Stockage : l’Européen Leil mise sur des baies très peu énergivores

Les baies de cette startup estonienne reposent sur des disques durs SMR plus capacitifs et sur un système de fichiers SaunaFS capable de les éteindre quand ils ne sont pas utilisés.

Des baies de disques durs pour les sauvegardes et les archives qui consomment le moins d’énergie possible. Tel est le concept de la startup estonienne Leil Storage, qui a mis au point une solution reposant sur des disques HM-SMR.

Les disques durs SMR ont ceci de particulier que les pistes – des cercles concentriques, du bord du disque au centre, sur lesquels sont écrites les données – n’ont pas d’espace entre elles. En fait, la piste suivante est écrite en partie par-dessus la piste précédente, un peu comme les tuiles d’un toit qui se superposent.

Ce principe offre l’avantage de gagner de la place à la surface du disque pour y mettre plus de pistes et, donc, augmenter sa capacité de l’ordre de 30 %. Comme le disque dur SMR ne consomme pas plus d’énergie qu’un disque dur traditionnel, on obtient un premier gain d’économie d’énergie par capacité. Selon Leil Storage, il serait de 18 %.

Il existe trois modèles de baie Leil Storage. Le Standard offre 1,5 Po de capacité dans un boîtier rack 12U qui consomme 1,9 kW. Le Advanced Green offre 9 Po de capacité dans une baie 45U qui consomme 6,9 kW. Enfin, le Enterprise Green offre 15 Po de capacité, dans une baie qui fait toujours 45U et qui consomme 9,8 kW.  

Les disques utilisés sont des UltraSMR de 28 To chacun, fabriqués par Western Digital. À titre comparatif, les disques durs traditionnels de même génération culminent à 22 To de capacité. Les baies sont composées d’un maximum de huit nœuds de stockage montés en réseau. Chaque nœud comprend un serveur avec son tiroir de 102 disques durs (au maximum).

Le revers de la médaille des disques SMR est qu’il est très compliqué de mettre à jour des données, car modifier le contenu d’une piste signifie qu’il faut réécrire aussi toutes les pistes qui s’empilent par-dessus. Le processus est excessivement long et consommateur de mémoire, ce qui explique que les disques durs SMR sont plutôt dédiés à des données que l’on enregistre une bonne fois pour toutes.

Dans un premier temps, Leil Storage cible le besoin de stockage des sauvegardes. La baie est compatible avec les solutions de backup de Veeam, d’Acronis, de Rubrik, de Cohesity et de bien d’autres : la liste s’allonge au fil des mois. Dans un second temps, la startup mentionne qu’elle pourrait s’adresser à des entreprises qui veulent stocker une fois des images, pour les diffuser ensuite à la demande : acteurs des médias, de la vidéosurveillance, mais aussi des centres de recherches.

SaunaFS, un système inspiré de Google File System

Il existe plusieurs variantes de disques durs SMR. Les DM-SMR (Drive Managed) sont des modèles où un firmware interne s’occupe de gérer tout seul la problématique des pistes superposées. Problème, ce firmware ne fonctionne que pour un seul disque dur. Leil Storage a choisi le modèle HM-SMR (Host Managed) qui n’a pas de firmware spécifique et dépend d’un système sur le serveur hôte pour gérer ces pistes superposées. Leil Storage a justement écrit ce système : SaunaFS.

SaunaFS est un système de fichiers distribué, qui formate un volume sur toute une grappe de disques durs reliée à un serveur et même sur plusieurs grappes de disques durs sur plusieurs serveurs montés en réseau. Le fait que ce système gère lui-même la superposition des pistes permet de concevoir des baies de disques entièrement remplies de disques durs SMR.

« Notre but est d’apporter aux entreprises des technologies utilisées par les hyperscalers. »
Aleksandr RagelPDG, Leil Storage

SaunaFS est aussi une implémentation Open source du fonctionnement de Google File System, le système de fichiers utilisé dans les services de stockage du cloud GCP. GCP qui, justement, utilise des disques HM-SMR pour stocker les sauvegardes et les archives de ses clients.

« Notre but est d’apporter aux entreprises des technologies utilisées par les hyperscalers. En matière de stockage, ces technologies sont particulièrement intéressantes pour les entreprises, car elles répondent à l’une de leurs principales problématiques actuelles : réduire les dépenses en énergie », dit Aleksandr Ragel, le PDG de Leil Storage, lors d’un événement IT Press Tour organisé à Rome et consacré aux acteurs européens qui innovent dans le stockage.

Un module ICE pour réduire la consommation d’énergie

Dans sa première version, la solution, de Leil Storage se contente de rendre possible l’utilisation de disques SMR. D’ici à cet été, son module qui les gère, baptisé ICE (Infinite Cold Engine), sera capable de couper l’alimentation des disques durs qui ne sont pas utilisés. Cela devrait réduire la consommation d’énergie de la baie d’un total de 43 % par rapport à une baie de disques traditionnels, à capacité égale.

Au fil des évolutions de l’algorithme ICE, l’économie d’énergie pourrait grimper à 50 %, d’ici à 2025, voire à 70 %, vers 2026.

« Dans un premier temps, ICE va se contenter de couper l’alimentation des disques qui sont pleins. Puis il les rallumera quand l’utilisateur voudra relire leurs données. Toutefois, il ne rallumera pas les disques qui contiennent les informations de parité des données à lire », indique Piotr Modrzyk, l’architecte de la solution.

SaunaFS, pour garantir la sécurité des données au-delà de toute panne d’un disque, répartit et duplique les informations par morceaux redondants sur plusieurs disques à la fois. Les morceaux redondants sont les données de parité. Leil Storage n’utilise pas de RAID matériel, car il ne saurait pas gérer les disques SMR. SaunaFS implémente son propre RAID logiciel, qui plus est fonctionne à l’échelle de plusieurs nœuds de stockage.

« Dans un second temps, nous mettrons en œuvre un algorithme PDC (Popular Data Concentration) qui répartit les données selon leur usage – que nous déterminerons selon des attributs des fichiers (par exemple le logiciel de sauvegarde utilisé). Cela nous permettra d’éteindre les disques non pleins durant les périodes où nous savons qu’ils ne vont pas être utilisés », poursuit Piotr Modrzyk.

En l’occurrence, la baie de stockage est censée recevoir différentes sauvegardes qui arrivent, à tour de rôle, des différents serveurs d’une entreprise. Dans cette seconde évolution, seul un petit groupe de disques restera toujours allumé pour recevoir les nouvelles sauvegardes. À chaque fois que l’une d’elles est complétée, la baie analyse à quel historique de sauvegardes les nouvelles données succèdent. Puis, elle rallume les disques durs qui contiennent les données antérieures pour copier les nouvelles à leur suite.

« Dans un troisième temps, nous analyserons le comportement des utilisateurs, notamment leurs habitudes de relecture des fichiers. Cela nous servira à plutôt classer les données sur les disques selon des usages, ce qui nous permettra d’optimiser encore plus le nombre de disques durs allumés », conclut l’architecte.

C’est cette dernière évolution qui doit permettre aux solutions de Leil de se vendre au-delà du cas d’usage de la sauvegarde.

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