Le couteau entre les dents. Le 4 février, Databricks a annoncé le rachat de BladeBridge pour un montant inconnu.
Databricks, né des cendres de l’écosystème Hadoop (qui n’est pas encore tout à fait mort), a pris deux voies. L’une n’est autre que le machine learning et l’IA. L’autre, et elle représente une part grandissante de son chiffre d’affaires, consiste en la modernisation de l’entreposage de données. Cette double casquette attire les investisseurs. À la fin du mois de janvier, l’entreprise dirigée par Ali Ghodsi a levé 10 milliards de dollars, auxquels il faut ajouter 5,25 milliards de dollars de crédits.
Évidemment, comme chez ses concurrents, la communication de Databricks invoque ad nauseam ses fonctionnalités liées à l’entraînement et l’inférence de modèles IA. Pour autant, le rachat de BladeBridge situe la priorité de l’entreprise.
Fondé en 2006, Bladebridge est un spécialiste de l’automatisation de la migration de données. Son offre s’articule autour de quatre produits : Analyzer, Converter, Data Recon et Studio.
Analyzer, comme son nom l’indique, permet d’interroger des bases de données relationnelles et des data warehouses afin d’en déterminer la complexité. Converter identifie des patterns dans les métadonnées liées aux données sources, puis propose une conversion automatique vers une technologie cible. Data Recon est un utilitaire permettant de comparer les données et le code entre la source et la cible. Studio est un outil ETL/ELT qui génère du code arbitraire pouvant être exécuté sur différents moteurs : Informatica, Snowflake, PySpark, Oracle, Talend, etc.
Oui, BladeBridge permet à la fois de convertir des tables et des flux de données. Donc de migrer d’un data warehouse vers un autre, mais aussi d’une plateforme d’intégration à une autre. La solution couvre une vingtaine de technologies. Jusqu’alors vieillissante, la suite de BladeBridge profite, depuis peu, des grands modèles de langage pour refactoriser le code et valider les migrations de données.
BladeBridge s’est plutôt fait connaître par le biais des ESN et des intégrateurs, dont Infosys, Accenture, Capgemini, Celebal Tech ou encore Ness Digital.
BladeBridge, un rachat « stratégique » de plus, selon les analystes
Avant l’acquisition, des centaines de clients actuels de Databricks SQL utilisaient BladeBridge pour migrer leurs données, selon Databricks. Selon Kevin Petrie, analyste chez BARC U.S., cette acquisition est donc logique.
Cependant, au-delà du fait de faciliter le « landing » des nouveaux clients sur sa plateforme, l’achat démontre l’évolution de Databricks en matière de traitement des données structurées.
« C’est une bonne chose pour Databricks », commente Kevin Petrie. « Il y a quelques années, Databricks était un nouveau venu dans le domaine des tables SQL et de l’entreposage de données. Aujourd’hui, il a la confiance nécessaire pour investir dans une acquisition stratégique qui permet d’attirer les entreprises loin de leurs concurrents ».
En outre, c’est une bonne base pour potentiellement favoriser le développement de cas d’usage d’IA et de machine learning sur la plateforme. Les données structurées demeurent les ressources les mieux maîtrisées du patrimoine « data » des entreprises, poursuit-il.
Cela dit, en parallèle, la tendance au rapatriement des données du cloud vers des systèmes sur site s’accentue. Cela pourrait avoir une incidence sur l’activité de Databricks, anticipe l’analyste.
En attendant, quelle que soit l’importance de l’acquisition, il reste à voir exactement comment Databricks prévoit d’intégrer les capacités de BladeBridge aux outils de migration de données existants de Databricks, selon Donald Farmer, fondateur et directeur de TreeHive Strategy.
« Voyons ce qu’ils développent ici et – surtout – si Databricks facturera l’utilisation de ces outils de migration. »
Donald FarmerFondateur et directeur, TreeHive Strategy
Il est possible qu’ils soient combinés ou intégrés aux capacités existantes de Databricks. L’éditeur pourrait utiliser BladeBridge comme base d’un nouveau service, de la même manière qu’il a exploité MosaicML comme le socle de sa suite de développement d’IA générative.
« Voyons ce qu’ils développent ici et – surtout – si Databricks facturera l’utilisation de ces outils de migration », ajoute Donald Farmer.
Malgré une accélération des rachats ces deux dernières années, Doug Henshen, vice-président et analyste principal chez Constellation Research, considère que les choix de Databricks ont été stratégiques.
Databricks a payé 1 milliard de dollars ou plus pour MosaicML et une somme similaire pour Tabular. Mais plutôt que d’acquérir de grandes entreprises qui seraient difficiles à intégrer, elle a surtout ciblé de petits éditeurs dont le personnel et la technologie peuvent facilement s’intégrer à Databricks.
« J’apprécie le fait qu’ils ont acquis principalement des acteurs de niche qui s’intègrent logiquement dans l’espace de marché existant de l’entreprise », approuve Doug Henschen. « C’est un mauvais signe lorsque des entreprises s’attaquent à des sociétés plus mûres et à des marchés adjacents simplement pour augmenter leur chiffre d’affaires et maintenir leur croissance ».
Databricks chasse sur les terres de ses concurrents
L’acquisition de BladeBridge par Databricks indique surtout que l’entreprise cible plus agressivement les clients des fournisseurs rivaux.
En cherchant à faciliter le transfert des données, Databricks entend alléger le fardeau que représente l’abandon d’un éditeur au profit d’un autre. En outre, Databricks a directement nommé ses rivaux Snowflake, AWS et Teradata dans le communiqué de presse révélant sa dernière acquisition. Et Ali Ghodsi de se faire l’écho sur LinkedIn de l’annonce en citant Teradata et Snowflake.
Cependant, bien que Databricks ait mentionné le fait d’aider les entreprises à migrer loin de leurs rivaux lorsqu’elle a dévoilé l’acquisition, BladeBridge a été principalement utilisé pour migrer des données en provenance de plateformes obsolètes, rappelle Doug Henschen.
« Pour Databricks, cependant, il s’agit d’une bonne acquisition sur le plan des technologies et des compétences, ce qui accélérera les migrations. »
Doug HenschenV-P et analyste principal, Constellation Research
Par exemple, les clients de BladeBridge abandonnaient des outils tels que IBM DataStage, IBM Db2, Informatica PowerCenter et Microsoft SQL Server en faveur de plateformes modernes d’intégration et de stockage de données, illustre-t-il.
« Je doute que beaucoup de clients passent de Snowflake à Databricks », nuance-t-il. « Pour Databricks, cependant, il s’agit d’une bonne acquisition sur le plan des technologies et des compétences, ce qui accélérera les migrations ».
Donald Farmer minimise également la possibilité pour Databricks d’utiliser la technologie de BladeBridge pour faciliter le rachat de clients à ses rivaux.
En outre, il était auparavant possible d’utiliser BladeBridge pour migrer de Databricks vers une autre plateforme, et il reste donc à voir si Databricks prévoit de supprimer ou de limiter certaines fonctionnalités, prévient l’analyste.
« L’accent clairement mis sur l’objectif commercial de la migration de Snowflake, Redshift et Teradata vers Databricks laisse quelques questions sans réponse », constate-t-il.