Databricks lève 4 mds $ pour miser sur l’IA agentique plutôt que sur la Bourse
Databricks poursuit sa stratégie de collecte de fonds et de croissance tout en cherchant à éloigner le plus longtemps possible son introduction en bourse. Une approche rendue possible par des résultats financiers positifs et portée par une stratégie technique réaliste.
Plus que quatorze lettres pour compléter l’alphabet. Databricks décroche une levée de fonds en série L. Le concurrent de Snowflake lève un peu plus de 4 milliards de dollars dans un tour de table mené par Insight Partners, Fidelity Management & Research Company, et JP Morgan. Ils sont suivis par une quinzaine d’entités, dont Andreessen Horowitz, une succursale de BlackRock ou encore MGX (le fonds des émirats qui investit dans des data centers en France). Sa valorisation passe la barre des 134 milliards de dollars. Cela représente 34 milliards de plus que la précédente levée de fonds en série K réalisée en août dernier.
L’occasion de mettre à jour ses données financières, déclaratives. Databricks dépasserait ainsi les 4,8 milliards de dollars de chiffre d’affaires roulant anticipé, soit une hausse de 55 % sur un an. En août, il prévoyait un bilan estimé à 4 milliards de dollars. Il réalisait d’ores et déjà 1 milliard de revenu avec ses produits IA. Les entrepôts de données, dérivés de sa vision du lakehouse, lui permettraient d’engranger un autre milliard de dollars. Sur ses 20 000 clients, 700 dépenseraient plus d’un million de dollars par an.
Databricks affiche un taux de rétention net de 140 %. En face, Snowflake, coté en bourse (et donc obligé de fournir des données fiables sous peine de sanctions), dénombre 688 clients sur 12 621 dépensant plus d’un million de dollars par an. Il prévoit un chiffre d’affaires de 4,46 milliards de dollars et affichait un taux de rétention net de 125 % au troisième trimestre fiscal 2026.
Cerise sur le gâteau : au cours des douze derniers mois, Databricks aurait maintenu un flux de trésorerie positif.
L’IA agentique, l’une des pistes de croissance de Databricks
Selon Ali Ghodsi, cofondateur et CEO de Databricks, cette douzième collecte de fonds d’envergure servira à investir dans Lakebase Postgres (issu du rachat de Neon), Agent Bricks et Databrick Apps. Bref, les fondations pour propulser les usages de l’IA agentique. C’était le point d’attention de la précédente collecte et l’événement français de l’éditeur américain au début du mois de décembre.
« Nous souhaitons automatiser la gestion des bases de données PostgreSQL, propulser des agents IA et des applications. »
Nicolas MaillardV-P Field Engineering de la région SEMEA, Databricks
Au-delà de l’IA agentique, l’éditeur n’écarte pas les objectifs terre à terre.
« Avec Lakebase, nous cherchons à reproduire le modèle de séparation du stockage et du calcul pour un système transactionnel », signalait Nicolas Maillard, vice-président Field Engineering de la région SEMEA chez Databricks, lors d’un point avec la presse le 2 décembre. « Nous souhaitons automatiser la gestion des bases de données PostgreSQL, propulser des agents IA et des applications », ajoute-t-il. « L’étape suivante consistera à chercher des systèmes opérationnels extrêmement massifs. Techniquement, ce n’est pas à l’ordre du jour, mais nous nous demandons comment déployer [Lakebase] à l’échelle ».
En clair, c’est un éventuel moyen de remplacer Oracle ou SQL Server. Tout dépendra de la réaction des clients, estime Yannis Daubin, vice-président SEIMEA chez Databricks. À l’heure de l’unification des plateformes de gestion de données, l’idée n’est pas saugrenue. Son concurrent Snowflake prend la même voie. De plus, Databricks s’est rapproché de SAP pour combiner son lakehouse avec les services analytiques de l’éditeur allemand.
La somme servira par ailleurs à financer des rachats de startups spécialisées dans l’IA et des projets de recherche. Selon le Wall Street Journal, Databricks entend embaucher 600 jeunes diplômés aux États-Unis, d’ici l’année prochaine et « créer des milliers d’emplois en Asie, en Europe et en Amérique latine ». Pour rappel, l’éditeur compte 8 000 employés.
Ce n’est pas une surprise, la levée de fonds facilite le rachat de parts de l’entreprise aux employés qui en ont bénéficié. Databricks est habitué du procédé : cela permet à ses employés de récupérer des liquidités sans attendre une éventuelle introduction en bourse.
Une méfiance « assumée » envers la bourse
D’autant qu’Ali Ghodsi a de nouveau fait part de sa méfiance concernant une possible introduction en bourse. Il mentionne, auprès du Wall Street Journal, la correction subie en 2021 et 2022 par les éditeurs de son envergure obligés de licencier massivement leurs employés.
« C’est un choix assumé de rester privé [au sens américain du terme, N.D.L.R.] », avance Yannis Daubin. « C’est lié à notre capacité d’innovation. Quand vous regardez les budgets R&D moyens des acteurs sur le marché, le nôtre est environ 50 % supérieur ».
Puisque les fonds continuent d’investir, Databricks joue, comme le disait un certain Michel Colucci.
« La volonté assumée d’Ali Ghodsi et du comité de direction est de miser sur l’innovation. Ce qui est possible parce que nous affichons des flux de trésorerie positifs », nuance Samuel Bonamigo, vice-président senior et directeur général EMEA chez Databricks. « À terme, je ne sais pas ce qu’il se produira. Je ne peux pas me prononcer sur ce point et, honnêtement, je ne suis pas au courant ».
Pour approfondir sur IA appliquée, GenAI, IA infusée