
izzuan - stock.adobe.com
EAM : IFS fait entrer ses agents IA dans son organigramme
La filiale de l’éditeur d’ERP spécialisés dans la gestion des actifs industriels, Ultimo veut devenir une entreprise « AI-first ». Et elle entend accompagner ses clients sur cette même voie en leur fournissant non plus des outils, mais une « force de travail » numérique.
IFS Ultimo, spécialiste de la gestion des actifs (EAM pour Enterprise Asset Management), amorce une transformation en profondeur. Son objectif : devenir une entreprise centrée sur l’intelligence artificielle, où agents numériques et collaborateurs humains coexistent… jusque dans son organigramme.
Mais cette intégration de « la main-d’œuvre numérique » (sic) ne se limite pas aux opérations internes. IFS veut également intégrer des capacités d’IA générative et d’IA agentique dans son produit. D’après l’éditeur qui a racheté Ultimo en 2022, cette évolution aidera les industriels à améliorer leur efficacité et à réduire leurs coûts.
Ultimo a vu le jour en 1988 aux Pays-Bas, d’abord comme cabinet de conseil pour les industriels du Benelux puis comme éditeur de logiciels EAM, devenant un acteur majeur au Royaume-Uni et en Allemagne avant d’être racheté par IFS, fournisseur de logiciels ERP, EAM et FSM.
Depuis, avec le soutien financier du fonds EQT, le groupe investit massivement pour accélérer sa croissance organique en Amérique du Nord, réaliser des acquisitions ciblées, et faire évoluer sa plateforme logicielle.
En mai 2025, Steven Elsham (un ex de Salesforce, SAP et Oracle) a été nommé directeur général d’IFS Ultimo pour piloter cette nouvelle phase.
« Nous ne sommes plus simplement un éditeur d’EAM, capable d’enregistrer des informations [sur les assets]. Nous devenons un fournisseur de “main-d’œuvre numérique” (digital workforce) spécialisée dans la gestion des actifs industriels des entreprises – et qui dispose, en prime, d’une base d’enregistrement de données [sur les assets] », explique Steven Elsham.
Une organisation augmentée par l’IA
IFS Ultimo développe une gamme de produits motorisés à l’IA (Intelligence artificielle) dont des agents numériques. Mais la transition touche aussi son fonctionnement interne, avec l’intégration rapide d’agents autonomes dans ses processus métiers.

CEO de Ultimo
« Nous devenons une entreprise AI-first », assure Steven Elsham. « Cela signifie que sur notre organigramme, il y a non seulement nos collaborateurs humains, mais aussi leurs collègues numériques ».
« Certains systèmes ont été enrichis par l’IA, d’autres ont été remplacés par des agents autonomes capables d’accomplir des tâches autrefois assurées par des humains. », continue-t-il.
De plus en plus d’entreprises franchissent d’ailleurs ce pas. Le PDG de Salesforce, Marc Benioff, affirme que 30 à 50 % des opérations de son groupe sont désormais assurées par des agents IALa banque BNY Mellon a, elle, commencé à déléguer certaines tâches comme la rédaction de code ou la validation d’instructions de paiement à des agents intégrés aux équipes.
Dans l’industrie, cependant, l’adoption de ces nouvelles formes de travail reste un défi pour un secteur plutôt prudent et pas toujours enclin à être à la pointe de l’innovation – d’après lui.
« Ce n’est pas qu’une question de technologie – les industriels savent l’absorber rapidement. C’est surtout un nouveau mode de pensée et d’organisation qu’il faut adopter », souligne Steven Elsham, confirmant l’analyse du président d’IFS, Mark Moffat. « Il faut aller là où la trajectoire nous mène, et non pas rester ancré dans le présent », invite-t-il
Des agents numériques partout, mais pas pour supprimer des postes
Dans la filiale d’IFS, les premiers domaines concernés sont la finance et la comptabilité, les ressources humaines et les opérations commerciales. L’objectif ne serait pas de réduire les effectifs, mais de redéfinir les rôles : l’émergence de fonctions comme « manager d’agents » en est un exemple.
« Cela nous permet d’innover, d’être plus agiles, plus réactifs », insiste Steven Elsham.
Certaines fonctions back-office ou financières, historiquement délocalisées au Sri Lanka pour des raisons de coûts, ont été confiées à des agents IA. Les collaborateurs ont été invités à modéliser leur propre rôle sous forme d’agent, pour ensuite en devenir les superviseurs.
« Lorsqu’un salarié réussit à reconstituer son poste sous forme d’agent, il devient quasiment indispensable à l’entreprise. Il a un emploi garanti chez nous, car il apporte une valeur unique », affirme Steven Elsham.
Les salariés utilisent Microsoft Copilot, ChatGPT Enterprise ou encore Luminance (un outil juridique d’analyse contractuelle) pour créer leurs agents. La R&D s’appuie sur Lovable et Cursor AI pour le développement produit, et le service financier sur Lucanet pour la planification budgétaire.
Une transition rapide… et déstabilisante
Ce virage rapide vers l’Intelligence artificielle suscite cependant des interrogations en interne. Steven Elsham admet une certaine forme d’inquiétude. « [Mais] je dis à nos collaborateurs que ce n’est pas un projet ponctuel, c’est notre nouveau quotidien. C’est la seule façon de rester compétitif et de répondre aux exigences de plus en plus grandes de nos clients. »
Pour lui, IFS Ultimo ne se mesure plus seulement à ses concurrents du secteur de l’EAM, mais aux standards que les clients appliquent à toutes les solutions qu’ils utilisent.
« Nous devons nous hisser à ce niveau. C’est pour cela que nous transformons notre entreprise de l’intérieur, pour devenir une vraie organisation “AI-first” », conclut-il. « Ce n’est pas qu’une histoire de produit, c’est aussi notre manière de fonctionner qui change. »