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Les femmes et l’IT, une histoire de genre… ou de volonté ?

En France, la part de femmes dans l’IT progresse, lentement. Le chemin à parcourir pour atteindre une éventuelle parité reste long. Mais la portée de l’enjeu est considérable.

Le 8 mars, journée de la Femme, Oracle France a organisé une table ronde au titre explicite – « Où sont les femmes ? » – et, comme il se doit, la parité parmi les intervenants : Christophe Negrier, directeur général d’Oracle France, Cyril Riffault, proviseur du Lycée Léonard de Vinci, à Bagneux, Caroline Elbaz, DRH d’Oracle France, et Sandrine Fouillé, directrice RSE ambassadrice du Numérique chez Nuénum, co-fondatrice de Femmes du Digital Ouest, membre de C3D.

28 % des femmes dans l’IT

Selon les chiffres cités (journée Oracle France « Où sont les femmes »), 28 % des femmes travailleraient aujourd’hui dans l’IT.

Selon les chiffres cités, 28 % des femmes travailleraient aujourd’hui dans l’IT, tous métiers confondus. C’est peu, mais en progrès : il y a 40 ans, c’était plutôt de l’ordre de 10 %. Christophe Negrier, ancien ingénieur réseau, se souvient : « une seule jeune fille sur une promo de 400 » ingénieurs réseau. Cyril Riffault souligne que, désormais et grâce à la création de la filière NSI (numérique et systèmes informatiques) dans les filières du bac général, « il y a deux filles par classe, sur des classes de 24 ». Pour lui, cette filière reste très « genrée ».

Après l’école, une partie du problème semble en fait venir d’une barrière mentale que les femmes se mettent elles-mêmes : « une femme postule pour un poste quand elle pense avoir 80 % des compétences requises ; un homme, 20 %… Parfois c’est même beaucoup moins ! », s’amuse Caroline Elbaz. Dans la même veine, le fameux « syndrome de l’impostrice » qui conduit une femme à penser avoir été nommée par erreur ou favoritisme quand elle atteint un poste à responsabilité, et va beaucoup plus s’investir que ses collègues masculins, pour montrer qu’elle y est à sa place.

Ce constat est dressé depuis des années et ne change guère. La faute à qui, à quoi ? Selon les participants, unanimes sur ce point, la faute reviendrait à l’éducation, c’est-à-dire aux schémas mentaux transmis par les parents eux-mêmes : « le numérique, c’est pas pour les filles, c’est un truc d’homme(s) »… à cause du soi-disant côté technique, rigoureux, matheux. Les premières réticences et obstacles à surmonter sont souvent dans la culture et la mentalité du cercle le plus proche, y compris des femmes – notamment les mères. Cette fameuse « parentalité » à laquelle Caroline Elbaz fait souvent appel.

Les quotas, une mauvaise réponse à une bonne question ?

Caroline Elbaz, qui a travaillé au Canada et y a fait une thèse sur le genre, prête en outre une approche beaucoup plus décomplexée dans le monde anglo-saxon : là, « une femme qui veut travailler après avoir eu trois enfants est considérée comme étant capable de s’organiser. En France, c’est vu comme un frein à la bonne marche de l’entreprise ». Pour elle, il convient donc de travailler à « la parentalité ».

Pour le reste, les solutions apportées restent somme toute classiques… et timides. Il est bien évidemment question des fameux « quotas », vieille Arlésienne de la parité. Les intervenant.e.s, comme les participant.e.s, ne sont pas toujours d’accord sur ce sujet clivant. Pour Christophe Negrier, « c’est un mal nécessaire », faute de mieux. Pour Sandrine Fouillé, très convaincue sur le sujet, c’est une des seules solutions pour changer les mentalités. Et de citer la loi Rixain qui établit que, dans les entreprises de plus de 1 000 personnes, il doit y avoir 30 % de femmes parmi les cadres dirigeants, et 40 % d’ici 2030.

En outre, pour Sandrine Fouillé, le sujet de l’égalité salariale est non négociable, d’où l’initiative Ma Juste Valeur qui fournit des outils aux femmes pour négocier équitablement leur salaire.

Un enjeu de société

Pour Christophe Negrier, c’est d’abord un constat : « une entreprise qui sait intégrer des femmes est plus performante. Sinon, elle se coupe de son écosystème ». Mais pour Caroline Elbaz, l’enjeu touche chacun, personnellement : « se priver du numérique aujourd’hui, c’est risquer d’être précaire dans les emplois de demain ».

Mais le défi est encore plus vaste, profondément sociétal : les deux intervenantes invoquent la programmation et les algorithmes. Pour soulever une question : peut-on aujourd’hui travailler sur des logiciels seulement programmés par des hommes ? Avec tous les biais que cela peut impliquer. Maître Christiane Feral-Schuhl, ancienne Présidente du Conseil National des Barreaux, le soulignait d’ailleurs récemment dans une tribune.

Pour Christophe Negrier, les choses auront vraiment changé quand il ne sera plus nécessaire de parler une fois par an, le 8 mars, de ces enjeux. Autrement dit quand la journée de la femme sera devenue une journée comme les autres.

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