éditeurs ont donc évolué dans ce contexte de transformation en 2013. Le chiffre d’affaires total généré par ces 100 acteurs est passé de 9 Md€ à 9,3 Md€ en un an, dont 6,2 Md€ uniquement pour l’édition (5,9 Md€ en 2012). Comme l’année dernière, le marché de l’édition français reste très concentré sur le haut du tableau, les 5 premiers éditeurs comptant pour quelque 53% du CA total.

Une progression du CA de certes 3%, mais « depuis 10 ans, on assiste à une hausse du chiffre d’affaires dans un contexte particulièrement difficile. Il s’agit d’une croissance solide, dynamique et surtout permanente », rappelle Laurent Calot, ajoutant que tous les secteurs d’activités de l’industrie ne connaissent pas pareil taux de croissance. Autre élément conjoncturel qui marque la résistance du secteur de l’édition en France : un environnement de plus en plus concurrentiel où sont également présents des acteurs nord-américains, très agressifs sur le marché français. « Les combattants français parviennent tout de même à bien s’en sortir dans cet environnement très concurrentiel. »

Cela est également accentué par « l’arrivée de nouveaux acteurs, positionnés sur les nouvelles technologies, comme le Cloud, l’analytique, le Big Data, par exemple ». Le marché connait actuellement un phénomène de « granularité ». Une mutation du secteur en somme, note encore Laurent Calot, évoquant une convergence importante des acteurs. Par exemple, « les intégrateurs deviennent également des éditeurs […] on constate que les VAR vendent aussi des applications métiers aux utilisateurs. »

Priorité n°1 : le capital risque

Si incontestablement Dassault Systèmes reste le n°1 de l’édition en France et pèse plus de 30% du CA total, la croissance du secteur est également alimentée par le forte poussée des petits éditeurs. « Une forte croissance des petits acteurs mais cela est moins sensible sur l’ensemble », constate Laurent Calot. Dassault Systèmes précède Cegedim , Murex, Sopra et Axway pour les 5 premiers. D’une façon générale, la région Ile-de-France rassemble le gros des troupes, avec 82% du CA édition total, 84% des effectifs et 81% des effectifs R&D. Notons le dynamisme de la région Rhônes-Alpes, avec pour chef de fil l’éditeur lyonnais Cegid, qui compte pour 8% du CA édition.

Enfin dernier enseignement : en matière de financement, le capital risque constitue la priorité n°1 des éditeurs. « 56% des éditeurs veulent un développement du capital risque. Contrairement à l’idée reçue selon laquelle il suffit de développer un logiciel une fois pour le vendre dans le monde entier et que cela nécessite donc moins d’argent que la construction d’une usine, le logiciel repose sur une usine digitale qui nécessite énormément de capitaux. La bourse n’est pas la réponse. Seulement 28 sociétés sur les 100 sont cotées en bourse. Ce qui est très peu. […] il faut faire un effort sur ce point, et sur les instruments qui existent et sont en perte de vitesse. Les Fcpi ne cessent de décliner chaque année en raison de contraintes supplémentaires », commente Bernard-Louis Roques.

C’est donc un des dossiers du numérique en France que devra reprendre Axelle Lemaire, nommée cette semaine Secrétaire d’Etat chargé du Numérique. Un dossier déjà pris en main par Fleur Pellerin et « sur lequel elle avait un avis très favorable », conclut-il.

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