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IBM met ses processeurs Power en Open source

Désormais, tout fournisseur a le droit de concevoir, sans payer de royalties, un processeur personnalisé basé sur le Power. AWS, Azure et Google pourraient être les premiers intéressés.

Un mois après avoir bouclé le rachat de Red Hat pour 34 Md $, IBM fait une nouvelle annonce retentissante : il met en Open source le jeu d’instructions de ses processeurs phares, les Power. Cette stratégie est censée doper l’attrait pour ces puces, puisqu’elle permet à des indépendants de développer des matériels innovants avec des processeurs Power personnalisés, ce qui permettrait in fine à IBM de peser plus lourd face à Intel, le géant des processeurs pour serveurs.

Outre le jeu d’instructions ISA (Instruction Set Architecture), IBM prévoit de libérer d’autres technologies, dont une implémentation logicielle de ce jeu d’instructions, ainsi que les designs de référence pour les bus OpenCAPI (Open Coherent Accelerator Processor Interface) et OMI (Open Memory Interface). Ces bus ont le mérite d’augmenter la bande passante entre les processeurs et les composants alentour ; leur utilisation améliorerait les algorithmes d’intelligence artificielle et autres traitements en cloud particulièrement sensibles aux goulets d’étranglement.

« Il y a cinq ans, nous avons vu la loi de Moore atteindre un plafond alors même qu’explosaient les algorithmes d’intelligence artificielle. À ce moment, nous avons compris qu’il nous fallait un modèle plus innovant, plus ouvert, pour continuer à amener plus de puissance via des accélérateurs, mais aussi en travaillant au niveau des accès stockage et réseau. Notre idée actuelle est d’apporter des compléments au processeur pour répondre aux besoins des traitements modernes », indique Ken King, le directeur général de la division IBM OpenPower.

De nouveaux processeurs sous la tutelle de la Linux Foundation

Dans le détail, la licence du jeu d’instructions est confiée à la communauté OpenPower Foundation, laquelle est placée sous la tutelle de la Linux Foundation. Cela permet aux tiers d’implémenter leurs designs de processeurs par-dessus ce jeu d’instructions, sans avoir de royalties à reverser. Et ils garderont leurs droits et leurs brevets si les instructions additionnelles qu’ils développent sont implémentées dans l’ISA standard.

Cela dit, pour que des instructions soient intégrées à l’ISA standard, encore faudra-t-il qu’elles aient été validées par les membres votants d’un nouveau groupe de gouvernance, qui doit être bientôt formé au sein de la Linux Foundation. IBM indique qu’il n’aura qu’une voix parmi ce groupe.

La libération des interfaces OpenCAPI et OMI permet de son côté à tout fournisseur de collaborer à la conception ou à l’amélioration de cartes d’extensions pour serveurs Power.  

La mise en Open source du jeu d’instruction est la suite logique d’une politique d’ouverture qui a commencé il y a plusieurs années, lorsqu’IBM avait offert à une dizaine de fabricants de serveurs la possibilité de construire des machines Power autour des designs de référence sans avoir à payer de royalties. « Ces constructeurs s’en étaient servis pour développer leurs propres versions de serveurs Power, fonctionnant avec des logiciels Open source. Désormais, nous leur permettons même de développer leurs propres versions améliorées du processeur », précise Ken King.

Un moyen pour faire décoller l’adoption de l’architecture Power

Néanmoins, cette nouvelle approche ouverte ne soulage pas IBM des efforts qu’il doit encore fournir pour imposer ses processeurs sur un secteur largement dominé par des serveurs à base de puces Intel. Même si les ventes de machines Power sont stables sur les derniers trimestres, leur part de marché s’effrite au fil du temps.

« Les serveurs Power sont des machines solides, avec de bonnes capacités, implantées depuis un moment. Néanmoins, IBM n’est pas parvenu à faire de son architecture une alternative à celle d’Intel. Cette ouverture fait partie d’une stratégie qui doit inciter les entreprises à plus souvent évaluer des solutions Power pour peupler leur datacenter », commente Judith Hurwitz, la présidente du cabinet de conseil américain Hurwitz & Associates.

« Libérer le jeu d’instructions Power n’est ni plus ni moins que l’équivalent matériel de la fusion avec Red Hat. IBM veut montrer qu’il devient encore plus ouvert dans tous les domaines, sur les équipements comme sur les logiciels », commente Peter Rutten, directeur de recherche spécialisé en infrastructures d’entreprises chez IDC.

Enthousiaste, Peter Rutten imagine que cette ouverture matérielle pourrait permettre à l’architecture d’IBM de prendre un envol conséquent. Selon lui, elle était en effet attendue de longue date par les développeurs et les intégrateurs de systèmes impliqués dans les projets de haute performance. « À mon avis, ceux qui ont un intérêt immédiat à créer des plateformes sur mesure autour du jeu d’instruction Power sont les grands fournisseurs de cloud », lance-t-il, en faisant référence à AWS, Azure et Google, lesquels constituent les plus importants consommateurs de solutions serveur.

Déjà des développements innovants

IBM a partagé cette information durant la rencontre Open Source Summit qui se tenait cette semaine sous l’égide de la Linux Foundation. Durant ce même événement, Microchip Technology a lancé pour les machines Power le premier contrôleur mémoire qui fonctionne en série, c’est-à-dire qu’il permet d’enficher une très grande quantité de barrettes mémoire sur une carte mère, par l’intermédiaire de petits connecteurs de 84 broches, et, ce, avec les mêmes performances que les slots LRDIMM habituels à 288 broches. Micron, Samsung et Smart Modular ont annoncé dans la foulée la livraison prochaine de modules DDR4 de 16 à 128 Go compatibles.

Selon Pete Hazen, en charge de la division Datacenter Solutions chez Microchip, ce contrôleur est directement compatible avec les applications recompilées pour architecture serveur, puisqu’il repose sur l’interface OMI.

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