RPA : attention aux coûts cachés et à la consolidation du marché, alerte Gartner
Dans une note de recherche, Gartner rappelle que la RPA impose de négocier des clauses contractuelles spécifiques qui restent aujourd’hui mal cernées par les entreprises.
Parce qu’elle était un marché émergent en 2018, la RPA (Robotic Process Automation), pilier de l’automatisation de processus dans les entreprises, souffrait encore d’un manque certain de maturité, tant en matière de contractualisation que de gestion des coûts, alertait le cabinet d’étude Gartner dans une note exclusive que s’est procurée la rédaction. Une immaturité qui justement comportait des risques. Ces risques n’ont pas disparu en 2022.
Une des raisons est que les fournisseurs de RPA passent directement par les dirigeants d’entreprise, attirés par des prix bas et « les retombées attractives promises par les fournisseurs », précisaient Melanie Alexander, Frances Karamouzis et Bill Ryan, les auteurs de l’étude. Quitte alors à contourner la direction des achats, gardienne des modalités des contrats et de leurs subtilités. Surtout, au-delà de cette approche, Gartner reconnaissait également que la fragmentation de la RPA en matière de licences et de tarifications compliquait la tâche des achats « qui n’ont pas d’autre choix que de découvrir (à leur insu, N.D.L.R.) les coûts cachés. »
Parmi ces coûts cachés, les auteurs de l’étude pointent du doigt un modèle de tarification bien connu : celui des coûts de licences indirects, dont l’imbrication avec la RPA n’est pas forcément une évidence. « Les robots de RPA sont généralement déployés pour effectuer des routines bâties sur des règles, telles que la collecte et la saisie de données, pour automatiser un travail précédemment accompli par des êtres humains. Selon le niveau d’interaction de la RPA avec les autres applications existantes, il peut être nécessaire d’acquérir une licence pour le robot couvrant l’utilisation des logiciels des autres éditeurs (par exemple Microsoft, Salesforce ou SAP) », indiquent-ils.
Ce qui soulève un autre problème de taille : celui de la définition d’un utilisateur. « Le robot doit-il être considéré comme un utilisateur pour chaque application et, si oui, nécessite-t-il une licence ; quel type de licence est approprié pour un robot dont le taux de productivité est plus élevé que les utilisateurs humains qu’il remplace », liste le cabinet d’études.
Il faut ainsi probablement s’attendre à ce que les fournisseurs créent de nouvelles métriques qui prévoient un surcoût pour les utilisateurs robots, anticipait Gartner.
Du coup, Gartner, s’adressant aux directions achats, recommandait dans une longue liste d’établir « une structure de coûts prévisible pour les futures implémentations en incluant des modalités relatives à de meilleures conditions tarifaires et offrant un prix unitaire inférieur par robot ».
Cette difficulté demeure en 2022. Dans le meilleur des cas, un humain contrôle le robot et ce bot supervisé est rattaché au compte de l’utilisateur existant. Les éditeurs partent généralement du principe que ce collaborateur dispose d’un siège dans l’ensemble des systèmes traversés. Cependant, le cabinet d’étude fait ici référence aux pratiques de certains fournisseurs qui encadrent l’usage de robots, principalement les bots non supervisés, sur leurs produits. Là, il faut à la fois assigner un siège à ce bot et vérifier les limites d’usage en fonction des ressources IT consommées.
À titre d’exemple, SAP considère l’utilisation de la RPA comme un « accès indirect », répondant à la mise en place d’une licence spécifique. L’éditeur allemand a créé un programme en 2019 intitulé SAP Digital Access, censé simplifier la gestion de ces coûts indirects. L’initiative est supportée jusqu’au 31 décembre 2022.
Dans un même temps, le coût d’entrée à l’adoption de la RPA a baissé, constate Gartner. Les éditeurs proposent désormais des solutions à la consommation, hébergées dans le cloud. Les PME peuvent ainsi s’essayer à cette technologie. Il faut toutefois distinguer plusieurs modèles économiques. « Nous avons vu émerger plusieurs modèles de tarification SaaS sur le marché de la RPA, notamment l’utilisation des bots à la seconde ou à la minute. De nombreux fournisseurs proposent également un nombre illimité de bots à un prix fixe ou offrent des composants RPA gratuits dans le cadre d’un pack de démarrage », écrivent les analystes dans le Magic Quadrant publié le 26 juillet 2021.
Un marché en proie à la consolidation
Autre point souligné par le cabinet dans son étude de 2018 : la fragmentation du marché de la RPA. Ce segment comporte en effet de nombreux petits acteurs. Ce qui laissait présager d’une consolidation « d’ici quelques années », soutenait Gartner pour qui 90 % de ces acteurs étaient des entreprises dont les revenus annuels sont inférieurs à 40 millions de dollars.
Gartner a vu juste. Rien qu’en 2021, Salesforce a acquis Servicetrace, Blue Prism a failli rejoindre TIBCO via Vista Equity Partners (finalement le fonds SS&C Technologies s’en est emparé) et ServiceNow a racheté et intégré Intellibot. En février 2022, Nintex, après avoir lui-même été repris par le fonds TPG Capital, a mis la main sur Kryon.
Dans son Magic Quadrant 2021, le cabinet d’études observait que le marché était « encore très fragmenté ». « Les éditeurs des marchés adjacents commencent à proposer des fonctionnalités RPA. Gartner constate que les 10 plus grands fournisseurs de RPA représentent plus de 80 % du marché (contre 70 % en 2020), et que les trois plus grands éditeurs en représentent 52 % ».
Il est ainsi fortement recommandé, soutient le cabinet, d’inclure aux contrats des mesures de protection « pour empêcher des changements préjudiciables résultant du rachat d’un fournisseur de RPA ». Des préjudices liés à une hausse de la tarification, à un changement de niveau de support ou encore à une répartition des fonctions dans plusieurs versions.
Pour Gartner, il convient de limiter la durée des contrats à deux ou trois ans. « Si une durée plus longue est nécessaire, négociez la possibilité de résilier le contrat, sans obligation de payer des frais, au cas où le fournisseur de RPA serait racheté. »
L’AI : risque pour la propriété intellectuelle
Mais ce n’est pas tout : en 2018, Gartner attirait également l’attention sur les risques liés à l’utilisation d’outils de RPA qui embarqueraient des fonctions d’intelligence artificielle. Des fonctions mal-définies qui sont susceptibles de compromettre la propriété intellectuelle de l’entreprise : « les capacités d’apprentissage machine de certaines technologies d’intelligence artificielle conduisent à la création de nouveaux jeux et modèles de données, et à la modification de processus existants ». Mais « de nombreux contrats n’abordent pas ces types de scénarios et, s’ils sont mal négociés, risquent d’entraîner la cession par défaut de la propriété intellectuelle au fournisseur », rappelle Gartner.
D’où la nécessité absolue de demander à l’éditeur une cartographie précise des fonctions d’AI présentes dans le logiciel. « Arrêtez d’offrir des informations différenciatrices ou confidentielles à vos concurrents par l’intermédiaire des fournisseurs de RPA qui proposent des fonctionnalités d’intelligence artificielle », lance Gartner. Il recommande de « négocier de façon proactive une définition claire et précise des données du client qui englobe tous les jeux de données créées par l’AI. »
De fait, en 2022, la combinaison du machine learning et de la RPA est devenue la nouvelle tendance chez les éditeurs. Elle est incarnée par le concept d’hyperautomatisation imaginé par Gartner, et d’Intelligent Automation, une invention de Forrester.
GartnerMagic Quadrant RPA 2021
En sus de la question de la propriété intellectuelle, l’enjeu est la multiplication des outils nécessaires pour automatiser les processus de bout en bout. « La RPA reste essentielle pour atteindre l’hyperautomatisation, en particulier pour les décideurs qui ne font pas partie des départements IT. L’enquête sur l’hyperautomatisation, menée par Gartner en 2021, a révélé que ces responsables métiers utilisaient en moyenne deux produits de fournisseurs, ce qui indique qu’un seul outil peut ne pas être suffisant », indique le Gartner dans son Magic Quadrant 2021.
Et quand les éditeurs proposent des fonctions d’IA, il n’est pas rare qu’ils revendent – en marque blanche ou non – les services d’autres fournisseurs, dont Google Cloud, Microsoft Azure, AWS ou encore ABBYY. En sus d’un coût supplémentaire pour obtenir une licence, il convient de vérifier les conditions d’utilisation de ces produits.
Article originellement publié le 31 mai 2018 et mis à jour le 28 mars 2022.